« Credo » de Mgr Athanasius Schneider : Ombres et lumières

Mgr Schneider

L’ouvrage entend être « un expo­sé du catho­li­cisme à la fois exhaus­tif et abor­dable, fidèle au Magistère immuable. ». Qu’en est-il ?

Muni de l’Imprimatur de l’évêque de Manchester dans le New Hampshire, publié ini­tia­le­ment en 2023 aux États-​Unis, l’ouvrage Credo. Compendium de la foi catho­lique com­po­sé par Mgr Athanasius Schneider vient de paraître aux Éditions Contretemps. Dans sa pré­face, le car­di­nal Robert Sarah ne mesure pas ses éloges à son endroit.

Un catéchisme romain

Au dire de son auteur, « l’ouvrage suit un plan clas­sique en trois volets. Après une intro­duc­tion décri­vant l’identité et la doc­trine chré­tiennes, la pre­mière par­tie expose ce que les catho­liques croient, en sui­vant les articles du Symbole des Apôtres (lex cre­den­di, la règle de la croyance juste) ; la deuxième par­tie explique les prin­cipes de l’action morale juste et leur appli­ca­tion, en sui­vant les com­man­de­ments (lex viven­di, la règle de la vie juste) ; la troi­sième par­tie traite de la grâce et des moyens de sanc­ti­fi­ca­tion, en met­tant l’accent sur la prière et les sacre­ments (lex oran­di, la règle de la prière juste et la règle pour être juste) ».

Ce fai­sant, le pré­lat s’inspire du plan (a) et de la méthode (b) propres au caté­chisme romain : (a) il expli­cite et déve­loppe les réa­li­tés sur­na­tu­relles reçues lors du bap­tême, à savoir la grâce sanc­ti­fiante, la foi, l’espérance et la cha­ri­té ; (b) il se pré­sente sous forme de ques­tions et de réponses et pro­cède par expli­ca­tion de textes, à savoir le Credo, le Pater et le Décalogue.

Mgr Athanasius Schneider

L’ouvrage ne se pré­sente pas comme un caté­chisme, mais plu­tôt comme un « com­pen­dium de la foi catho­lique ». Dépassant l’exposé des véri­tés néces­saires au salut, il entend être « un expo­sé du catho­li­cisme à la fois exhaus­tif et abor­dable ; fidèle au Magistère immuable et d’un vif inté­rêt pour le public contem­po­rain ; à la fois ancien et actuel, fidèle et fécond[1] » en fon­dant ses réponses sur des textes des Pères de l’Église, de saint Thomas d’Aquin et du magis­tère tra­di­tion­nel et conciliaire.

Rappels opportuns et distinctions éclairantes

Au fil des pages, nombre de véri­tés oppor­tunes font l’objet d’un rap­pel[2] :

• l’intelligence humaine peut démon­trer l’existence de Dieu (I.19–22),

• le dépôt de la foi est clos depuis la mort du der­nier apôtre (19),

• le magis­tère n’est pas une source de la révé­la­tion, mais la garde et l’interprète (45),

• il existe de fausses reli­gions (I.201, 213–216), les­quelles ne sauvent pas (I.414),

• le Christ est roi des socié­tés (I.454–459),

• Dieu ne veut la diver­si­té ni des reli­gions ni des com­mu­nau­tés chré­tiennes (I.214, 609),

• l’infaillibilité des cano­ni­sa­tions est une opi­nion théo­lo­gique (I.676),

• le pou­voir suprême, plé­nier et uni­ver­sel dans l’Église est unique (I.689), bien qu’il com­porte deux modes pos­sibles d’exercice (I.690),

• l’ignorance invin­cible excuse du péché, mais ne fonde aucun droit à l’erreur (I.751),

• la pru­dence est de mise face aux révé­la­tions pri­vées (II.94–100),

• l’abstinence pério­dique peut occa­sion­ner des péchés contraires à la fin pro­créa­tive du mariage (III.709),

• la vie de l’homme n’est pas réduc­tible à son acti­vi­té céré­brale (I.817 ; II.501)

• les tech­no­lo­gies de com­mu­ni­ca­tion numé­rique exa­cerbent la curio­si­té (II.212) et, faute d’être maî­tri­sées, cor­rompent la jeu­nesse (II.474).

Outre ces rap­pels oppor­tuns, l’évêque auxi­liaire d’Astana opère moult dis­tinc­tions éclai­rantes. Il veille en par­ti­cu­lier à ne pas confondre :

• mal moral et mal phy­sique (I.54),

• mys­tères natu­rels et mys­tères sur­na­tu­rels (I.63, 65),

• ten­ta­tion, obses­sion et pos­ses­sion (I.128–129),

• judaïsme vété­ro­tes­ta­men­taire et judaïsme tal­mu­dique (I.205),

• évan­gé­li­sa­tion et pro­sé­ly­tisme (I.220–221),

• digni­té onto­lo­gique et digni­té opé­ra­tive de l’homme (I.224–225),

• schisme et déso­béis­sance (I.566),

• liber­té de l’acte inté­rieur de foi et res­tric­tion de l’exercice public des faux cultes (I.736–737),

• acte bon et acte méri­toire (II.26).

Rejet des ambigüités, des erreurs et des idéologies

La pro­fes­sion de la véri­té dans les domaines de la doc­trine, du culte, des sacre­ments et de la morale va de pair avec le rejet des ambigüi­tés, des erreurs et des idéo­lo­gies. Sont ain­si réprouvées :

• les erreurs modernes telles que le moder­nisme (I.79, 563, 577 ; II.81, 403–404 ; III.202, 205), le libé­ra­lisme (I.741–743), la doc­trine de l’enfer vide (I.807), le consé­quen­tia­lisme (II.27), le pro­por­tion­na­lisme (note 260), l’option fon­da­men­tale (II.28) et la morale de gra­dua­li­té (II.28).

• les idéo­lo­gies sécu­lières comme les cultes de Gaïa (I.86 ; II.107–108, 376) et de la Pachamama (II.107, 376), le trans­hu­ma­nisme (I.87), la théo­rie du genre (I.161) et la réorien­ta­tion sexuelle (I.163 ; II.515), le dar­wi­nisme (I.155–159), le yoga (II.107, 109) et le rei­ki (II.107, 110), le New Age (II.107, 111 et 376) et la franc-​maçonnerie (II.114–127).

• cer­taines erreurs et ambi­guï­tés de Vatican II : le pri­mat don­né à la méthode sur le conte­nu (I.666), l’anthropocentrisme (I.96 et note 34), l’attribution aux musul­mans de la foi d’Abraham (I.209 et note 66 ; I.660 et note 168), le sta­tut de moyens de salut accor­dé aux com­mu­nau­tés chré­tiennes sépa­rées (I.215 et note 73 ; I.609 et note 152), la recon­nais­sance d’une immu­ni­té de contrainte au for civil dans l’exercice public des faux cultes (I.660 et note 168 ; I.748 et note 220).

• cer­taines erreurs et ambi­guï­tés post­con­ci­liaires pré­sentes dans le Catéchisme de l’Église catho­lique (n° 819 : I.215 et note 73 ; n° 841 : I.209 et note 66 ; n° 1676 : I.227 et note 77 ; n° 1699 : I.532 et note 122 ; n° 2212 : I.226 et note 76 ; n° 2267 [ver­sion de 2018] : I.679 et note 179), dans la Déclaration d’Abou Dhabi (I.214 et note 71 ; I.679 et note 178), dans l’encyclique Fratelli tut­ti (I.531 et note 121) et dans l’exhortation apos­to­lique Amoris læti­tia (n° 297 : I, 808 ; n° 295, 298, 302 et note 329 : II.28 et note 261) ain­si que le modèle pas­to­ral de la syno­da­li­té (I.713), le pen­te­cô­tisme (III.294–304) et la pro­mo­tion des dia­con­nesses (III.638–645).

• cer­taines erreurs et ambi­guï­tés de la nou­velle litur­gie : l’absence de prières pour les héré­tiques lors des grandes orai­sons du Vendredi Saint (I. 665 et note 172), le rem­pla­ce­ment de l’Offertoire tra­di­tion­nel par des prières juives tirées du Talmud (I.680 et note 180), l’admission des femmes aux fonc­tions de lec­teur et d’acolyte (III.645).

Une part d’ombre

Si le Compendium de la foi catho­lique est certes source de lumière, il com­porte éga­le­ment une part d’ombre qui n’échappera pas au lec­teur attentif.

Primo, quelques tra­duc­tions mal­adroites méri­te­raient d’être corrigées :

• en fran­çais, on ne parle pas de pro­phètes mineurs et majeurs, mais de petits et de grands pro­phètes (I.252),

• la tra­duc­tion de la Bible de Crampon : « Si vous ne croyez pas que je suis le Messie, vous mour­rez dans votre péché » (Jn 8, 24) est pré­fé­rable au texte trans­crit dans le Compendium : « Si tu ne crois pas que je suis Lui, tu mour­ras dans ton péché » (I.294),

• le terme latin d’« habi­tus » est mal ren­du en fran­çais par « habi­tude » (II.57–59),

• la par­ti­ci­pa­tion pas­sive à des offices non catho­liques ne doit pas être « décou­ra­gée » (II.380) mais « déconseillée ».

Secundo, une série de mal­adresses et d’imprécisions émaillent un texte long, il est vrai, de 600 pages :

• si la science infuse est un des dons pré­ter­na­tu­rels reçus par Adam et Eve (I.168), en revanche ce don ne devait pas être trans­mis à ses des­cen­dants (I.169),

• alors que les miracles du Christ sont dûment réfé­ren­cés (I.365), les pro­phé­ties qui l’annoncent (I.257–268) et celles qu’il a faites (I.366–370) ne le sont pas,

• la défi­ni­tion obs­cure du don de science « qui per­met de dis­cer­ner cor­rec­te­ment les choses en elles-​mêmes, en par­ti­cu­lier la véri­té sur Dieu » (I.504) gagne­rait à être rem­pla­cée par celles que donnent saint Thomas : « Le propre de la science est de juger comme il faut des créa­tures[3] »,

• bien que proches, les ver­tus et les fruits du Saint-​Esprit ne doivent pas être confon­dus (I.512),

• le droit n’a pas pour objet les « actions vraies » (I.747) mais les actions bonnes,

• l’objet moral d’une action n’est pas « la chose qui est faite, consi­dé­rée en elle-​même » (II.19) mais ce que le sujet fait grâce à ses facul­tés d’exécution,

• l’objet de la légi­time défense n’est pas de « bles­ser ou tuer un agres­seur injuste » (II.526), mais de « se défendre » avec mesure contre un agres­seur, même si celui-​ci doit y lais­ser la san­té ou la vie[4],

• assi­mi­ler la guerre à la légi­time défense (II.519) est source de confu­sion, car la mort de l’ennemi est vou­lue direc­te­ment par le sol­dat alors que la mort de l’agresseur n’est vou­lue qu’indirectement, c’est-à-dire en tant que consé­quence de d’acte défensif,

• la chas­te­té des céli­ba­taires est mal­en­con­treu­se­ment pas­sée sous silence (II.534),

• la grâce actuelle n’est pas plus dis­cer­nable par les sens que la grâce habi­tuelle (III.38),

• dans l’exposé des effets des sacre­ments, la grâce sacra­men­telle est par­fois dis­tin­guée de la grâce sanc­ti­fiante (III.194, 282, 629 et 691) et par­fois pas­sée sous silence (III.234 et 579),

• la trans­sub­stan­tia­tion est qua­li­fiée de miracle (III.327) alors que saint Thomas dis­tingue adé­qua­te­ment la conver­sion du pain et du vin au Corps et au Sang du Christ[5] des appa­ri­tions eucha­ris­tiques mira­cu­leuses[6],

• l’intention droite n’est pas men­tion­née par­mi les dis­po­si­tions spi­ri­tuelles néces­saires pour bien com­mu­nier (III.351–353) alors qu’elle est mise en lumière par saint Pie X à l’instar de l’état de grâce[7],

• le terme de « jeûne eucha­ris­tique » n’est intro­duit que tar­di­ve­ment (III.359) après une pre­mière évo­ca­tion du « jeûne » (III.357), puis du « jeûne cor­po­rel » (III.358),

• la fra­ter­ni­té que le Verbe de Dieu éta­blit avec tous les hommes en ver­tu de son Incarnation (I.291) est dif­fi­ci­le­ment conci­liable avec la filia­tion divine qui résulte exclu­si­ve­ment de la foi et du bap­tême (I.226).

Tertio, le Compendium reprend sans exa­men ni réserve cer­taines nou­veau­tés doc­tri­nales et dis­ci­pli­naires récentes telles que le sen­sus fidei selon Lumen gen­tium au n° 12 (I.595), le sacer­doce des fidèles selon Lumen gen­tium au n° 10 (III.588), l’absence de dis­cré­tion suf­fi­sante et l’incapacité à assu­mer les obli­ga­tions essen­tielles du mariage intro­duites dans le Code de droit canon de 1983 au canon 1095, 2° et 3° (III.685), la dis­tinc­tion entre indi­vi­du et per­sonne dont abuse Jacques Maritain (I.720).

Quarto, le Compendium pro­meut quelques opi­nions per­son­nelles —et à ce titre dis­cu­tables— de son auteur :

• les sédé­va­can­tismes sont des schis­ma­tiques (I.565),

• l’usage de pro­duits médi­ca­men­teux conçus à l’aide de cel­lules souches issus d’un avor­te­ment est en soi et tou­jours immo­ral (II.505–508),

• le culte public ne sau­rait jamais être sus­pen­du pour des rai­sons de san­té publique ni par les auto­ri­tés ecclé­sias­tiques (II.440) ni par les auto­ri­tés civiles (II.485–487).

Lutter contre l’ignorance religieuse

A l’aube du 20e siècle, saint Pie X consta­tait déjà l’ignorance reli­gieuse de ses contem­po­rains : « Qu’il y ait actuel­le­ment dans le peuple chré­tien bon nombre d’hommes abso­lu­ment igno­rants des choses qu’on doit connaître pour son salut éter­nel, c’est une plainte géné­rale et mal­heu­reu­se­ment trop fon­dée. Et quand Nous par­lons du peuple chré­tien, Nous n’entendons pas seule­ment le petit peuple ou les gens de la classe infé­rieure…[8] »

A un siècle de dis­tance, Mgr Athanasius Schneider fait le même constat déso­lé. A l’instar du saint pon­tife, il fait ce qui dépend de lui pour remé­dier à cette igno­rance en com­po­sant et en dif­fu­sant son com­pen­dium de la foi catho­lique. Honneur à lui.

Que son ouvrage souffre d’imperfections ne devrait éton­ner per­sonne car il est propre aux choses humaines de pas­ser de l’imparfait au par­fait[9]. Puisse ce pro­grès se pour­suivre et arri­ver à son terme.

Source : La cou­ronne de Marie n° 137 – décembre 2024

Notes de bas de page
  1. « Extrait de la pré­face de l’éditeur amé­ri­cain » dans Mgr Athanasius Schneider, Credo. Compendium de la foi catho­lique, Éditions Contretemps, Versailles, 2024, p. 13.[]
  2. Si les notes en bas de pages se suivent du début à la fin de l’ouvrage, la numé­ro­ta­tion des ques­tions et réponses est réini­tia­li­sée au début de chaque par­tie (Introduction, I, II et III).[]
  3. Somme théo­lo­gique, II-​II, q. 9, a. 4, c.[]
  4. Cf. Somme théo­lo­gique, II-​II, q. 64, a. 7, c.[]
  5. Cf. Somme théo­lo­gique, III, q. 75.[]
  6. Cf. Somme théo­lo­gique, III, q. 76, a. 8.[]
  7. Cf. Décret Sacra tri­den­ti­na, 20 décembre 1905, Dispositions pra­tiques, n° I.[]
  8. Saint Pie X, Encyclique Acerbo nimis, 15 avril 1905.[]
  9. Somme théo­lo­gique, I‑II, q. 97, a. 1, c : « Il semble natu­rel que la rai­son humaine passe pro­gres­si­ve­ment de l’im­par­fait au par­fait ».[]