Editorial octobre 2003 – LAB n°64

Chers Amis et Bienfaiteurs,

Les auto­ri­tés romaines, demeu­rées dédai­gneuses quant à la ques­tion d’é­cône jus­qu’à l’an­nonce des sacres, com­men­cèrent à s’en pré­oc­cu­per sérieu­se­ment pour les évi­ter à tout prix à par­tir de ce moment pré­cis. Elles en connais­saient fort bien l’en­jeu ! Le triomphe des nou­velles idées serait défi­ni­tif si elles par­ve­naient ou à dis­sua­der Monseigneur Lefebvre de pro­cé­der à des sacres épis­co­paux ou à lui impo­ser un can­di­dat selon leur goût. Dans le cas contraire, il fau­drait alors se rési­gner à subir la pré­sence de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X pour long­temps et cette pers­pec­tive ne les enchan­tait pas. Notre Fondateur ne faillit pas à sa mis­sion. Son regard très éle­vé lui mon­trait la néces­si­té grave de veiller à la per­pé­tua­tion même du sacer­doce catho­lique dans l’é­glise. Il choi­sit quatre de ses prêtres, dont il savait la sûre­té doc­tri­nale, et leur trans­mit l’é­pis­co­pat. Le 30 juin 1988 devint l’une des dates les plus impor­tantes de l’his­toire du sacer­doce catho­lique. A par­tir de cette date, il devint cer­tain que celui-​ci conti­nue­rait à être com­mu­ni­qué alors qu’on se trou­vait jusque-​là dans le risque de le voir som­brer complètement.

La hié­rar­chie conci­liaire, n’ayant pu empê­cher les sacres, cher­cha alors à dis­cré­di­ter l’ouvre de Monseigneur Lefebvre, désor­mais assu­rée de son ave­nir, par les moyens les plus sévères. La Fraternité Saint-​Pie X fut pla­cée au ban de l’é­glise tan­dis qu’é­tait brus­que­ment fon­dée une autre socié­té auto­ri­sée à célé­brer selon le rite de saint Pie V pour ras­sem­bler tous les fidèles qu’ef­frayaient les épou­van­tails agi­tés par Rome. Les pro­phé­ties les plus sombres cir­cu­laient en même temps pour annon­cer, l’une que la Fraternité était vouée à un écla­te­ment iné­luc­table, l’autre qu’elle ne sur­vi­vrait pas au décès de son fon­da­teur, la troi­sième, sa dérive obli­gée vers le sédé­va­can­tisme et le schisme. Que de paroles pro­non­cées qui n’empêchèrent pas les prêtres de Monseigneur Lefebvre de conti­nuer leur tra­vail et la Fraternité de tra­cer son petit bon­homme de che­min. Les bavar­dages s’es­tom­pèrent, rem­pla­cés par un silence affec­té. Il ne ser­vait plus à rien de par­ler de la Fraternité qui s’é­tait obs­ti­née, ou bien c’é­tait ris­quer de lui don­ner de l’im­por­tance et de lui faire une publi­ci­té qu’il fal­lait tout prix éviter.

Les années de la der­nière décen­nie se suc­cé­dèrent et les pré­dic­tions pes­si­mistes ne se réa­li­sèrent pas. Monseigneur Lefebvre ren­dit sa belle âme à Dieu le jour de l’Annonciation de l’an­née 1991 et la Fraternité Saint-​Pie X, non contente de lui sur­vivre, eut même le front de conti­nuer à se déve­lop­per à tra­vers le monde tan­dis que l’ef­fec­tif de ses prêtres crois­sait. Cette expan­sion, alors que les décombres s’ac­cu­mu­laient par­tout autour, ne pou­vait pas­ser inaper­çue : l’on ne vou­lait pas par­ler de la Fraternité mais l’on ne pou­vait empê­cher les âmes de bonne volon­té de remar­quer la dis­pa­ri­tion pro­gres­sive de la géné­ra­tion des prêtres aux cols rou­lés ain­si que leur dif­fi­cile rem­pla­ce­ment, tan­dis que pesait cet ostra­cisme contre des cen­taines de prêtres en sou­tane. A l’oc­ca­sion du jubi­lé de l’an 2000, la pré­sence de la Fraternité Saint-​Pie X ne pas­sa pas inaper­çue à Rome et les auto­ri­tés romaines se deman­dèrent alors s’il n’é­tait pas temps d’u­ti­li­ser une autre stra­té­gie pour récu­pé­rer ces forces vives.

D’ailleurs, ces évêques sacrés par Monseigneur Lefebvre n’a­vaient pas sa renom­mée. Ils avaient été main­te­nus dans l’obs­cu­ri­té média­tique et, iso­lés comme ils l’é­taient, se lais­se­raient peut-​être plus faci­le­ment cir­con­ve­nir par des pro­po­si­tions de régu­la­ri­sa­tion cano­nique. L’on connaît la suite. Notre supé­rieur géné­ral ne refu­sa pas de dis­cu­ter avec celles des auto­ri­tés romaines qui se pré­sen­tèrent à lui. Il appa­rut cepen­dant, au fil de ces entre­tiens, que la fina­li­té des uns et des autres était fort dif­fé­rente. Là où le car­di­nal Hoyos recher­chait un accord à tout prix sans consi­dé­rer les diver­gences doc­tri­nales, nos évêques répon­daient qu’ils n’en­vi­sa­geaient cet accord que comme la conclu­sion d’un pro­ces­sus d’é­tude et de règle­ment des ques­tions théo­lo­giques en souf­france. Deux préa­lables étaient en outre deman­dés comme signes de la bien­veillance avec laquelle Rome regar­dait la Tradition. Ni l’un ni l’autre n’ont pour le moment été accordés.

Certains peuvent être ten­tés de trou­ver cette poli­tique trop sévère. L’accord était pré­sen­té sur un pla­teau et la Fraternité ne l’a pas accep­té. Experientia apa­tet ! ! Elle constate que tous ceux qui ont joué à ce jeu n’ont pas été les plus forts. Les uns après les autres se sont retrou­vés non seule­ment bâillon­nés mais contraints de ver­ser dans le biri­tua­lisme et dans l’ac­quies­ce­ment aux erreurs de Vatican Il. La der­nière chute, mais non la moins spec­ta­cu­laire par sa rapi­di­té, a été celle de Campos qui nous appa­rais­sait pour­tant comme un cèdre du Liban…

Quinze après les sacres, la Fraternité Saint-​Pie X, loin d’être ten­tée par une régu­la­ri­sa­tion facile, veut conser­ver toute sa liber­té de parole pour le plus grand ser­vice de l’Eglise. Sa mis­sion est de conti­nuer à affir­mer, même et sur­tout si elle est seule à le faire encore, la doc­trine catho­lique et la réfu­ta­tion de toutes les erreurs intro­duites à Vatican Il, cause de l’au­to­des­truc­tion de l’é­glise. En rai­son de la déser­ti­fi­ca­tion spi­ri­tuelle qui s’ac­cen­tue, de la fai­blesse et des divi­sions de la hié­rar­chie conci­liaire, de l’é­chec des ral­lie­ments qui se sont opé­rés, la Fraternité ouvre la seule voie capable de pré­ser­ver et la source de l’in­té­gri­té doc­tri­nale et la volon­té de demeu­rer au ser­vice de l’é­glise par le rap­pel des véri­tés oppor­tunes. Fille aimante de l’é­glise, elle pour­suit sa mis­sion avec une force accrue qui lui vient de la béné­dic­tion divine, de vos prières et sacri­fices, chers amis et bien­fai­teurs, de sa crois­sance sur­na­tu­relle et du déli­te­ment de plus en plus évident de l’ap­pa­reil moder­niste en place. Courage ! La vic­toire se trouve au bout de nos peines.

Abbé Régis de CACQUERAY
Supérieur du District de France

Capucin de Morgon

Le Père Joseph fut ancien­ne­ment l’ab­bé Régis de Cacqueray-​Valménier, FSSPX. Il a été ordon­né dans la FSSPX en 1992 et a exer­cé la charge de Supérieur du District de France durant deux fois six années de 2002 à 2014. Il quitte son poste avec l’ac­cord de ses supé­rieurs le 15 août 2014 pour prendre le che­min du cloître au Couvent Saint François de Morgon.