Après avoir inscrit le « droit » à l’avortement dans la constitution de la République, les tenants de la mort poursuivent la réalisation de leur programme. La loi relative à « l’aide à mourir », désirée par eux depuis longtemps, a été adoptée en première lecture le 25 mai par l’Assemblée nationale. Une étape importante a ainsi été franchie.
Les militants de l’euthanasie
L’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) est à l’origine du débat sur l’euthanasie et le suicide assisté en France ; elle a su imposer ses idées et jusqu’à son vocabulaire. L’« aide à mourir » est un nom trompeur : ses promoteurs ont compris qu’il fallait éviter l’emploi des mots « euthanasie » et « suicide assisté » (c’est-à-dire l’homicide et la complicité d’homicide). Mais l’euthanasie est bien un homicide délibéré, un assassinat légalisé.
Fondée en 1980 par Pierre Simon, ancien grand maître de la Grande Loge de France, longtemps présidée par le parlementaire (député puis sénateur) et éminent membre du Grand Orient de France Henri Caillavet, l’ADMD est le fer de lance militant du lobby en faveur de l’euthanasie. Elle peut compter sur les nombreuses personnalités de son comité d’honneur, qui sont autant de relais politiques et médiatiques.
Bien que la présentation de ce projet de loi ait été reportée à plusieurs reprises, elle demeurait une priorité dans l’agenda présidentiel et gouvernemental. La Convention citoyenne organisée dans les années 2022–2023 été une simple caution morale à un projet décidé d’avance. Et les médecins et soignants, premiers concernés, ont été largement exclus du processus. 800 000 d’entre eux ont signé le 16 février 2023 une tribune dans Le Figaro pour s’opposer à l’euthanasie, mais leurs voix ne comptent pas.
Peu de temps avant l’ouverture du débat parlementaire, le 5 mai dernier, le président de la République Emmanuel Macron a rendu visite à la Grande Loge de France. Dans le discours prononcé à cette occasion, il a déclaré : « La République en franc-maçonnerie est plus que chez elle. Elle est dans son foyer et dans son cœur. (…) La franc-maçonnerie est aux avant-postes de la bataille, la bataille qui importe si nous voulons façonner le siècle pour le bien de l’humanité. » Et il s’est félicité que les francs- maçons aient l’ambition de « faire de l’homme le libre acteur de sa vie, de la naissance à la mort ».
Nous voyons dans ces derniers mots l’idéologie sous-jacente à cette proposition de loi. L’homme veut avoir un pouvoir de domination sur sa propre vie, il veut pouvoir décider par lui-même de sa valeur ou de sa durée. L’homme qui se fait dieu proclame : « Je suis le maître de ma vie et de ma mort, j’en dispose comme je le veux, j’en garde le contrôle jusque dans ses derniers instants. » C’est pourquoi, dans cette perspective, l’idéal de la mort est le suicide. Pour Odette Thibault (+ 1987), théoricienne de l’ADMD, le suicide est « la suprême autonomie, celle qui définit l’être humain ». Et pour Henri Caillavet, « le suicide conscient est l’acte unique authentique de la liberté de l’homme ». Pour Olivier Falorni, le rapporteur de la loi sur « l’aide à mourir », qui est le porte-voix de l’ADMD à l’Assemblée nationale, cette loi est « la conquête de notre ultime liberté ».
A l’encontre de cette idéologie, le pape Pie XII rappelait que « Dieu seul est maître de la vie et de l’existence. L’homme n’est donc pas maître ni possesseur mais seulement usufruitier de son corps et de son existence ». S’arroger un droit sur notre vie est un des péchés les plus graves qu’on puisse commettre. Cette volonté d’usurper ce qui n’appartient qu’à Dieu est luciférienne.
Puisque la dignité humaine est identifiée à l’autonomie et l’indépendance, les personnes qui ont perdu leur autonomie – que ce soit de naissance, par maladie ou par accident – ne sont plus vraiment humaines. Les tuer n’est donc pas un crime. C’est l’homme qui dit qui peut vivre et qui doit mourir. Il devient le juge et maître de sa propre dignité… avant que d’autres ne décident un jour à sa place s’il est digne de vivre ou pas.
Le contenu du projet de loi

Donnons les principaux éléments contenus dans ce projet de loi, avec quelques évolutions du texte en commission ou au cours du débat parlementaire.
- La mort provoquée, la mort à la demande, devient un droit. Le droit à « l’aide à mourir » entre dans le champ des soins et sera intégré dans le code de la santé publique.
- Les députés ont supprimé la notion de pronostic vital engagé « à court ou moyen terme ». Le « droit à mourir » ne s’appliquerait donc pas uniquement à la fin de vie.
- Les critères d’accès à cette mort provoquée ne sont pas clairement définis. Ils sont décrits de manière floue, médicalement imprécise (« phase avancée », « souffrance insupportable »), qui laisse une large marge d’interprétation.
Ainsi les critères pourront être facilement étendus, pour permettre d’englober un nombre considérable de pathologies : Parkinson, Alzheimer, les scléroses, des insuffisances cardiaques… Quand on parle de « souffrance psychologique insupportable », cela peut aller loin.
Avec une interprétation large des critères, au moins des dizaines de milliers de personnes atteintes de maladies graves ou chroniques pourraient théoriquement être « éligibles » en France.
- La demande doit être faite à un médecin qui a quinze jours pour se prononcer et notifier sa décision. L’avis d’un second médecin ne sera pas contraignant.
- Pour obtenir la mort, il ne faudra ni demande écrite, ni signature, ni témoin. Une simple demande orale sans témoin suffira.
- Le demandeur doit « être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée » (pour le moment). On remarque cependant qu’il n’y a pas d’évaluation de la motivation de la demande, y compris pour les personnes vulnérables ou celles dont le discernement est altéré. Un amendement visant à interdire l’euthanasie des personnes intellectuellement déficientes a été rejeté par les députés.
- L’euthanasie des personnes ayant perdu conscience de manière irréversible pourrait être possible suivant leurs directives anticipées.
- Les proches ne sont pas consultés, et ne disposent d’aucun droit de recours.
- Le délai de réflexion prévu pour le demandeur était de 48 heures, mais il pourra être écourté.
- Pour le moment il existe une clause de conscience pour les professionnels de santé leur permettant de refuser de réaliser ce geste, sauf pour les pharmaciens auxquels la loi ne reconnaît aucune clause de conscience : ils devront préparer et délivrer le poison (appelé délicatement « préparation magistrale létale »).
En 2015, 85 % des pharmaciens consultés par leur Ordre avaient voté en faveur de la garantie d’une clause de conscience selon laquelle « le pharmacien peut refuser d’effectuer un acte pharmaceutique susceptible d’attenter à la vie humaine ». Désormais une profession entière sera mobilisée pour donner la mort. Un même acte, actuellement puni de prison pour complicité d’empoisonnement, deviendrait ainsi une obligation pour les pharmaciens, sous peine de poursuites disciplinaires.
Dans les autres pays qui ont légalisé l’« aide à mourir », les pharmaciens n’ont jamais eu l’obligation d’y prendre part. En obligeant les pharmaciens à y participer activement, la France serait une exception.
- L’injection létale pourra se faire en tout lieu en dehors de l’espace public : à domicile, à l’hôpital, en EHPAD…
- Les frais causés par l’aide à mourir seront intégralement pris en charge par l’Assurance maladie.
- Le projet de loi crée un « délit d’entrave » au suicide assisté, visant à sanctionner le fait d’empêcher une personne de « bénéficier » de cette loi.
30 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement : ce sont les peines auxquelles s’exposera toute personne qui commettrait un tel « délit ». Les personnels soignants (médecins, accompagnants) et les proches (membres de la famille ou amis) qui tenteraient de dissuader un malade de demander la mort devront prendre garde de ne pas dépasser certaines limites pour ne pas tomber sous le coup de la loi.
Pour l’avortement, il a fallu presque vingt ans pour que le législateur crée un délit d’entrave ; mais pour l’euthanasie, le délit d’entrave est déjà prévu dans la proposition de loi. Des associations proeuthanasie comme l’ADMD pourront exercer des recours juridiques et obtenir l’exécution des « droits » comme savent si bien le faire d’autres associations dans d’autres domaines.
Un amendement symétrique proposant un délit d’incitation au suicide assisté a été rejeté. En résumé, pas de délit pour inciter quelqu’un à mourir, mais délit pour essayer d’empêcher quelqu’un de mourir.
- Il existera une commission de contrôle, mais elle ne pourra examiner le dossier qu’après la mort, sans contrôle indépendant en amont.
Les modifications du texte par les députés, par voie d’amendements, rendent le projet de loi plus permissif que toutes les législations en vigueur d’autres pays. Les amendements pour garantir un consentement éclairé et protéger les personnes vulnérables, ont été systématiquement rejetés. La commission de l’Assemblée a aussi rejeté un amendement proscrivant le recours à l’aide à mourir pour les personnes atteintes de handicap. Cette proposition de loi révèle une volonté de mort ; tout y est prévu pour le triomphe de la mort.
De toute évidence, cette loi expose à de graves dérives, telles qu’on les voit dans les pays qui ont déjà légalisé ce droit au suicide, comme la Belgique, les Pays-Bas ou le Canada. La suppression des « conditions strictes » est déjà programmée. Il suffit juste de pousser un peu les barrières pour les déplacer.
Une première étape
Les militants de la « mort choisie » se limitent aujourd’hui à réclamer la légalisation de la mise à mort de ceux qui la demanderont volontairement. Mais ce n’est qu’une tactique, pour rassurer l’opinion publique. Pour eux il ne s’agit que d’une première étape, qui légalise le principe de la mort administrée, et ensuite ils veulent étendre peu à peu le champ de l’euthanasie.
Le député franc-maçon Jean-Louis Touraine a exposé cette tactique : « Une fois qu’on aura mis le pied dans la porte, il faudra revenir tous les ans et dire “on veut étendre ça”. »
L’actuel président de l’ADMD, Jonathan Denis, tient le même langage dans la Lettre de l’ADMD en 2022 : « Nous devons accepter des concessions qui ne seront que temporaires, transitoires. Car dès lors que le principe même de l’aide active aura été voté, nous pourrons enfin avancer rapidement et faire évoluer la loi vers ce que nous souhaitons. »
En réalité ils visent l’euthanasie pour les malades souffrant de la maladie d’Alzheimer ou de maladies psychiatriques, pour les personnes handicapées ou âgées, pour les mineurs… Ils le disent en interne, dans leurs assemblées générales, mais le moment de le dire à l’extérieur n’est pas encore venu. Il y a donc un double discours. La dissimulation est une pratique constante dans l’histoire du mouvement euthanasiste.
Considérations économiques
La proposition de loi répond aussi à des considérations utilitaristes et économiques.
L’homme peut être mis à mort quand il n’est plus utile. Les personnes âgées coûtent cher et plus particulièrement pendant la dernière année de leur vie. On comprend que les mutuelles complémentaires et les caisses de retraite soient favorables à l’aide à mourir. Elles y voient un intérêt financier indéniable.
Les héritiers aussi y verront un grand intérêt : le texte obligera les contrats d’assurance décès à couvrir le risque de décès en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir, comme s’il ne s’agissait pas d’une mort demandée et provoquée mais d’une mort naturelle. Mensonge énorme !
Une menace pour les plus fragiles
Comme nous l’avons dit, en l’état actuel du texte, il sera possible d’inciter une personne à demander « l’aide à mourir » sans commettre de délit.
Donc une personne âgée, dépendante, fragile psychologiquement ou isolée, pourra être soumise à des pressions sociales ou familiales, sans être protégée par aucune loi. Ce faisant notre société va institutionnaliser l’abus de faiblesse. Les plus faibles, les plus fragiles, les handicapés n’auront plus de protection contre des « incitations » à demander la mort plutôt que de devenir un poids pour leur entourage ou pour la société. La personne à qui on proposera la mort prendra ce qu’on lui proposera comme seule solution pour mettre fin à sa détresse.
Peut-on mesurer la pression collective que la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté mettra sur les personnes vulnérables, qui seront les victimes de cette nouvelle forme de discrimination sociale organisée par la loi ? Les malades, les vieillards dans les EHPAD, les encombrants et les inutiles seront incités à libérer la place et à cesser de faire preuve d’égoïsme. Parce qu’on leur fera sentir le poids – financier ou autre – qu’ils représentent « inutilement ».
A suivre…
source : La Couronne de Marie – n°145







