Où demeurez-​vous Seigneur ?

Le dernier repas du Christ avec ses disciples, chapelle des Apparitions à Paray-le-Monial. Crédit : Fred de Noyelle / Godong.

C’est la recherche d’un cœur inquiet qui n’a de repos tant qu’il n’a pas encore trou­vé la demeure du Seigneur pour s’y reposer.

Jean et André sui­vaient silen­cieux le Maître. Jésus se retour­na et Il les regar­da… Que cherchez-​vous ? On ne cherche que ce que l’on aime et on ne suit quelqu’un que pour entrer en rap­port avec lui… un attrait condui­sait leur pas. Ils lui dirent : Maître, où demeurez-​vous ?.

Le regard du Seigneur avait déclen­ché en l’âme du dis­ciple aimé une impres­sion pro­fonde et la Lumière sur­na­tu­relle qu’avait por­tée cette grâce ne lui fit répondre qu’un où demeurez-​vous Seigneur ? Une demande dés­in­té­res­sée en appa­rence. Il avait écou­té la pré­di­ca­tion du bap­tiste, et il avait trou­vé dans le désert l’annonce de ce que son âme atten­dait et qui le dépas­sait. En sui­vant Jésus, il offre au Christ son être pour qu’Il l’emplisse de lui. Il le sait sans le savoir. Il lui offre cer­tai­ne­ment beau­coup plus que ce que l’on peut ima­gi­ner : la Lumière avait fait briller dans son âme jeune et fraîche une plé­ni­tude… Maître, nous vou­drions voir où vous demeu­rez. Tout était com­pris dans cette réponse.

Venez et voyez. Jean retien­dra toute sa vie ces pre­miers mots. Il est celui qui a été appe­lé pour voir. Sa mis­sion est de voir pour témoi­gner que Jésus est le Fils de Dieu. Plus tard, il enten­dra le Maître dire Il faut que le monde sache que j’aime mon Père ; alors il sera témoin dans son évan­gile écrit pour nous de cet amour. Il sera témoin de chaque ins­tant de la vie publique du Christ, témoin des ensei­gne­ments divins et des que­relles avec les pha­ri­siens, témoin des moments d’intimité avec le Maître et des mani­fes­ta­tions de sa gloire comme au Thabor, témoin de son cœur à la Cène et au pied de la Croix, témoin de sa résur­rec­tion et de sa pré­sence dans l’Église nais­sante… Les écrits de saint Jean sont un regard. Pour l’instant, ce qu’il voit, c’est la sim­pli­ci­té du Maître. La réponse du Maître ne s’était pas fait attendre ; elle était accueillante et douce. Venez et vous ver­rez bienIls vinrent donc, pour­suit l’évangile, ils entrèrent dans sa demeure, et pas­sèrent avec lui le reste de la jour­née. C’était la dixième heure, il était envi­ron 4 heures de l’après-midi. Ils s’entretinrent ensemble, comme des amis, la Charité est un amour d’amitié, un amour de présence.

Lorsque les deux dis­ciples quit­tèrent le Seigneur, ils savaient par expé­rience tout ce que le Baptiste leur avait appris, on le voit bien à la net­te­té et à la réso­lu­tion du mes­sage qu’André por­ta aus­si­tôt à son frère Simon : nous avons trou­vé le Messie, c’est-à-dire le Christ, comme le tra­duit l’évangéliste à l’usage des grecs.

Il reste éton­nant de consta­ter que Jean ne dira rien de cet après-​midi pas­sé avec le Christ. Nous ne sau­rons rien de ce qu’ils se sont dit. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas impor­tant, parce que notre curio­si­té pour­rait nous faire man­quer l’essentiel. A nous qui pen­sons tou­jours devoir savoir plus pour déve­lop­per en nous la vie inté­rieure, Jean nous dit que cette vie est d’abord une pré­sence, une inti­mi­té. Si saint Jean uti­lise près de 70 fois le terme demeu­rer dans ses écrits, il l’utilise le plus sou­vent dans un sens méta­pho­rique, dans un sens inté­rieur : Si vous demeu­rez fidèles à ma parole, vous êtes vrai­ment mes dis­ciples – Demeurez en moi, comme moi en vous – Je demeure dans son amour.

Lorsque saint Jean demande au Seigneur où demeurez-​vous, il demande ce que tant de saints à sa suite deman­de­ront : où demeurez-​vous Seigneur, que je vous suive et que je demeure en vous. C’est la recherche d’un cœur inquiet qui n’a de repos tant qu’il n’a pas encore trou­vé la demeure du Seigneur pour s’y repo­ser… mais toi, tu étais plus intime que l’intime de moi-​même, et plus éle­vé que les cimes de moi-​même, écri­ra saint Augustin. Dans ce mou­ve­ment, il n’y aura jamais de confu­sion entre le Seigneur et l’âme qui le cherche.

La demeure de Dieu n’est pas un lieu, elle n’est pas non plus cette expé­rience sen­sible du moi de la foi moder­niste. Cette demeure, c’est une vie de Foi inté­gra­le­ment sur­na­tu­relle. Que le Christ habite par la Foi dans vos cœurs, dira un jour saint Paul. Cette demeure, Guillaume de saint Thierry l’a décrite mer­veilleu­se­ment… Ton lieu, c’est ton Père ; et le lieu du Père, cest toi. De par ce lieu, tu es loca­li­sé ; mais cette loca­li­sa­tion qui est la tienne, elle est de loin, plus haute, plus secrète que toute loca­li­sa­tion. Cette loca­li­sa­tion, cest lunité du Père et du Fils, la consub­stan­tia­li­té de la Trinité.