Les noces de Cana (1)

Les noces de Cana, abbaye Notre-Dame d'Abondance en Haute-Savoie. Crédit : Pascal Deloche / Godong

Notre Seigneur se rend à pied à l’endroit où il va dévoi­ler par un miracle tout ce qu’Il est à ses disciples.

« Le troi­sième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus y était. »

(Jn, 2, 1)

Le ver­set pré­cé­dant, le Christ nous mon­trait à tra­vers le Ciel ouvert toute la cour céleste, les chœurs des anges allant et venant, s’empressant autour de Lui, comme autour de leur chef et de leur roi. Cette annonce n’était plus un encou­ra­ge­ment à croire, mais c’était la pro­messe d’une récom­pense éter­nelle pour avoir cru qu’Il était le Fils de Dieu, au nom de toute son auto­ri­té divine… en véri­té, en véri­té, je vous le dis. Et voi­ci que le ver­set sui­vant, saint Jean nous le montre par­cou­rir à pied la Galilée.

En un ver­set, Jean nous ramène à l’autre extré­mi­té de la réa­li­té de l’Incarnation ; plus rien ne dis­tingue le Christ des hommes de son temps, sinon cette atti­rance qu’il opère, sinon cette Lumière qu’il porte en Lui qui n’est per­cep­tible que par la Foi.

Jésus, l’Homme-Dieu, Perfectus Deus, Perfectus Homo, a posé aux hommes en venant sur terre cette redou­table ques­tion : qui dites-​vous que je suis ? Et saint Jean de répondre : Il est le Verbe fait chair, la parole de Dieu qui nous révèle qui est Dieu de son intime, la figure visible de Dieu invi­sible. Lui, le Fils unique du Père, plein de grâce pour embau­mer nos cœurs et de véri­té pour illu­mi­ner nos intel­li­gences, a dres­sé sa tente par­mi nous.

Nous savions par le pro­logue de saint Jean, quel était celui dont l’évangile allait nous racon­ter la vie. Mais nous sommes tou­jours sur­pris par la manière et le point de vue sublime dont l’évangéliste nous le pro­pose : la grâce et la véri­té ont com­men­cé par Jésus-​Christ. Dieu per­sonne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, Celui qui est dans le sein du Père, Celui-​là en a par­lé. Sans quit­ter le sein de Celui qui l’engendre de toute éter­ni­té, nous décou­vrons le Verbe de Dieu venir au milieu de nous en se fai­sant chair pour nous sauver.

Sans quit­ter le sein de Celui qui l’engendre : c’est comme cela qu’il faut voir Notre Seigneur se rendre à Cana… sans quit­ter la toute puis­sance du Père, il se rend à pied à l’endroit, où en un seul acte, il va dévoi­ler par un miracle tout ce qu’Il est à ses dis­ciples. C’est comme cela qu’il fau­dra le voir, las de cette longue étape, mais sans quit­ter l’éternité du Père, s’asseoir seul sur la mar­gelle du puits de Sychar et enta­mer cette leçon admi­rable sur la grâce avec cette sama­ri­taine. C’est comme cela encore qu’il fau­dra le voir devant le tom­beau de Lazare ému d’une émo­tion si forte que les juifs en sont sai­sis, sans quit­ter la joie éter­nelle du Père.

Le troi­sième jour… parce qu’il fal­lait trois jours de marche pour aller des bords du Jourdain à Cana en Galilée. Le Seigneur marche sur cette terre de Galilée, accom­pa­gné de ses nou­veaux dis­ciples, sans quit­ter le sein de Celui qui l’engendre. Marche en ma pré­sence, et soit par­fait, avait dit Dieu à Abraham. L’ordre divin était court, mais il conte­nait tout ce qui était néces­saire au Patriarche : tu seras le père d’une grande des­cen­dance, c’était là toute sa vie. Tant que la pro­messe n’était pas réa­li­sée, il ne devait pas s’arrêter de mar­cher en la pré­sence de Dieu, il ne pou­vait dou­ter car Dieu ne se dédit pas.

Le Christ est la pos­té­ri­té pro­mise à Abraham dira saint Paul aux Galates. Alors, Lui aus­si, Il marche. Il marche, sans quit­ter le sein de Celui qui l’engendre, en la pré­sence du Père, par­cou­rant tous les che­mins, emprun­tant les grandes voies comme les plus dis­crètes, en com­men­çant par la Galilée, mon­tant à Jérusalem puis fuyant la Ville, se por­tant vers les âmes qui le cherchent et lais­sant à elles-​mêmes celles qui ne veulent pas de lui.

Alors qu’il semble être res­té à Nazareth dans une vie cachée jusqu’à trente ans, quand sa vie publique com­mence, Il par­court sans relâche la terre d’Israël, n’ayant plus de domi­cile per­ma­nent… les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des demeures ; mais le fils de l’homme n’a pas où repo­ser sa tête. Et de fait, la mai­son de Nazareth est vide, car depuis que Jésus est par­ti, la Loi n’autorise plus sa très sainte Mère à vivre seule. Elle est main­te­nant chez Cleophas, le frère de Joseph, qui la pro­tège comme la pro­té­geait son cher époux.

Étonnant Roi qui n’a pas de lieu où se repo­ser mais à qui la pro­phé­tie de Daniel accorde sou­ve­rai­ne­té, gloire et royau­té. Notre Seigneur par­court la terre, il prend pos­ses­sion de son royaume et c’est ain­si qu’il affirme qu’il est le Fils de l’homme… Et il lui fut don­né domi­na­tion, gloire et règne et tous les peuples, nations et langues le servent. Sa domi­na­tion est une domi­na­tion éter­nelle qui ne pas­se­ra point et son règne, un règne qui ne sera pas détruit.