Le Bienheureux Hugues de Barjols est né en 1205 à Digne, d’un pieux couple de marchands, Bérenger et Huguette, établis à Barjols. La mère décède vers 1229 tandis qu’Hugues vivait déjà à Hyères. Ainsi le père et la fille, la bienheureuse Douceline, née vers 1214, viennent rejoindre Hugues.
Hugues et Douceline s’imprègnent de l’esprit franciscain qui commence à souffler sur Hyères où les Frères cordeliers ont une petite communauté.
Hugues décide de se vouer au service de l’Eglise. Pour en être digne et conforter son jugement, il quête l’enseignement des maîtres les plus respectés, en Italie, à Lyon, à Paris, se forgeant une solide culture religieuse qui fait de lui, après avoir revêtu la bure des cordeliers en 1236, un conseiller des âmes réputé dans toute la Provence. Leur château fut transformé en couvent franciscain. Les jours de fête, de nombreux laïques viennent écouter sa prédication. Hugues devient vicaire puis gardien du couvent.
Dès 1240, Douceline, guidée par son frère, prononce le vœu de virginité et s’impose de plus un vœu de pauvreté, et d’obéissance. Revenant d’un séjour au couvent des clarisses de Digne, conseillée par Hugues, Douceline adopte l’habit et prend le voile de « béguine ».
Le franciscain Salimbene d’Adam relate dans sa Chronique qu’Hugues prêcha à Sienne, à Lucques et à Tarascon, et qu’il semonça des cardinaux au sujet de leur ambition et de leur luxe comparant ces cardinaux (cardinales) à des rongeurs (carpinales), et à des ânes.
Avant 1248, il fut nommé à la fonction de ministre provincial des franciscains de Provence. Des juges, des notaires, des médecins lui confient leur désir d’entrer chez les franciscains, mais à deux d’entre eux, Raymond Athénoux, chevalier hyérois et juge à Grasse puis novice franciscain, et Bertrand d’Almanarra, il les refusa en ces termes : « Allez dans les bois et entraînez-vous à manger des racines puisque les tribulations approchent » ; mais ceux-ci le prirent au mot et fondèrent les Frères de la pénitence de Jésus-Christ, connus sous le nom de Frères Sachets, en raison de leur vêtement de toile de sac. Deux anglais célèbres vinrent l’écouter : Roger Bacon et Robert Grossetête, évêque de Lincoln, lequel gardera une correspondance avec lui. Jean de Bernin, archevêque de Vienne, entretiendra aussi une relation épistolaire avec Hugues.
Hugues réside au couvent de Marseille et invite sa sœur à venir y essaimer une maison de béguines près de l’actuelle église Saint-Théodore. Etant un jour à Marseille chez les Templiers, ceux-ci lui demandent ce qu’il pense de leur réfectoire : il ne craint pas de les vexer en disant : « cela fera une étable grande et commode ». De fait, après leur disgrâce, le comte Robert d’Anjou en fera des écuries.
Hugues écrit le « De finibus paupertatis » et, en 1253, « l’Exposition sur la Règle des Frères Mineurs » qui traitent de la règle franciscaine. Pour lui, aucun supérieur religieux n’a le droit d’affadir les exigences de pauvreté édictées par saint François d’Assise. Il a retenu du cistercien Joachim de Flore l’interprétation spirituelle du cours de l’Histoire, sans abonder dans les extravagances de ce calabrais.
Au retour de la septième croisade, le 17 Juillet 1254, saint Louis, au château d’Hyères, fit venir prêcher, à la suggestion de son frère Charles d’Anjou, Hugues de Barjols. Hugues sermonna d’abord les religieux de la Cour : « les saintes Ecritures nous disent que le moine ne peut vivre hors de son cloître sans péché mortel, comme le poisson ne peut vivre sans eau. Et si les religieux qui sont avec le roi disent que c’est un cloître, alors je leur dis que c’est le plus large que je ne visse jamais, car il s’étend de ce côté de la mer jusqu’à l’autre. S’ils disent que dans ce cloître-là on peut mener une vie âpre pour sauver son âme, en cela je ne les crois pas. Mais je vous dis que j’ai mangé avec eux grande foison de mets de chair, et bu de bons vins forts et clairs ; de quoi je suis certain que, s’ils eussent été en leur cloître, ils n’auraient pas tant d’aise comme ils en ont avec le roi ». Ensuite il exprima au roi n’avoir jamais lu qu’un roi, tant croyant que non, ait jamais perdu son royaume sinon par défaut de justice, « Or, ajouta-t-il, que le roi veille, puisqu’il s’en va en France, à faire tellement et promptement bonne justice qu’il en reçoive l’amour de Dieu de sorte que Dieu ne lui ôte jamais son royaume. Le roi le pria tant qu’il put de s’agréger à sa cour, ne serait-ce qu’en Provence, mais devant l’insistance de Joinville, Hugues répondit avec moult irritation : « Certainement pas ! Mais j’irai en tel lieu où Dieu m’aimera mieux qu’en la compagnie du roi ». En effet il les quitta le lendemain. Joinville rapporte que le roi vivra à l’avenir plus modestement.
Hugues décède le 21 février 1255 ou 1256. Le corps d’Hugues est déposé dans l’église des Frères Mineurs (démolie en 1524 parce que sise hors des remparts de Marseille). On lui attribua des miracles, après sa mort, sur sa tombe. En 1275, on placera le corps de Douceline auprès de celui de son frère. Les ossements qui ont été recueillis en ce lieu, et parmi lesquels se trouvaient, peut-on penser, ceux de Douceline et de son frère Hugues, furent transférés à l’église Majeure, dite aujourd’hui « Vieille Major ». Celle-ci fut en partie détruite en 1857 pour la construction de la nouvelle cathédrale. Sachant que les restes des évêques qui y étaient ensevelis furent rassemblés et répartis dans les tombeaux des autels, on peut penser que s’y trouvent aussi les reliques d’Hugues.
Par testament, saint Louis d’Anjou, évêque franciscain de Toulouse, décédé à 23 ans à Brignoles en 1297, demande à être inhumé auprès des deux spirituels : Hugues et Douceline.
Bien qu’il n’ait pas été béatifié, Hugues de Barjols, ou de Digne, est mentionné le 21 février au Martyrologe des franciscains comme Bienheureux…
Abbé Laurent Serres-Ponthieu