« Rabbi, vous êtes le Fils de Dieu, le Roi d’Israël. » Nathanaël a vu un homme et il confesse qu’il croit à un Dieu en regardant cet homme.
Jésus relève immédiatement ce qui vient de se passer dans son âme : parce que j’ai dit t’avoir vu sous le figuier, tu crois.
Il n’y a pas l’ombre d’un reproche dans dans ces paroles. Bien au contraire, c’est un encouragement pour aller plus loin encore : tu verras de plus grandes choses encore. Croire est un véritable bouleversement dans l’âme de Nathanaël ; c’est un évènement surnaturel, c’est une œuvre de la grâce. Il croit, au-delà de toute certitude humaine.
Je t’épouserai dans la foi, avait annoncé le Seigneur à Israël dans le prophète Osée. C’est à un mariage entre Dieu et l’âme que l’acte de Foi est comparé. Croire, dans le sens propre et rigoureux du terme, c’est admettre comme certaine, par un acte positif de l’intelligence, une chose connue par le témoignage d’un autre et dont la certitude n’est fondée que sur l’autorité de ce témoignage.
L’acte de foi de Nathanaël comme des disciples suppose nécessairement le concours d’une grâce substantiellement surnaturelle. Nathanaël a vu Jésus, mais il a entendu au fond de lui, peut-être confusément – au travers d’un voile, dira saint Paul – la voix du Père… celui-ci est mon Fils bien aimé. Habitués à nos introspections, et pollués par l’idée moderne de la foi – expérience individuelle -, nous donnons trop d’importance aux dispositions psychologiques et nous réduisons trop facilement l’acte de Foi à un acte humain de confiance ou d’abandon.
Certes il y a eu des préparations lointaines pour disposer humainement les disciples, un peu comme le Père éternel a formé son peuple au cours des siècles pour recevoir la Promesse. Mais ce n’est ni la vue du Seigneur que leur désignait le Baptiste, ni le souvenir de ce qui s’était passé sous le Figuier, qui leur ont fait poser cet acte de Foi en la divinité de cet homme qu’ils ont croisé sur les bords du Jourdain. Leur libre arbitre n’a pas été passif ; véritablement ils se sont livrés, ils ont suivi le Seigneur. Mais de bout en bout, cet acte de Foi a été une œuvre de la grâce.
Je détruirai la sagesse des sages, et j’anéantirai l’intelligence des intelligents. C’est la grâce qui a travaillé l’âme de Nathanaël comme celle des autres. Et dans une illumination divine de leur intelligence à la limite de l’irrationnel, ces âmes qui cherchaient vraiment Dieu, ont été unies, ont « été épousées » par Dieu dans une adhésion surnaturelle aux mystères de Dieu se révélant. L’acte de Foi qu’ils ont posé était surnaturel dans son principe, la grâce, dans son objet, la divinité du Christ, dans sa réalisation, la connaissance certaine en Dieu qui ne pouvait ni se tromper, ni les tromper. En germe, cet acte de la vertu surnaturelle infuse de la Foi ouvrait ces âmes aux mystères du royaume de la grâce : les secrets de la vie divine contenu dans le mystère de la Sainte Trinité dont la vision nous rendra éternellement bienheureux, et le mystère de l’humanité du Christ qui nous révèle l’Incarnation du Verbe, par lequel nous avons accès à la gloire des enfants de Dieu.
Nathanaël, tu crois… C’est une constatation, comme une reconnaissance. Nathanaël entend-il ce que le Seigneur lui confirme ? C’est par Jésus qu’il voit et c’est par Jésus qu’il sait qu’il voit. Tu crois, en toi vient de commencer la vie éternelle, car la vie éternelle n’est rien d’autre que de connaître Dieu. Le Christ est vraiment la Lumière qui fait voir et qui rend lumineux tout homme venant en ce monde. Il l’est depuis toujours.
Tout ce que le Père me donne viendra à moi. Notre Seigneur admire ce que son Père réalise en cette âme. Une conversion, c’est un mystérieux mouvement par lequel une âme est attirée et vient à ce Fils tellement aimé du Père, c’est une participation au mouvement éternel par lequel le Père se donne à son Fils, et son Fils à Lui dans un acte unique de connaissance. Quel privilège que de croire en Dieu pour une petite âme humaine !
Tout par lui a été fait, et rien sans Lui n’a été fait… Du Verbe éternel à la création, vient l’être, puis la Vie. La Vie est dans le Verbe, et ce n’est qu’en lui que nous en jouissons. L’être, la Vie, et maintenant la Lumière… dans son évangile, saint Jean aime à parler de l’effusion de cette Lumière, parce que c’est seulement par la lumière que l’on voit ; Et la Lumière a lui dans les ténèbres. Elle remplit son office. Le Verbe la diffuse et ne se laisse pas sans témoignage auprès de ces hommes.
Que deviendra cette lueur de salut ? En vérité, en vérité, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l’homme. Quel sens, quel horizon Notre-Seigneur a‑t-il caché sous cette annonce des grandes choses que l’avenir dévoilera aux yeux des premiers disciples et des autres qui les suivront ? L’œil de l’homme n’a pas vu, son oreille n’a pas entendu, nul cœur humain ne peut même pressentir ce que Dieu réserve à ses élus. La Foi que fait naître cette Lumière, enferme en elle des possibilités à l’infini : toute la vision du Ciel, toute la vie éternelle est dans le mouvement de l’âme qui s’éveille à la Lumière du Christ.
Ces quelques lignes du premier chapitre de saint Jean, ces deux ou trois scènes rapides, trop souvent lues rapidement, marquent un moment capital dans l’Évangile. Un monde nouveau est né en ces minutes sur les bords du Jourdain, de ces rencontres de ces pauvres juifs galiléens avec le Christ. Un esprit anime ce petit groupe qui n’est pas de la terre et qui va la renouveler. Nathanaël, j’ai épousé ton âme dans la Foi. Maintenant, tu crois.