» Déconstruire » la doctrine ?

Vierge à l'Enfant couronnée par les anges, par Gérard David

Avec la Note doc­tri­nale sur cer­tains titres mariaux, le Saint-​Siège entame désor­mais un pro­ces­sus contraire à ce déve­lop­pe­ment doc­tri­nal : il remet en cause cer­taines expres­sions de la doc­trine catho­lique pour­tant com­mu­né­ment admises.

La Note doc­tri­nale sur cer­tains titres mariaux publiée récem­ment par le Saint-​Siège inter­roge, notam­ment sur la doc­trine même de foi. Disons-​le : le texte ne veut pas décou­ra­ger la pié­té mariale du peuple fidèle ; il veut stop­per « le déve­lop­pe­ment dog­ma­tique » et même lui faire faire marche arrière !

Expliquons : l’Église ne cesse de médi­ter et de réflé­chir sur ce que Dieu, notam­ment à tra­vers son Fils unique, a vou­lu révé­ler aux hommes. Guidée par le Saint-​Esprit, elle appro­fon­dit les paroles et les volon­tés de Jésus-​Christ ; en les met­tant en rela­tion les unes avec les autres, elle les com­prend mieux et les exprime avec des termes qui se trouvent, avec le temps, consa­crés par l’usage et l’autorité du suc­ces­seur de Pierre. En com­pre­nant la place que Dieu a vou­lu don­ner à la Mère de Jésus dans l’œuvre du salut, l’Église a cher­ché à expri­mer – avec des images et des expres­sions nou­velles – la mis­sion unique qui lui est dévo­lue. On a ain­si employé les mots de média­trice et de co-​rédemptrice pour décrire, pré­ci­ser cer­tains aspects de sa mater­ni­té spirituelle.

Avec cette der­nière Note doc­tri­nale, le Saint-​Siège entame désor­mais un pro­ces­sus contraire à ce déve­lop­pe­ment doc­tri­nal : il remet en cause cer­taines expres­sions de la doc­trine catho­lique pour­tant com­mu­né­ment admises. Pour reprendre un terme et un acte phi­lo­so­phique sou­vent uti­li­sé aujourd’hui, on peut se deman­der s’il ne s’agit pas de « décons­truire » la doc­trine de foi. 

Le motif invo­qué étonne : 

« Lorsqu’une expres­sion néces­site des expli­ca­tions nom­breuses et constantes, afin d’éviter qu’elle ne s’écarte d’un sens cor­rect, elle ne rend pas ser­vice à la foi et devient gênante ». 

Cette dif­fi­cul­té est pour­tant inhé­rente à toute expres­sion de la foi : dans la mesure où la foi concerne le mys­tère inson­dable de Dieu, les mots humains pour le dire doivent tou­jours néces­si­ter des expli­ca­tions pour pré­ci­ser en quel sens et dans quelles limites ils conviennent pour dire – sans le fal­si­fier – le mes­sage de Dieu aux hommes. 

Comprenons-​le bien : la rai­son avan­cée pour décla­rer le titre de Corédemptrice, non pas faux mais inop­por­tun, pour­rait en réa­li­té jus­ti­fier bien davan­tage : l’inopportunité de toute la doc­trine catho­lique. En effet accep­ter cette idée selon laquelle une expres­sion qui demande trop d’explications doit être aban­don­née, c’est saper le prin­cipe même d’une doc­trine de la foi ; c’est refu­ser à l’intelligence humaine d’exprimer la Révélation de Dieu, en des mots justes bien que néces­sai­re­ment impar­faits puisqu’humains.

Si on se rap­pelle que dans le pro­gramme du pape François figu­rait la mise à jour des formes d’expression de la véri­té de tou­jours (Evangelii Gaudium, § 41), force est de consta­ter que cette der­nière Note doc­tri­nale s’inscrit dans une même logique de déconstruction.

Extrait d’Apostol n°202, Décembre 2025