Né à Blois vers 630, et mort vers 675.
Saint Aygulphe (Ayoul, Ayou, Aygulf ou Aïgou) est né à Blois, sous le roi Dagobert 1er qui régna de 622 à 638, de parents modestes mais pieux qui, l’ayant reçu après une longue attente, le consacrèrent à Dieu.
Titillé par la luxure, il jeûne et assiste plus assidûment aux offices religieux. Ayant entendu que saint Liébaut, cénobite de Saint-Aignan, avait fondé une abbaye bénédictine à Fleury, en Orléanais, il y entra et y vécut quelques années en religieux très dévot par ses veilles, ses jeûnes et ses prières sous l’abbatiat de saint Mummol.
Vers 657, saint Mummol, inspiré par une révélation, demande au roi Clovis II l’aval pour envoyer Aygulf prendre les reliques de saint Benoît[1] au Mont-Cassin, cette abbaye ayant été abandonnée depuis le pillage de 585 perpétré par les Lombards[2]. Saint Béraire, évêque du Mans, inspiré par une semblable révélation, envoie des hommes rejoindre Aygulf, pour récupérer aussi les reliques de sainte Scholastique[3]. Ce serait Aygulf qui aurait eu révélation en arrivant sur les ruines du Mont-Cassin du lieu de cette double sépulture. Il emporta au moins une partie des reliques de ces deux saints. Entretemps, le pape St Vitalien, apprit par révélation la réalité de cette expédition qu’il jugea sacrilège, et envoya des soldats à leur poursuite. Les pieux voleurs, avertis par révélation, pressent le pas et gagnent la France. St Vitalien écrivit à Clovis II qu’il excommuniait Mummol et Aygulf, pour avoir violé la tombe de saint Benoît, jusqu’à ce que les reliques soient rapportées à Rome.
Cette translation des reliques donna lieu à la guérison de deux aveugles, à deux résurrections, etc… Aussi, la reine sainte Bathilde, devenue Régente des Francs de Neustrie, pour son fils Clotaire III, plaida la cause des bénédictins de Floirac auprès du pape, lequel leva les censures. Le Mans recevait les reliques de sainte Scholastique, et l’abbaye de Floirac, recevant celles du Patriarche bénédictin, se déplacera à quelques lieues de là, pour former l’abbaye de St-Benoît-sur-Loire, centre de nouveaux pèlerinages.
La renommée d’Aygulf gagna la Cour, et jusqu’au monastère de Lérins où le relâchement avait suivi les déprédations opérées par les Goths et les Lombards, voire celles des premières incursions sarrasines[4]. Des cénobites de Lérins lui demandent de devenir leur Abbé. Il refuse et suggère qu’ils élisent un des leurs, âgé, qui connaisse leurs coutumes. Ils insistèrent auprès de sainte Bathilde, et Aigulphe céda à la demande générale vers 661.
Abbé de Lérins, il rappela les moines qui s’en étaient éloignés. Il remplaça la règle de saint Honorat par celle de saint Benoît.
Saint Aigulphe fit venir Angadrême[5], vierge de Blois, et l’installa abbesse d’un refuge au lieu-dit Arluc, aujourd’hui Saint-Cassien[6], à deux milles des îles de Lérins, sur les bords de la Siagne.
Il forma de 666 à 668 un anglais à la vie bénédictine : saint Benoît Biscop Baducing.
Cependant, deux moines, Arcadus et Colombus, inspirés par le diable, fomentaient une contestation grandissante contre l’Abbé, lequel réussit à calmer leur révolte. L’année écoulée, ils complotèrent de nouveau et en vinrent aux mains ; l’Abbé et ses quelques cénobites fidèles se réfugièrent dans l’église St-Jean-Baptiste, d’où il exhorta les félons à se raisonner. Les félons ne voulurent rien entendre, et, aidés par le prince-évêque d’Uzès qui les avait rejoints, embarquèrent manu militari l’Abbé et ses disciples, vers l’île de Capri.
Au cours de la traversée, ils leur coupèrent la langue et arrachèrent les yeux, mais Dieu leur fit la faveur de parler sans langue pour lui adresser leurs louanges. A Capri, ils furent emprisonnés dans un lieu où ils virent l’apparition consolante de saint Michel Archange. Là, on coupa les bras d’Aygulphe, puis on les décapita tous, c’est-à-dire Aygulphe, Truchaire, Frugence et leurs compagnons, excepté un dernier, Briconnius, qui réussit à s’échapper et à rejoindre Lérins annoncer ce martyre au nouvel Abbé, Prigonius.
Les corps des martyrs furent rapatriés à Lérins en 675 sous l’Abbé Rigomir. Une part notable des reliques fut emportée par quatre moines lors d’une escarmouche sarrasine, et fut cachée, après moult vicissitudes, à Provins en 845, à l’abri des Normands… et y furent découvertes en 996 à l’occasion d’une guérison miraculeuse.
Plusieurs chapelles furent dédiées à Saint Aygulf sur les côtes provençales, dont une, antérieure à 1043 mais aujourd’hui détruite, près de la Pointe St-Michel sur l’actuelle commune de Saint-Aygulf, où les Roquebrunois allaient en procession tous les premiers jeudis de septembre pour demander la pluie au saint : ils étaient très souvent exaucés jusqu’à ce que les processions furent interdites en 1905. Le 5 septembre 1982, le RP Guy Christen les ré-initie.
Abbé L. Serres-Ponthieu
- Décédé en 545.[↩]
- Selon la prophétie de saint Benoît : Tout ce monastère que j’ai construit, tout ce que j’ai préparé pour les frères, par un jugement du Dieu tout-puissant, a été livré aux païens. C’est tout juste si j’ai pu obtenir de Dieu que, de ce lieu, les vies du moins des frères me fussent accordées.[↩]
- Sœur de saint Benoît, son corps gisait auprès du sien.[↩]
- Les Sarrasins envahiront la Corse et la Sardaigne en 669.[↩]
- A distinguer de sa contemporaine, sainte Angadrême, patronne de Beauvais.[↩]
- Au milieu de l’actuel aéroport de Cannes-Mandelieu. Là, un sien prédécesseur, saint Nazaire, avaitdéjà édifié une église dédiée à St-Etienne et un couvent de religieuses, puis ceux-ci tombèrent en ruine jusqu’à l’abbatiat de S. Aygulphe.[↩]