Le mois de mars est traditionnellement consacré dans l’Église à la dévotion envers S. Joseph. Même si la fête liturgique de S. Joseph sera cette année transférée au 1er avril en raison de la Semaine Sainte, rien ne doit nous empêcher de manifester toute notre dévotion à celui que le pape Pie IX a déclaré patron de l’Église universelle dans son décret Quemadmodum Deus du 8 décembre 1870.
S’il est vain de disputer les mérites relatifs des saints (Imitation de Jésus-Christ, III, 58, n° 2), en revanche il est utile de situer les saints dans le plan de la Providence divine pour les honorer et pour en faire nos intercesseurs auprès de Dieu.
Nous essayerons donc de situer S. Joseph par rapport à la Sainte Vierge, à S. Jean-Baptiste et aux Apôtres, avant de revenir à sa mission de protecteur de la sainte Église.
Saint Joseph et la Sainte Vierge
La sainte Vierge Marie comme S. Joseph ont reçu une mission spéciale de Dieu par rapport à l’Incarnation :
- pour elle : être la mère de Dieu (Lc 1, 35) ;
- pour lui : être le père nourricier de Jésus (Mt 1, 20–21).
De là, découlent :
- pour la Vierge Marie : les privilèges de l’Immaculée Conception, de la Virginité perpétuelle, de l’Assomption entre autres ;
- pour S. Joseph : le fait de devenir l’époux de la Mère de Dieu et le chef de la Sainte Famille.
Il y a cependant deux points sur lesquels la mission de la Sainte Vierge diffère de celle de S. Joseph et qui la rende supérieure dans l’ordre de la grâce :
1) la Sainte Vierge engendre le Verbe de Dieu selon sa nature humaine, alors que S. Joseph n’a pour mission que de nourrir et d’éduquer Jésus : c’est dire la grandeur singulière de la mission de la Sainte Vierge.
2) le rôle de la Sainte Vierge s’étend à l’Incarnation (Annonciation et Nativité) et à la Rédemption (Calvaire) alors que celui de S. Joseph se limite à l’Incarnation.
Saint Joseph et Saint Jean-Baptiste
Puisque le rôle de S. Joseph est centré sur l’Incarnation, comment le situer par rapport à S. Jean-Baptiste, contemporain lui aussi de l’Incarnation ? Le Christ lui-même n’exalte-t-il pas le rôle du Précurseur lorsqu’il affirme : « Parmi les enfants des femmes, il n’en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste » (Mt 11, 11 ? Pourquoi cette prééminence ? Le Verbe de Dieu le dit : « C’est plus qu’un prophète. » (Mt 11, 9).
En effet, la mission de tout prophète consiste à prêcher au nom de Dieu les vérités du salut. Très souvent, mais pas nécessairement, le prophète est chargé d’authentifier sa mission par des paroles découvrant l’avenir. Mais, le prophète voit rarement la réalisation de ses prophéties, moins encore en comprend-il le sens caché.
Or, que voyons-nous avec S. Jean-Baptiste ? Il n’annonce pas seulement les vérités du salut, mais aussi la venue du Sauveur en personne. Il ne se contente pas d’annoncer des évènements futurs, il est témoin de leur réalisation. Le Baptiste est donc grand, car il se situe à la charnière de l’Ancien Testament et du Nouveau : il annonce encore et il voit déjà.
Et S. Joseph dans tout cela ? Justement, S. Joseph n’est plus là. Lorsque débute la vie publique du Christ, annoncée de façon prochaine par le Baptiste, le père nourricier de Jésus n’est plus là. Il suffit de voir qu’aux noces de Cana, c’est la mère de Jésus, seule, qui est invitée. S. Joseph n’est plus là, sa mission est terminée.
Quelle était sa mission par rapport à celle du Baptiste ? Autant la mission du Baptiste consistait à révéler le Christ, à être la voix qui annonce le Verbe (Jn 1, 23) et à préparer les esprits au ministère public du Messie (Lc 3, 4–5) ; autant la mission de S. Joseph avait été de préserver la vie cachée du Sauveur.
Si le Baptiste a pour mission de mettre en lumière, de révéler et de faire connaître, S. Joseph a eu pour mission de cacher, de dérober aux regards, d’entourer du voile du mystère ce qui ne devait être révélé qu’au temps fixé par Dieu.
Saint Joseph et les Apôtres
Après tout ce que nous avons déjà dit des grandeurs de S. Joseph, certaines affirmations de S. Thomas d’Aquin concernant les apôtres pourraient sembler exagérées, voire erronées :
On doit faire passer les apôtres avant tous les autres saints, quel que soit le titre de sainteté dont ils jouissent, fût-ce la virginité, la confession et l’enseignement de la foi, ou le martyre : en effet, les apôtres possèdent le Saint-Esprit avec plus d’abondance que tous les autres saints.
Commentaire de l’épître aux Romains, ch. 8, v. 23
De la sorte, on peut voir la témérité (pour ne pas dire l’erreur) de ceux qui auraient la présomption de mettre les autres saints à égalité avec les apôtres du point de vue de la grâce et de la gloire.
Commentaire de l’épître aux Ephésiens, ch. 1, v. 8
Mais, le Docteur commun explique cette primauté des Apôtres manière très claire :
Dieu donne à chacun la grâce en fonction de la mission à laquelle il le destine, comme par exemple, il a donné à l’humanité du Christ la grâce la plus excellente possible, puisqu’il l’a destinée à être assumée dans l’unité d’une personne divine. Après le Christ, c’est la sainte Vierge Marie qui a eu la plus grande plénitude de grâce, puisqu’elle a été destinée à être la Mère de Dieu. Parmi les autres saints, ce sont les apôtres qui furent destinés à la dignité la plus grande, car ils ont reçu immédiatement du Christ les moyens du salut pour transmettre aux autres hommes, de sorte qu’à travers eux c’était l’Église qui en quelque sorte était fondée…
Commentaire de l’épître aux Romains, ch. 8, v. 23
Si le rôle de S. Joseph concerne le mystère de l’Incarnation et la garde du Sauveur dans sa vie cachée, celle des apôtres découle du mystère de la Rédemption et de son application aux âmes par l’intermédiaire de l’Église dont ils sont les fondements.
Saint Joseph, patron de l’Église Universelle
Mais alors, pourquoi le pape Pie IX a‑t-il nommé S. Joseph, patron de l’Église universelle ? Si S. Joseph est grand par sa relation avec le mystère de l’Incarnation, quelle peut être sa mission par rapport à l’Église qui applique les fruits de la Rédemption aux âmes ?
En réalité, la mission de S. Joseph par rapport à l’Église est similaire à celle qui était la sienne par rapport à Jésus durant sa vie cachée :
- C’est lui qui veille à ce que les âmes engendrées par la grâce baptismale trouvent toujours l’aliment et l’éducation pour leur vie surnaturelle.
- C’est lui qui protège l’Église, Jésus-Christ répandu et communiqué, dans ses tribulations.
- C’est lui qui cache le mystère de l’Église qui ne sera pleinement révélé qu’à la mort du dernier élu lorsque le Seigneur apparaîtra en pleine lumière comme Juge.
Abbé François KNITTEL