Qui désire se marier doit se préparer à ce grand acte d’abord en se gardant chaste, ensuite en priant beaucoup pour son futur foyer.
Se garder chaste, qui ne le comprend pas n’est guère apte sans doute à rien comprendre. Mais autre chose comprendre, autre chose vouloir. Pratiquer l’entière pureté signifie, non seulement éviter les écarts graves nuisant à l’intégrité du corps, mais encore ce qui souille l’imagination, la pensée, le désir. Sont proscrits les compagnonnages douteux, les flirts, lectures imprudentes. Attention à nos yeux. « C’est par les fenêtres du corps qu’entre la mort », dit la Bible. Ève a péché par les yeux, David a péché par les yeux.
Dissiper les fumées romantiques
Cela suppose surtout chez certains tempéraments, grande générosité. Nul n’y contredit. « Le bien, écrivait Claudel à Jacques Rivière – celui-ci lui ayant expliqué que rester pur était malaisé – est plus difficile que le mal » ; mais il y a une revanche : « les horizons que nous ouvre le bien sont incomparables parce qu’il est seul dans le sens de notre réalité, de notre nature, de notre vie et de notre vocation. Spécialement en ce qui concerne l’amour. Combien les fumées romantiques de l’amour purement charnel… me paraissent ridicules ». Croyant reconnaître le vieux reproche classique sous la plume de son correspondant, Claudel prend l’offensive : « Quand au rétrécissement sentimental que le christianisme vous imposerait, j’ai peine à comprendre ce que vous voulez dire. Quand vous parlez de péchés, je suppose qu’il s’agit uniquement des péchés de la chair, car je ne puis vous supposer aucune tendance à l’ivrognerie, à la cupidité, aux actes de violence, etc… La première réponse est que, si nous nous faisons chrétien, ce n’est pas pour notre plaisir et notre confort personnels, et que si Dieu nous fait l’honneur de nous demander des sacrifices, il n’y a qu’à les consentir avec joie. La seconde est que ces sacrifices se réduisent à fort peu de choses ou à rien. Nous vivons toujours dans la vieille idée romantique que le suprême bonheur, le grand intérêt, l’unique roman de l’existence, consistent dans nos rapports avec la femme et dans les satisfactions sensuelles que nous en retirons. On n’oublie deux choses : c’est que l’âme, c’est que l’esprit sont des réalités aussi fortes, aussi exigeantes que la chair (elles le sont bien davantage), et que si nous accordons à celle-ci tout ce qu’elle demande, c’est au détriment d’autres joies, d’autres régions admirables qui nous seront éternellement fermées. Nous vidons un verre de mauvais vin dans un bouge ou un salon, et nous oublions cette mer virginale qui apparaît à d’autres sous le soleil levant ».
Engagement définitif d’êtres changeants
Second grand devoir de quiconque aspire au mariage : beaucoup prier. Un vieux proverbe qui n’est pas sans sagesse déclare : « Avant d’embarquer sur mer, prie une fois. Avant de partir à la guerre, prie deux fois. Avant de te marier, prie trois fois ». Et cette nécessité de prier davantage quand on songe à des épousailles qu’au moment d’un voyage en mer ou d’un départ au front, ne vient pas seulement du danger qu’il peut y avoir à affronter une créature qui a ses limites, dont on sait peu de choses – peu de chose surtout sous le rapport de ses limites, précisément : car tout a été fait, dans la période des fiançailles, pour, inconsciemment, ne pas se révéler ; – une créature qu’on aime, oui et de tout son amour, mais qui ne possède pas que de l’aimable ; dont les défauts apparaîtront sous peu et feront peut-être cruellement souffrir ; une créature dont on attend une joie sans limite et qui sera sans doute capable de la procurer, mais qui fera sans doute aussi un peu souffrir. Pour porter les joies comme les épreuves possibles, ne faut-il pas un grand secours de Dieu ? Et, pour l’obtenir, ce secours, ne faut-il pas beaucoup prier ? La nécessité de beaucoup prier, quand on veut fonder un foyer, vient, en second lieu, de ce que l’union un fois sanctionnée par l’Église et consommée, il n’y a pas de recul possible. C’est un choix qui s’impose définitif. Pour oser, entre deux êtres changeants et sur une matière aussi intime que les réalités du mariage, s’engager à du définitif, ne faut-il pas encore un grand secours de Dieu et, pour obtenir ce secours, beaucoup prier ?
Père Raoul Plus, s.j.
Source : Le Christ au foyer, Apostolat de la prière, 1941 /L’Hermine n°67.