Paul IV

223ᵉ Pape ; de 1555 à 1559

15 février 1559

Bulle pontificale Cum ex apostolatus officio

Edictant la nullité de la nomination au suprême pontificat d'un prélat coupable d'hérésie

Ce docu­ment est sou­vent cité par des par­ti­sans du sédé­va­can­tisme pour jus­ti­fier leur thèse selon laquelle le Siège de Pierre serait vacant et occu­pé par un impos­teur. On ne peut pour­tant pas tirer une telle conclu­sion de ce docu­ment car :

  • Ce docu­ment dis­ci­pli­naire est abro­gé par le Code de Droit Canonique de 1917, au canon 6. Prétendre que le pré­sent texte est de droit divin et donc irré­for­mable est une thèse gra­tuite qui ne res­sort pas du pré­sent docu­ment. Paul IV n’af­firme pas que la pré­sente dis­po­si­tion appar­tient au dépôt de la révé­la­tion. Si tel était le cas, le code de droit cano­nique aurait du l’in­clure. Ce docu­ment est seule­ment cité dans les sources du droit cano­nique. Mais les sources du droit n’ont pas force de loi.
  • Mgr Fessler, secré­taire géné­ral du Concile du Vatican en 1870 – le même Concile qui défi­nit l’in­failli­bi­li­té pon­ti­fi­cale –, auteur d’une étude sur l’in­failli­bi­li­té qui lui valu les féli­ci­ta­tions du pape, affirme que cette bulle n’est pas une défi­ni­tion dog­ma­tique mais une loi pénale [1].
  • L’expression de la bulle comme étant valable « à per­pé­tui­té » est une expres­sion clas­sique pré­sente dans des mesures dis­ci­pli­naires pour­tant abro­gées. Cette expres­sion indique seule­ment que la loi est valable sans limite de temps, et n’est réfor­mable que par la suprême auto­ri­té pon­ti­fi­cale. Par exemple Clément XIV affirme en 1774 « nous décla­rons anéan­tie à per­pé­tui­té » la Compagnie de Jésus qui fut pour­tant réta­blie par le pape Pie VII en 1814.
  • La Constitution Vacante sede apos­to­li­ca du 25 déc. 1904 prend le contre­pied de cette consti­tu­tion. Le pape saint Pie X y déclare nulle toute toute cen­sure – terme cano­nique qui com­prend l’ex­com­mu­ni­ca­tion – pou­vant enle­ver voix active ou pas­sive aux car­di­naux du conclave [2]. La consti­tu­tion de saint Pie X ne for­mule aucune excep­tion pour les héré­tiques ou schis­ma­tiques. Le canon 160 du code de 1917 pré­cise que l’é­lec­tion du pape est réglé seule­ment par cette consti­tu­tion, ce qui exclue donc la pré­sente bulle.
  • La consti­tu­tion Vacantis apos­to­licæ sedis de Pie XII (8 déc. 1945) a rem­pla­cé la pré­cé­dente consti­tu­tion de Saint Pie X sur l’é­lec­tion du sou­ve­rain pon­tife et sti­pule dans le même sens que : « Aucun car­di­nal ne peut être exclu en aucune manière de l’é­lec­tion active ou pas­sive du sou­ve­rain pon­tife, sans aucun pré­texte ni pour cause d’ex­com­mu­ni­ca­tion, de sus­pense, d’in­ter­dit ou d’autre empê­che­ment ecclé­sias­tique. Nous levons l’ef­fet des cen­sures pour ce genre d’é­lec­tion seule­ment, leur conser­vant leur vigueur pour le reste ». Là encore, les termes sont abso­lus et ne font aucune excep­tion, même pour les héré­tiques ou schis­ma­tiques. Prétendre que ceux-​ci seraient tout de même exclus en ver­tu du droit divin est une spé­cu­la­tion qui ne res­sort d’au­cun de ces textes. Un tel « oubli » n’est pas envi­sa­geable dans des docu­ments d’une telle importance.
  • Un cano­niste romain très renom­mé, Felix Cappello s.j., com­mente, en 1919, le canon 2314 qui pro­nonce l’ex­com­mu­ni­ca­tion contre les apos­tats, schis­ma­tiques et héré­tiques en disant qu’il faut exclure les car­di­naux de ce canon : « “Omnes” – Sive mares sive feminæ, sive cle­ri­ci (non tamen Cardinales). » [3].
  • En outre, quand bien même il y aurait doute sur les faits pré­cé­dents – ce qui n’est pas le cas –, l’in­ter­pré­ta­tion des lois pénales se fait dans la ligne du canon 19 : « Les lois qui édictent une peine, ou restreignent le libre exer­cice des droits, ou contiennent une excep­tion à la loi sont sou­mises à une inter­pré­ta­tion stricte. » Ce qui signi­fie, en termes cano­niques, que si l’on a doute sur le fait d’une peine tombe ou non, il faut tou­jours consi­dé­rer que la peine est nulle. C’est une appli­ca­tion de l’a­dage « odio­sa sunt retrin­gen­da, favores sunt amplianda ».
  • Si cette consti­tu­tion était encore en vigueur – ce qui n’est pas le cas –, il fau­drait prou­ver que Montini (futur Paul VI) était héré­tique avant son élec­tion au sou­ve­rain pon­ti­fi­cat, comme le pré­voit le pré­sent docu­ment. Ce qui n’a jamais été éta­bli sérieu­se­ment. Car, mal­gré les très fré­quents contre­sens, le pré­sent docu­ment n’af­firme pas qu’un pape pour­rait perdre le pon­ti­fi­cat suprême déjà pos­sé­dé. On parle ici d’un « Souverain Pontife même, avant leur pro­mo­tion ou leur élé­va­tion […] au Souverain Pontificat » dont l’élec­tion serait nulle. Le sujet hypo­thé­ti­que­ment visé n’est donc pape à aucun instant.

On trou­ve­ra davan­tage de docu­ments en réponse au sédé­va­can­tisme dans notre dos­sier sur le sujet. Nous don­nons ici le docu­ment de Paul IV pour information.

Donné à Rome, à St. Pierre, en la mille cinq cent cin­quante, neu­vième année de l’Incarnation du Seigneur, le 15 des calendes de mars, en la qua­trième année de notre pontificat.

La charge apos­to­lique, à Nous confiée par Dieu mal­gré notre indi­gni­té, nous impose le soin géné­ral du trou­peau du Seigneur. Pour le gar­der dans la foi et le conduire dans la voie du salut, Nous devons, en Berger atten­tif, veiller sans cesse et pour­voir soi­gneu­se­ment à écar­ter de la ber­ge­rie du Seigneur ceux qui, à notre époque, livrés aux péchés, confiant en leurs propres lumières, s’in­surgent avec une rare per­ver­si­té contre la règle de la vraie foi et, faus­sant la com­pré­hen­sion des saintes Écritures par des argu­ties sub­tiles et vaines, méditent de déchi­rer l’u­ni­té de l’Eglise catho­lique et la tunique sans cou­ture du Seigneur : s’ils dédaignent d’être dis­ciples de la véri­té, ils ne doivent pas conti­nuer à ensei­gner l’erreur.

§ 1. Devant la situa­tion actuelle si grave et si dan­ge­reuse, il ne faut pas que l’on puisse repro­cher au Pontife romain de dévier de la foi. Il est sur terre le Vicaire de Dieu et de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ ; il a la plé­ni­tude de l’au­to­ri­té sur les nations et les royaumes, il est le juge uni­ver­sel et n’a a être jugé par per­sonne ici-bas.

D’ailleurs, plus le dan­ger est grand, plus la vigi­lance doit être entière et atten­tive, pour que les faux pro­phètes, ou même d’autres hommes, revê­tus d’une juri­dic­tion sécu­lière, ne puissent prendre lamen­ta­ble­ment dans leurs filets les âmes simples et entraî­ner avec eux à la per­di­tion et à la ruine de la dam­na­tion les peuples innom­brables confiés à leur soin et à leur direc­tion, au spi­ri­tuel comme au tem­po­rel ; et aus­si pour que jamais Nous ne soyons témoin dans le lieu saint de l’a­bo­mi­na­tion de la déso­la­tion annon­cée par le pro­phète Daniel, alors que Nous dési­rons de tout notre pou­voir avec l’aide de Dieu, selon notre charge pas­to­rale, cap­tu­rer les renards qui s’in­gé­nient à sac­ca­ger la vigne du Seigneur et écar­ter les loups des ber­ge­ries, afin de ne pas res­sem­bler à des chiens muets inca­pables d’a­boyer, ni Nous perdre avec les mau­vais agri­cul­teurs, ni être com­pa­ré à un mercenaire.

§ 2. Après mûre déli­bé­ra­tion à ce sujet avec nos véné­rables frères les Cardinaux de la sainte Eglise romaine, sur leur conseil et avec leur assen­ti­ment una­nime, de par notre auto­ri­té apos­to­lique, Nous approu­vons et renou­ve­lons toutes et cha­cune des sen­tences, cen­sures et peines d’ex­com­mu­ni­ca­tion, sus­pense, inter­dit et pri­va­tion et autres qu’ont por­tées et pro­mul­guées, de quelque façon que ce soit, contre les héré­tiques et les schis­ma­tiques tous les Pontifes romains, nos Prédécesseurs – ou tenus pour tels -, jusque par leurs lettres extra­va­gantes ou les saints Conciles admis par l’Eglise de Dieu, ou les décrets et sta­tuts des Saints Pères ou les saints Canons, Constitutions et Ordonnances apostoliques.

Et Nous vou­lons qu’elles soient obser­vées à per­pé­tui­té et remises en pleine vigueur, si besoin en est, et qu’elles le demeurent. Elles s’ap­pliquent aus­si à tous ceux qui, jus­qu’i­ci, auront été pris sur le fait, auront avoué ou auront été convain­cus d’a­voir dévié de la foi catho­lique ou d’être tom­bés en quelque héré­sie ou d’a­voir encou­ru le schisme ou de l’a­voir sus­ci­té ou com­mis. Elles s’ap­pliquent encore (mais Dieu veuille l’empêcher dans sa clé­mence et sa bon­té envers nous) à ceux qui, à l’a­ve­nir, dévie­ront soit en tom­bant dans l’hé­ré­sie ou en encou­rant le schisme, soit en les sus­ci­tant ou en les com­met­tant, qu’on les prenne sur le fait, qu’ils avouent ou qu’on les en convainque.

Quels que soient leurs état, rang, ordre, condi­tion et digni­té, Évêque, Archevêque ; Patriarche, Primat ou autre digni­taire ecclé­sias­tique supé­rieur, Cardinal et Légat per­pé­tuel ou tem­po­raire du Siège Apostolique, où que ce soit, quelle que soit éga­le­ment leur auto­ri­té ou digni­té dans le monde, Comte, Baron, Marquis, Duc, Roi, Empereur : qui que ce soit par­mi eux Nous vou­lons et décré­tons qu’il encoure les sen­tences, cen­sures et peines susdites.

§ 3. Et ne consi­dé­rant pas moins qu’il convient de détour­ner du mal par la crainte des peines ceux qui ne s’en abs­tiennent pas par amour de la ver­tu et que les Évêques, Archevêques, Patriarches, Primats, Cardinaux, Légats, Comtes, Barons, Marquis, Ducs, Rois et Empereurs, char­gés d’ins­truire les autres et leur don­ner le bon exemple pour les gar­der dans la foi catho­lique, pèchent plus gra­ve­ment en pré­va­ri­quant (ils se perdent eux-​mêmes, mais aus­si entraînent avec eux à la per­di­tion et à l’a­bîme de la mort d’in­nom­brables peuples confiés à leur soin et à leur auto­ri­té, ou sou­mis à eux par ailleurs) ; sur un sem­blable conseil et assen­ti­ment des Cardinaux, en ver­tu de cette Constitution nôtre valide à per­pé­tui­té, par haine d’un si grand crime, le plus grave et per­ni­cieux pos­sible dans l’Eglise de Dieu, dans la plé­ni­tude de notre pou­voir apos­to­lique, Nous déci­dons, sta­tuons, décré­tons et défi­nis­sons que les sen­tences, cen­sures et peines sus­dites gar­dant toute leur force et leur effi­ca­ci­té, avec leurs effets, tous et cha­cun des Évêques, Archevêques, Patriarches, Primats, Cardinaux, Légats, Comtes, Barons, Marquis, Ducs, Rois et Empereurs qui à ce jour, comme il est décla­ré ont dévié et sont tom­bés dans l’hé­ré­sie ou ont encou­ru le schisme, ont été pris à les sus­ci­ter ou les com­mettre, qu’ils soient pris sur le fait, qu’ils avouent ou qu’ils en soient convain­cus, vu que leur crime les rend plus inex­cu­sables que les autres, outre les sen­tences, cen­sures et peines sus­dites, seront par là-​même, sans aucun recours au droit ou au fait, pri­vés de leurs églises cathé­drales, métro­po­li­taines, patriar­cales, pri­ma­tiales, de leur digni­té car­di­na­lice, de toute charge de Légats, comme aus­si de toute voix active et pas­sive, avec ou sans charge, qu’ils soient sécu­liers ou régu­liers de tous Ordres, qu’ils auraient obte­nus par conces­sions et dis­pen­sa­tions apos­to­liques, comme titu­laires, com­men­da­taires, admi­nis­tra­teurs, ou de toute autre manière, en les­quels ou sur les­quels ils joui­raient de quelque droit ; ils seront pri­vés éga­le­ment de tous les fruits, rentes et pro­duits annuels à eux assi­gnés et réser­vés ; de même, les Comtes, Barons, Marquis, Ducs, Rois et Empereurs en seront pri­vés radi­ca­le­ment, tota­le­ment, perpétuellement.

Par ailleurs, tous ces gens seront consi­dé­rés comme inaptes et impropres à de telles fonc­tions, comme des relaps et des sub­ver­sifs, en tout et pour tout, comme s’ils avaient abju­ré publi­que­ment une telle héré­sie ; jamais, à aucun moment, ils ne pour­ront être res­ti­tués, repla­cés, réin­té­grés et réha­bi­li­tés en leur pré­cé­dent état, en leurs églises cathé­drales, métro­po­li­taines, patriar­cales, pri­ma­tiales, en leur digni­té car­di­na­lice, ou quelque autre digni­té majeure ou mineure, en leur voix active ou pas­sive, en leur auto­ri­té, leurs monas­tères et béné­fices, leurs com­tés, baron­nies, mar­qui­sats, duchés, royaumes et empires ; bien plus, ils seront aban­don­nés à la déci­sion du pou­voir sécu­lier pour subir leur juste puni­tion, à moins que, mon­trant les signes d’un vrai repen­tir et les fruits d’une péni­tence pro­por­tion­née, ils ne soient, par bon­té et clé­mence du Saint-​Siège lui-​même, relé­gués dans quelque monas­tère ou autre lieu régu­lier, pour s’y livrer à une péni­tence per­pé­tuelle, nour­ris du pain de la dou­leur et abreu­vés de l’eau de l’affliction.

Ils seront consi­dé­rés, trai­tés et répu­tés comme relaps et sub­ver­sifs par tous, de quelque état, rang, ordre, condi­tion et pré­émi­nence qu’on soit, et de quelque digni­té, même épis­co­pale, archi­épis­co­pale, patriar­cale, pri­ma­tiale ou autre digni­té ecclé­sias­tiques même la digni­té car­di­na­lice ; ou encore, de quelque auto­ri­té sécu­lière et excel­lence qu’on soit revê­tu Comte, Baron, Marquis, Duc, Roi ou Empereur : comme tels, on devra les évi­ter et les pri­ver de toute conso­la­tion humaine.

§ 4. Ceux qui pré­ten­dront avoir un droit de patro­nage ou de nomi­na­tion de per­sonnes aptes à gou­ver­ner des églises cathé­drales, métro­po­li­taines, patriar­cales, pri­ma­tiales, ou des monas­tères et autres béné­fices ecclé­sias­tiques deve­nus vacants par ces pri­va­tions, pour ne pas les expo­ser aux incon­vé­nients d’une longue vacance après les avoir arra­chés à l’es­cla­vage des héré­tiques, et afin de les confier à des per­sonnes aptes à diri­ger fidè­le­ment les peuples dans les voies de la jus­tice, ceux-​là devront pré­sen­ter les dites per­sonnes aux églises, monas­tères et autres béné­fices dans les limites du temps fixé par le droit cano­nique ou des contrats par­ti­cu­liers, ou sta­tué en accord avec le Saint-​Siège ; de même ils seront tenus de les pré­sen­ter à Nous-​mêmes ou au Pontife romain alors régnant ; sinon, le laps de temps écou­lé, la pleine et libre dis­po­si­tion des églises, monas­tères et béné­fices sus­dits revien­dra de plein droit à Nous et au Pontife romain susdit.

§ 5. En outre, qui­conque pren­dra sur lui, sciem­ment et de quelque manière que ce soit, d’ac­cueillir, défendre, favo­ri­ser ou croire les cou­pables arrê­tés sur aveux ou preuves d’hé­ré­sie, ou encore d’en­sei­gner leurs erreurs, celui-​là encour­ra, du fait même, une sen­tence d’ex­com­mu­ni­ca­tion. Il devien­dra hors la loi : il ne pour­ra par­ti­ci­per ni ora­le­ment, ni en acte, ni par écrit, ni par délé­ga­tion ou pro­cu­ra­tion, aux fonc­tions publiques ou pri­vées, Conseils, Synodes, Concile géné­ral ou pro­vin­cial, Conclave des Cardinaux, assem­blée des fidèles, élec­tions, témoi­gnage en jus­tice. Il n’y sera point admis.

De plus, il sera inapte à tes­ter, à héri­ter et per­sonne ne sera contraint de répondre pour lui en aucune affaire. S’il est juge, ses sen­tences n’au­ront aucune valeur et nulle cause ne pour­ra être sou­mise à son juge­ment ; s’il est avo­cat, son patro­nage ne sera nul­le­ment accep­té ; s’il est notaire, ses actes n’au­ront aucune por­tée, aucune importance.

De plus, les clercs seront pri­vés de toutes et cha­cune de leurs églises, même cathé­drales, métro­po­li­taines, patriar­cales et pri­ma­tiales, de leurs digni­tés, de leurs monas­tères, de leurs béné­fices et fonc­tions ecclé­sias­tiques, même obte­nus, comme il est dit, régu­liè­re­ment. Eux-​mêmes, comme les laïcs, bien que revê­tus régu­liè­re­ment des digni­tés sus­dites, seront pri­vés, même en pos­ses­sion régu­lière, ipso fac­to, de tout royaume, duché, domaine, fief et autres biens tem­po­rels ; leurs royaumes, duchés, domaines, fiefs et autres biens de cette sorte seront confis­qués et devien­dront pro­prié­té publique ; de droit, ils appar­tien­dront au pre­mier acqué­reur si celui-​ci, avec une foi sin­cère, se trouve uni à la sainte Eglise romaine, sous notre obé­dience ou celle de nos suc­ces­seurs, les Pontifes romains cano­ni­que­ment élus.

§ 6. Nous ajou­tons que si jamais il advient qu’un Évêque, même ayant fonc­tion d’Archevêques, de Patriarche ou de Primat ; qu’un Cardinal de l’Eglise romaine, même Légat, qu’un Souverain Pontife même, avant leur pro­mo­tion ou leur élé­va­tion au Cardinalat ou au Souverain Pontificat, ont dévié de la foi catho­lique ou sont tom­bés dans quelque héré­sie, la pro­mo­tion ou l’é­lé­va­tion – même si cette der­nière a eu lieu dans l’en­tente et avec l’as­sen­ti­ment una­nime de tous les Cardinaux – est nulle, non ave­nue, sans valeur et on ne pour­ra dire qu’elle est deve­nue valide ou qu’elle devient valide parce que l’in­té­res­sé accepte la charge, reçoit la consé­cra­tion ou ensuite entre en pos­ses­sion ou quasi-​possession du gou­ver­ne­ment et de l’ad­mi­nis­tra­tion, ou par l’in­tro­ni­sa­tion du Pontife romain lui-​même ou par l’a­do­ra­tion devant lui ou par la pres­ta­tion d’o­béis­sance à lui ren­due par tous ou par quelque laps de temps écou­lé pour ces actes : on ne pour­ra la tenir pour légi­time en aucune de ses par­ties et elle ne confère ni ne peut être cen­sée confé­rer quelque pou­voir d’ad­mi­nis­tra­tion au spi­ri­tuel ou au tem­po­rel à de tels hommes pro­mus Evêques, Archevêques, Patriarches ou Primats, ou éle­vés au Cardinalat ou au Souverain Pontificat.

Tous leurs dits, faits et gestes, leur admi­nis­tra­tion et tout ce qui en découle, tout est sans valeur et ne confère aucune auto­ri­té, aucun droit à per­sonne. Ces hommes ain­si pro­mus et éle­vés seront par le fait même, sans qu’il faille quelque décla­ra­tion ulté­rieure, pri­vés de toute digni­té, place, hon­neur, titre, auto­ri­té, fonc­tion et pou­voir, même si tous et cha­cun de ces hommes n’a dévié de la foi, tom­bant dans le schisme ou l’hé­ré­sie, qu’a­près son élec­tion légi­time , soit en le sus­ci­tant, soit en l’embrassant.

§ 7. Les sujets tant clercs sécu­liers et régu­liers que laïcs, y com­pris les Cardinaux qui auraient par­ti­ci­pé à l’é­lec­tion du Pontife romain déjà hors de la foi catho­lique par héré­sie ou schisme, ou qui y auraient consen­ti et qui lui auraient accor­dé l’o­béis­sance et fait hom­mage ; le per­son­nel du Palais, les pré­fets, capi­taines et autres offi­ciers de notre Ville-​Mère et de tout l’Etat ecclé­sias­tique ; ceux qui se seraient liés et obli­gés par hom­mage, ser­ment, enga­ge­ment envers ces hommes pro­mus et éle­vés pour­ront tou­jours se déga­ger impu­né­ment de l’o­béis­sance et du ser­vice envers eux et les évi­ter comme des magi­ciens, païens, publi­cains, héré­siarques ; ces mêmes sujets pour­ront néan­moins demeu­rer atta­chés à la fidé­li­té et à l’o­béis­sance des futurs Évêques, Archevêques, Patriarches, Primats, Cardinaux et du Pontife romain entrant cano­ni­que­ment en fonc­tion : s’ils veulent conti­nuer à gou­ver­ner et à admi­nis­trer, pour une plus grande confu­sion de ces hommes ain­si pro­mus et éle­vés, ils pour­ront faire appel contre eux au bras sécu­lier et si à cette occa­sion ils se retirent de la fidé­li­té et de l’o­béis­sance envers ces hommes pro­mus et éle­vés, ils n’en­cour­ront pas, comme ceux qui déchirent la tunique du Seigneur, la ven­geance de quelque peine ou censure.

§ 8. Nonobstant les déci­sions et dis­po­si­tions apos­to­liques, ou encore les pri­vi­lèges, indults et écrits apos­to­liques qui auraient été don­nés à de tels, fût-​ce des décrets, des motu pro­prio ou tout consis­toire ou encore tout autre moyen mis en œuvre : appro­ba­tions répé­tées et renou­ve­lées, inser­tion dans le corps des lois ecclé­sias­tiques, cha­pitres des conclaves, ser­ment, confir­ma­tion apos­to­lique ou toute autre confir­ma­tion, eût-​elle été cor­ro­bo­rée par ser­ment par nous-même !

Toutes les choses accor­dées à ceux qui ont été men­tion­nés expres­sé­ment plus haut, nous les sup­pri­mons seule­ment et spé­cia­le­ment pour ces cas-​là , sans que qui­conque puisse y oppo­ser quoi que ce soit.

§ 9. Mais pour que le pré­sent écrit arrive à la connais­sance de tous les inté­res­sés, nous vou­lons que l’o­ri­gi­nal – ou une copie signée par la main d’un notaire public et authen­ti­fiée par le sceau d’un digni­taire ecclé­sias­tique ; nous déter­mi­nons que l’on doit y ajou­ter foi – soit publié et affi­ché par quelques-​uns de nos hérauts – aux portes de la basi­lique du prince des apôtres – à la chan­cel­le­rie apos­to­lique, – et aus­si au bord du Campo dei Fiori, et qu’une copie y soit lais­sée affi­chée. La publi­ca­tion et l’af­fi­chage et le fait d’y lais­ser une copie affi­chée suf­fisent et doivent être tenus pour solen­nels et légaux ; il n’y a aucune autre publi­ca­tion à récla­mer ou à attendre.

§ 10. En consé­quence, il ne sera per­mis à aucune per­sonne d’en­freindre ce texte de notre appro­ba­tion, inno­va­tion, sanc­tion, sta­tut, déro­ga­tion, volon­té et décret avec une témé­raire audace. Si quel­qu’un avait la pré­somp­tion de le ten­ter, qu’il sache que cela lui fera encou­rir l’in­di­gna­tion de Dieu tout-​puissant et des bien­heu­reux apôtres Pierre et Paul.

Donné à Rome, à St. Pierre, en la mille cinq cent cinquante- neu­vième année de l’Incarnation du Seigneur, le 15 des calendes de mars, en la qua­trième année de notre pon­ti­fi­cat (15 février 1559).

Moi, PAUL IV, évêque de l’Église catholique

LE SEIGNEUR EST MON AUXILIAIRE.

Notes de bas de page
  1. « M. le doc­teur Schulte cite ensuite une autre bulle du pape Paul IV, de l’année 1559 [Note de bas de page indi­quant qu’il s’a­git de Cum ex apos­to­la­tus], bulle qui porte avec rai­son dans la col­lec­tion des bulles pon­ti­fi­cales le titre de Renouvellement des anciennes cen­sures et peines por­tées contre les héré­tiques et les schis­ma­tiques, avec addi­tion de nou­velles peines, etc. Ce titre, qui fait très exac­te­ment connaître le conte­nu de la bulle, suf­fit à lui seul pour mon­trer au lec­teur que ce décret pon­ti­fi­cal n’est pas une défi­ni­tion de foi, ni par suite un juge­ment ex cathe­dra. […] Il est abso­lu­ment cer­tain, mal­gré ce qu’il dit, que cette bulle n’est pas une défi­ni­tion de foi, une déci­sion doc­tri­nale, un juge­ment ex cathe­dra. Elle est évi­dem­ment un acte éma­nant du suprême pou­voir légis­la­tif et pénal des Papes, mais non de leur suprême auto­ri­té doc­tri­nale. […] A qui est-​il venu à l’esprit, avant M. le doc­teur Schulte, d’affirmer que les Papes sont infaillibles dans le domaine du droit pénal ? » Mgr Fessler, La vraie et la fausse infailli­bi­li­té des papes, 1873, pp. 105–106. Voir aus­si la pré­face pp. 11–15 qui pro­longe la dis­cus­sion à ce sujet : « Or la bulle de Paul IV n’est qu’une loi pénale et non une défi­ni­tion dog­ma­tique. ».[]
  2. Le but étant d’é­vi­ter que l’é­lec­tion ne soit contes­tée pour ce genre de rai­son cano­niques et qu’il ne s’en­suive un grand trouble. On cherche ain­si à évi­ter une que­relle qui oppo­se­rait deux par­tis avec cha­cun leur « pape » ayant cha­cun des argu­ments cano­niques, comme cela s’est pro­duit lors du grand schisme d’Occident (1378–1417). Une telle que­relle ris­que­rait bien d’être inso­luble en l’ab­sence d’une auto­ri­té suprême incon­tes­tée, sinon par la renon­cia­tion volon­taire de cha­cune des deux par­ties.[]
  3. Felix Cappello, De cen­su­ris, p. 65.[]