Chronique de l’abbé de Cacqueray
l’occasion de son vingt et unième pèlerinage vers la cathédrale de Chartres, le président de l’association « Notre-Dame de Chrétienté », Hubert de Gestas, a communiqué à la presse une déclaration datée du lundi de Pentecôte (9 juin 2003) dans laquelle il demandait en particulier « la reconnaissance officielle du droit de cité, dans l’église catholique, du rite romain célébré selon les livres de 1962 ». Il ajoutait à cette demande « que tous les prêtres qui le désirent puissent la célébrer librement quelles que soient les circonstances ». Il m’a semblé que cette initiative méritait, alors même qu’elle date déjà de quelques mois, de ne pas être ensevelie dans le silence aussi rapidement. Comme aucun des instituts Ecclesia Dei ne l’a reprise pour la faire sienne, je ne puis m’empêcher de vouloir lui donner une audience.
Si le pèlerinage « Notre-Dame de Chrétienté » rassemble plutôt des catholiques qui se réclament d’une sensibilité traditionnelle, bon nombre d’entre eux n’ont toutefois pas l’habitude d’aller pour autant à la messe de saint Pie V pendant l’année. Ils aiment leurs trois jours de marche annuels vers Chartres, mais se sentent éloignés d’un rite qu’ils ne connaissent pas très bien. L’appel de Chartres, bulletin de l’association « Notre-Dame de Chrétienté « , se fait d’ailleurs l’écho de ce malaise en donnant la parole à un « chef de chapitre chevronné » qui mentionne chez les pèlerins « une grande difficulté de compréhension due à la méconnaissance de plus en plus marquée de la messe tridentine de rite romain latin » (nº 139–140, p.l5). La question qui se poserait parmi les pèlerins de Chartres serait plutôt de savoir pourquoi la nouvelle messe n’est pas librement célébrée au cours de ce pèlerinage.
Il faut bien noter par ailleurs qu’aucun des instituts relevant de la mouvance « Ecclesia Dei » n’a, à ce jour, formulé une demande telle que celle de Monsieur de Gestas. Est-ce parce qu’ils croient ne pas le pouvoir ? Sans doute faudrait-il apporter quelques distinctions entre les différents instituts et entre les membres mêmes de chacun d’eux pour donner l’éventail des nuances. Mais la réponse la plus pertinente serait sans doute celle-ci : ils n’ont pas été les premiers à adresser la requête de la libéralisation de la messe. Mgr Fellay, porté par le souci d’un combat pour l’église catholique, les a précédés. Et si quelques-uns d’entre eux applaudissent probablement à la formulation de ce préalable, aucun de ces instituts n’a osé jusqu’ici courir le risque d’être traité de « lefebvriste » en le reprenant à son compte.
Ce sont donc finalement des laïcs, Monsieur de Gestas en particulier, qui, les premiers, ont emboîté le pas à Mgr Fellay. Bien que leurs motivations soient sans aucun doute en partie différentes de celles du Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X (dont la volonté est d’obtenir la disparition de la messe de Paul VI), ce rapprochement est un geste significatif d’adhésion à la ligne stratégique adoptée par la Fraternité Saint-Pie X. Il rompt par ailleurs avec ce silence vraiment choquant des prêtres « Ecclesia Dei », en leur rappelant le combat qu’ils n’ont pas engagé, ce silence qui risque de les amener tôt ou tard au biritualisme pendant le pèlerinage, comme c’est déjà le cas ailleurs. Mais qu’est-ce qui les empêche d’adresser la même requête ? Serait-il vrai que leur désir de ne pas être assimilés à la Fraternité Saint-Pie X est finalement plus fort que leur attachement à la messe de saint Pie V ?
Un pèlerin de « Notre-Dame de Chrétienté », très heureux de la démarche de Monsieur Hubert de Gestas, me confiait son désir de voir « le bureau de son pèlerinage demander également la levée des sanctions prononcées à l’encontre des évêques de la Fraternité ». Nous devons tout à Mgr Lefebvre et c’est un devoir de lui manifester notre reconnaissance. Qu’est-ce qui existerait encore sans lui ? »
La demande de ce second préalable serait peut-être une idée pour leur prochain pèlerinage !