Maintenant tu crois

Crédit : Sebastien Desarmaux / Godong

« Rabbi, vous êtes le Fils de Dieu, le Roi d’Israël. » Nathanaël a vu un homme et il confesse qu’il croit à un Dieu en regar­dant cet homme.

Jésus relève immé­dia­te­ment ce qui vient de se pas­ser dans son âme : parce que j’ai dit t’avoir vu sous le figuier, tu crois.

Il n’y a pas l’ombre d’un reproche dans dans ces paroles. Bien au contraire, c’est un encou­ra­ge­ment pour aller plus loin encore : tu ver­ras de plus grandes choses encore. Croire est un véri­table bou­le­ver­se­ment dans l’âme de Nathanaël ; c’est un évè­ne­ment sur­na­tu­rel, c’est une œuvre de la grâce. Il croit, au-​delà de toute cer­ti­tude humaine.

Je t’épouserai dans la foi, avait annon­cé le Sei­gneur à Israël dans le pro­phète Osée. C’est à un mariage entre Dieu et l’âme que l’acte de Foi est com­pa­ré. Croire, dans le sens propre et rigou­reux du terme, c’est admettre comme cer­taine, par un acte posi­tif de l’intelligence, une chose connue par le témoi­gnage d’un autre et dont la cer­ti­tude n’est fon­dée que sur l’autorité de ce témoignage.

L’acte de foi de Nathanaël comme des dis­ciples sup­pose néces­sai­re­ment le concours d’une grâce sub­stan­tiel­le­ment sur­na­tu­relle. Nathanaël a vu Jésus, mais il a enten­du au fond de lui, peut-​être confu­sé­ment – au tra­vers d’un voile, dira saint Paul – la voix du Père… celui-​ci est mon Fils bien aimé. Habitués à nos intros­pec­tions, et pol­lués par l’idée moderne de la foi – expé­rience indi­vi­duelle -, nous don­nons trop d’importance aux dis­po­si­tions psy­cho­lo­giques et nous rédui­sons trop faci­le­ment l’acte de Foi à un acte humain de confiance ou d’abandon.

Certes il y a eu des pré­pa­ra­tions loin­taines pour dis­po­ser humai­ne­ment les dis­ciples, un peu comme le Père éter­nel a for­mé son peuple au cours des siècles pour rece­voir la Promesse. Mais ce n’est ni la vue du Seigneur que leur dési­gnait le Baptiste, ni le sou­ve­nir de ce qui s’était pas­sé sous le Figuier, qui leur ont fait poser cet acte de Foi en la divi­ni­té de cet homme qu’ils ont croi­sé sur les bords du Jourdain. Leur libre arbitre n’a pas été pas­sif ; véri­ta­ble­ment ils se sont livrés, ils ont sui­vi le Seigneur. Mais de bout en bout, cet acte de Foi a été une œuvre de la grâce.

Je détrui­rai la sagesse des sages, et j’a­néan­ti­rai l’in­tel­li­gence des intel­li­gents. C’est la grâce qui a tra­vaillé l’âme de Nathanaël comme celle des autres. Et dans une illu­mi­na­tion divine de leur intel­li­gence à la limite de l’irrationnel, ces âmes qui cher­chaient vrai­ment Dieu, ont été unies, ont « été épou­sées » par Dieu dans une adhé­sion sur­na­tu­relle aux mys­tères de Dieu se révé­lant. L’acte de Foi qu’ils ont posé était sur­na­tu­rel dans son prin­cipe, la grâce, dans son objet, la divi­ni­té du Christ, dans sa réa­li­sa­tion, la connais­sance cer­taine en Dieu qui ne pou­vait ni se trom­per, ni les trom­per. En germe, cet acte de la ver­tu sur­na­tu­relle infuse de la Foi ouvrait ces âmes aux mys­tères du royaume de la grâce : les secrets de la vie divine conte­nu dans le mys­tère de la Sainte Trinité dont la vision nous ren­dra éter­nel­le­ment bien­heu­reux, et le mys­tère de l’humanité du Christ qui nous révèle l’Incarnation du Verbe, par lequel nous avons accès à la gloire des enfants de Dieu.

Nathanaël, tu crois… C’est une consta­ta­tion, comme une recon­nais­sance. Nathanaël entend-​il ce que le Seigneur lui confirme ? C’est par Jésus qu’il voit et c’est par Jésus qu’il sait qu’il voit. Tu crois, en toi vient de com­men­cer la vie éter­nelle, car la vie éter­nelle n’est rien d’autre que de connaî­tre Dieu. Le Christ est vrai­ment la Lumière qui fait voir et qui rend lumi­neux tout homme venant en ce monde. Il l’est depuis toujours.

Tout ce que le Père me donne vien­dra à moi. Notre Seigneur admire ce que son Père réa­lise en cette âme. Une conver­sion, c’est un mys­té­rieux mou­ve­ment par lequel une âme est atti­rée et vient à ce Fils tel­le­ment aimé du Père, c’est une par­ti­ci­pa­tion au mou­ve­ment éter­nel par lequel le Père se donne à son Fils, et son Fils à Lui dans un acte unique de connais­sance. Quel pri­vi­lège que de croire en Dieu pour une petite âme humaine !

Tout par lui a été fait, et rien sans Lui n’a été fait… Du Verbe éter­nel à la créa­tion, vient l’être, puis la Vie. La Vie est dans le Verbe, et ce n’est qu’en lui que nous en jouis­sons. L’être, la Vie, et main­te­nant la Lumière… dans son évan­gile, saint Jean aime à par­ler de l’effusion de cette Lumière, parce que c’est seule­ment par la lumière que l’on voit ; Et la Lumière a lui dans les ténèbres. Elle rem­plit son office. Le Verbe la dif­fuse et ne se laisse pas sans témoi­gnage auprès de ces hommes.

Que devien­dra cette lueur de salut ? En véri­té, en véri­té, vous ver­rez le ciel ouvert et les anges de Dieu mon­tant et des­cen­dant sur le Fils de l’homme. Quel sens, quel hori­zon Notre-​Seigneur a‑t-​il caché sous cette annonce des grandes choses que l’avenir dévoi­le­ra aux yeux des pre­miers dis­ciples et des autres qui les sui­vront ? L’œil de l’homme n’a pas vu, son oreille n’a pas enten­du, nul cœur humain ne peut même pres­sen­tir ce que Dieu réserve à ses élus. La Foi que fait naître cette Lumière, enferme en elle des pos­si­bi­li­tés à l’infini : toute la vision du Ciel, toute la vie éter­nelle est dans le mou­ve­ment de l’âme qui s’éveille à la Lumière du Christ.

Ces quelques lignes du pre­mier cha­pitre de saint Jean, ces deux ou trois scènes rapides, trop sou­vent lues rapi­de­ment, marquent un moment capi­tal dans l’Évangile. Un monde nou­veau est né en ces minutes sur les bords du Jourdain, de ces ren­contres de ces pauvres juifs gali­léens avec le Christ. Un esprit anime ce petit groupe qui n’est pas de la terre et qui va la renou­ve­ler. Nathanaël, j’ai épou­sé ton âme dans la Foi. Maintenant, tu crois.