Celui dont Moïse a parlé, nous l’avons trouvé

Saint Philippe. Vitrail de l'église Saint-Philippe, Vietnam. Crédit photo : Pascal Deloche / Godong.

Pourquoi Philippe de Bethsaïde a‑t-​il sui­vi le Christ ?

Philippe est le qua­trième élu. Mais à la dif­fé­rence d’André et de Jean qui sont allés à Jésus sur la parole de saint Jean-​Baptiste, et de Pierre qui est venu au Seigneur sur la parole d’André, per­sonne ne conduit Philippe au Christ. C’est au moment où le Seigneur avait déci­dé de quit­ter les rives du Jourdain pour pas­ser en Galilée que la ren­contre a lieu.

Saint Jean dans son évan­gile pré­cise non seule­ment cette cir­cons­tance mais aus­si que Philippe était de Bethsaïde, la ville d’André et de Pierre. On pense évi­dem­ment que Philippe était connu de ces deux-​là, et donc que cette ren­contre avait été faci­li­tée. Mais Bethsaïde est aus­si en Galilée.

La Galilée pour Notre Seigneur est la région où il a gran­di en âge et en sagesse. La Galilée c’est le lieu où cet enfant par­fait a reçu l’éducation de la sainte Vierge et de saint Joseph, dans le secret de la vie de la sainte Famille. Ce n’est pas hors-​sol que le Verbe de Dieu s’est incar­né. C’est aus­si en Galilée qu’il atten­dra les siens le jour d’après la Résurrection, pour leur don­ner son ultime leçon : c’est en souf­frant et en res­sus­ci­tant, que le Christ est entré dans la gloire ; eux aus­si, ils auront à pas­ser au tra­vers les souf­frances tem­po­relles pour entrer dans la joie éternelle.

Saint Philippe, apôtre. Crédit pho­to : Pascal Deloche /​Godong.

Philippe avait quit­té sa terre, atti­ré par la pré­di­ca­tion du Baptiste ; Notre-​Seigneur le ramène à ses racines pour l’éduquer à la vie divine et le faire gran­dir à son tour en âge et en sagesse… la grâce ne détruit pas la nature mais la per­fec­tionne. Ainsi, au moment d’appeler un nou­veau dis­ciple, le Christ veut aller en Galilée.

Rencontrant Philippe, il lui dit « Suis-​moi ». Personne n’avait conduit au Christ Philippe et ces deux mots suf­firent à le per­sua­der. D’où vient cette obéis­sance de Philippe à le suivre ? Certes la voix du Christ allu­me­ra jusqu’à la fin des temps son amour dans l’âme de tous ceux qui l’entendront.

Mais à l’évidence, si le Christ enlève aus­si faci­le­ment Philippe, c’est qu’il n’était pas incon­nu de Lui : ce nou­veau dis­ciple avait lu assi­dû­ment Moïse et il y avait trou­vé les annonces de celui qu’il cher­chait jusqu’à le conduire dans le désert. Le Christ était pré­sent dans son âme depuis bien long­temps. C’est Lui qui lui par­lait lorsqu’il lisait la sainte Écriture… c’est Lui qui lui par­lait dans ses silences et dans ses dési­rs… Tu ne me cher­che­rais pas, si tu ne m’avais trou­vé.  

L’habitude de lire ces récits nous empêche de remar­quer leur carac­tère pro­di­gieux. Le Christ incon­nu hier s’impose à ces âmes et les marque. Immédiatement, elles deviennent apôtre. Le souffle que leur com­mu­nique le Maître, les anime et les fait par­ler. Ce souffle passe de leur âme dans leurs bouches, et répand par leurs mots le mou­ve­ment qui est en elles. A son tour, ren­con­trant Nathanaël, Philippe devient le héraut du Christ et allume la divine curio­si­té : « Celui duquel Moïse a écrit dans la Loi, ain­si que les Prophètes, nous L’avons trou­vé, Jésus, fils de Joseph, de Nazareth ».

C’est peut-​être dans ces der­niers mots que nous com­pre­nons pour­quoi Philippe embrasse en un ins­tant cette voca­tion. Il a trou­vé Jésus, le fils de Joseph.

Qu’ont fait vos amis, Seigneur, pour vous trou­ver aus­si faci­le­ment ? Ils se sont faits petits. Pour décou­vrir votre immen­si­té, il ne faut pas être grand. Il faut être petit pour décou­vrir la gran­deur. C’est comme cela que Philippe a décou­vert l’infini de Dieu dans les Écritures. Et dans cette doci­li­té, il n’a pas buté à la sur­prise de Dieu qui se montre.

Il fal­lait qu’ils soient petits, les mages et les ber­gers, pour entrer dans la grotte où l’Enfant était né. « En véri­té je vous le dis, si vous ne retour­nez à l’é­tat des enfants, vous n’en­tre­rez pas dans le Royaume des Cieux. » Aux petits, comme aux pauvres d’esprit de la pre­mière béa­ti­tude, le Seigneur a pro­mis le royaume des Cieux.

Être petit, ou humble d’esprit, ne cor­res­pond ni à une misère ni à une pau­vre­té maté­rielle. Il ne s’agit pas non plus d’une igno­rance ou d’une conscience pauvre qui n’aurait pas été nour­rie mora­le­ment ou intellectuellement.

Le petit, le pauvre de l’évangile, c’est celui qui n’oublie pas qu’il n’est qu’un être humain, qu’il n’est qu’une créa­ture, c’est à dire un être en rela­tion, un être dépen­dant, en manque consti­tu­tif et en attente active de son créa­teur qui seul peut le combler.

Le petit, c’est un homme simple qui ne croit pas tout savoir. Le petit est prêt à se lais­ser ins­truire, à retour­ner en Galilée. Il contem­ple­ra la même scène que l’orgueilleux, mais il y ver­ra tou­jours autre chose…

L’humble a trou­vé la sagesse, parce qu’il a été insen­sé ; il a trou­vé la puis­sance parce qu’il a été faible ; il a trou­vé le Dieu infi­ni, immense et éter­nel, parce qu’il a été petit.

Il faut être petit pour décou­vrir le Verbe incar­né. Il faut être petit pour com­prendre ce que seul le Bon Dieu peut dire : « Donne-​moi ton huma­ni­té, et je te don­ne­rai ma divi­ni­té ; donne-​moi ton temps, et je te don­ne­rai mon éter­ni­té ; donne-​moi ton corps fati­gué, et je te don­ne­rai la rédemp­tion ; donne-​moi ton cœur bri­sé, et je te don­ne­rai mon l’Amour ; donne-​moi ton néant, et je te don­ne­rai tout ».