La Foi de Nathanaël

Philippe présente Nathanaël à Jésus, fils de Joseph de Nazareth.

Abandonnant ses idées pré­con­çues sur le Messie, Nathanaël consent à ren­con­trer Jésus de Nazareth avec doci­li­té et soif de Vérité. Et le voi­là com­plè­te­ment pris et retourné…

« De Nazareth, peut-​il sor­tir quelque chose de bon ? » Telle fut la réponse de Nathanaël lorsque Philippe lui annon­ça qu’il avait trou­vé, « celui dont ont écrit Moïse et les pro­phètes, Jésus, fils de Joseph de Nazareth ». Nathanaël ne blo­quait pas sur le fait que celui que lui annon­çait Philippe était fils de Joseph, mais qu’il venait de Nazareth.

Ce n’était pas du mépris dans cette réflexion. Il aurait pu dire cela de tel­le­ment de bour­gades en Israël. Nazareth au temps de Jésus était vrai­ment un vil­lage modeste. Fondé par les des­cen­dants de David, les quelques familles qui y habi­taient étaient pauvres. Alors, que pouvait-​il en sor­tir de bon ?

Nathanaël parle le même lan­gage que Philippe : il connais­sait les annonces de Moïse. Il devait aus­si connaître la pro­phé­tie de Michée qui avait pré­dit la nais­sance du Christ à Bethléem. Personne ne s’intéressait à Nazareth, pas même les prophéties.

Il y a quelques jours, il était sous un figuier et il s’était pas­sé quelque chose dans son âme. Ce sou­ve­nir était encore bien vivant. Que faisait-​il à l’ombre de cet arbre ? Dans la tra­di­tion juive, le figuier était l’arbre du jar­din d’Eden, l’arbre de la connais­sance ; alors les hébreux avaient l’habitude d’y lire les Ecritures, à la recherche de Dieu.

La connais­sance des saintes écri­tures avait dis­po­sé cette âme. Que celui qu’il atten­dait soit fils de Joseph, un illustre incon­nu, ne lui posait pas de pro­blème, Dieu n’avait-il pas sus­ci­té David, ce jeune ber­ger ? Mais que le Messie sorte de Nazareth, cela ne cor­res­pon­dait pas à ses attentes. C’était un véri­table obs­tacle pour son âme, et ce le sera long­temps pour le peuple juif qui atten­dait le réta­blis­se­ment d’Israël.

Cette réac­tion de Nathanaël mani­fes­tait sur­tout cette ten­sion dans l’attente du Messie et cette exi­gence dans cette recherche. Cela ne décon­cer­ta pas Philippe. Lui, il savait. « Viens voir », lui dit Philippe. Cela ne coû­tait rien à Nathanaël de venir. C’était la réponse qu’avait fait le Christ aux deux pre­miers dis­ciples et c’était la seule qui vint à Philippe. Entrainant Nathanaël au Christ, il savait qu’il ne Lui résis­te­rait pas, pas plus que les autres et lui même ne Lui avaient résisté.

« Viens voir », c’est-à-dire, aban­donne tes a prio­ri, écarte les ombres, tes idées pré­con­çues et irré­flé­chies où se glissent tou­jours quelques entê­te­ments, quelques pas­sions loin­taines… ces défor­ma­tions de l’esprit qui rendent opaque le mys­tère de Dieu, ces traces du péché. « Viens voir », Philippe lui demande de faire cette démarche qui va le déga­ger des méandres de ses rai­sons, pour le mettre face à ce qui est.

Nathanaël y consen­tit. Son esprit était souple et docile. Il y a des âmes qui refusent, qui s’arcboutent à leur assu­rance et qui attendent ce que leur imposent leurs dési­rs. Nathanaël n’était pas de celles-​là. Il a appris dans l’étude des annonces de l’écriture la dépen­dance à l’égard de Dieu. Dans quelques ins­tants, son point de vue au sujet de Nazareth n’aura plus beau­coup d’importance. C’est émou­vant de connaître ce petit groupe d’hommes qui parle un seul lan­gage dans la recherche de Dieu, comme une com­mu­nau­té de vie reli­gieuse. C’est émou­vant de voir com­ment ils se trans­mettent les Lumières reçues. C’est émou­vant de voir aus­si que Dieu se montre à ceux qui le cherchent.

En le voyant venir à Lui, Jésus dit « voi­là un vrai israé­lite, en qui il n’y a pas d’artifice ». Nathanaël est une âme droite, il veut vrai­ment la véri­té, au risque qu’elle heurte sa rai­son. Nathanaël ne se cache der­rière aucun arti­fice. En lui, comme chez les autres, il n’y a pas de men­songe, il n’y a pas de recherche cachée de soi, il n’y a pas de flat­te­rie ou d’auto-satisfaction.

Nathanaël n’est pas sans défaut. Jésus le sait bien. Il a lu cette âme comme Il a lu celles des autres qui sont venus à lui. Les défauts d’une âme, lorsque l’âme est vraie, Il peut les cor­ri­ger. Jésus est aus­si sans arti­fice : cette droi­ture est une res­sem­blance, comme une paren­té spi­ri­tuelle. Immédiatement la ren­contre s’opère entre la Vérité et celui qui la recherche.

« D’où me connaissez-​vous ? » Cette ques­tion est la der­nière défense de celui qui est mis à nu. Lorsque la Samaritaine retour­ne­ra dans son vil­lage, elle dira « cet homme m’a dit tout ce que j’ai fait », on com­prend alors un peu la sen­sa­tion de Nathanaël : il se sent péné­tré, cet homme qu’il vient de ren­con­trer sait tout de lui. Mais avant de se don­ner, alors que Philippe avait sui­vi sans rien dire, Nathanaël ose cette der­nière ques­tion, « D’où me connaissez-​vous ? ». Alors Notre Seigneur se prête au jeu, comme il le fera avec Thomas éga­ré le len­de­main de la résur­rec­tion, pour nous faire cer­ner les sub­ti­li­tés de la vie de Foi.

La réponse du Christ est tout aus­si simple que mys­té­rieuse, « Avant que Philippe t’appelât, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu ». Quelle était exac­te­ment cette cir­cons­tance à laquelle le divin Maître fait allu­sion ? Que s’était-il pas­sé sous ce figuier ? On se l’est tant deman­dé, et on ne le sau­ra jamais, pas plus que l’on ne sau­ra si Thomas a vrai­ment mis sa main dans la bles­sure du côté du Christ. A quoi bon d’ailleurs ? Ce qui importe, ce n’est pas ce que Jésus a lu dans cette âme, c’est qu’Il ait lu : c’est qu’Il a le pou­voir, et qu’Il est le seul à l’avoir. Il a le pou­voir de dire à une âme : « Suis moi, tu es à moi, comme je suis au Père… tu es à moi, parce que le Père t’a don­né à moi ».

La Foi, c’est une ren­contre entre le « Je » de Dieu et le « tu » de mon âme. C’est à par­tir du moment où nous avons le cou­rage et l’intelligence de ne plus dire « je » que Dieu com­mence à nous dire « tu », disait le R.P. de Chivré. C’est exac­te­ment ça. C’est alors que le Seigneur s’exprime Lui-​même en nous. Qui nous don­ne­ra ce cou­rage et cette audace à dis­pa­raître ain­si dans la Lumière de Dieu ?

Nathanaël est com­plè­te­ment pris et retour­né… « Maître, dit-​il, vous êtes le Fils de Dieu, vous êtes le Roi d’Israël ». Toute résis­tance est tom­bée ; il croit, et il pro­clame sa Foi en des termes que saint Jean a tenu à nous rap­por­ter. Dans l’attente du Messie, il s’était fait petit et docile aux annonces… main­te­nant il voit et il salue hau­te­ment le Fils de Dieu, le roi d’Israël…

On peut se trom­per soi-​même sur la Foi. Certains pensent avoir la Foi, mais en fait, ils ne croient qu’à leurs idées. Ils ont besoin de savoir et d’avoir tou­jours plus de preuves. Il leur faut des maîtres, alors que nous n’avons qu’un seul Maître ; la Foi n’a qu’une preuve : Jésus est le Fils de Dieu. Le Christ conti­nue de se mon­trer aux âmes qui le cherchent en véri­té, c’est-à-dire à ces âmes qui choi­sissent la jus­tice et la fidé­li­té, à ces âmes qui font tout pour le trou­ver jusqu’à se perdre elles-​mêmes, aban­don­nant leurs men­songes et leurs vies de com­pro­mis­sions. Lorsque le Christ se montre, il faut être prêt à savoir dis­pa­raître à soi-​même. Croire c’est dire du plus pro­fond de son être, Seigneur, vous êtes le Christ atten­du, mon Seigneur et mon Dieu.