Chers amis et bienfaiteurs
Rien ne va plus à l’Éducation Nationale. Une pluie de rapports nationaux et internationaux accusent le système français et soulignent ses piètres résultats en matière de réussite scolaire tout autant que son incapacité à intégrer scolairement les enfants d’étrangers. En dix ans – de 2000 à 2010 – on a même noté très officiellement l’augmentation d’un tiers des « enfants en grande difficulté », délicat euphémisme qui cache l’authentique illettré, c’est-à-dire l’enfant qui ne comprend pas un texte simple et ne sait pas effectuer des opérations simples de calcul.
Il est clair que les apprentissages du primaire qui ont fait l’objet des plus grands délires « pédagogistes » portent leurs mauvais fruits. L’obstination et l’aveuglement sectaire finiront peut-être par être eux aussi dénoncés officiellement. Il n’est pas interdit de rêver. On l’a vu, il y a quelques années, quand un ministre de l’Éducation a voulu réintroduire la méthode de lecture syllabique et condamner la méthode globale : les tenants du semi-global ont ricané, soulignant que la méthode globale n’était plus guère utilisée. Ce sont les mêmes qui demandent toujours plus d’argent, pour s’occuper des difficultés des élèves dont ils sont eux-mêmes en partie la cause.
Dans la compétition internationale qui met l’accent sur la capacité d’un État à produire des étudiants aptes à intégrer la grande économie mondiale, on s’étonne des faibles performances d’un « grand pays » comme la France qui consacre pourtant 20 % de son budget national à l’Éducation du même nom. Bref, le moral du « mammouth » est en berne.
Or, on le sait, une note statistique récente du Ministère de l’Éducation nationale, publiée en septembre 2010, le prouve : en comparant le parcours de deux générations d’élèves entrés en sixième, les uns en 1989, les autres en 1995, leurs chances d’obtenir le bac restent plus que jamais liées d’abord au niveau acquis dès l’école primaire, puis au retard scolaire et enfin à l’origine sociale. Seul un quart des élèves qui a redoublé au moins une fois dans le primaire parvient à décrocher le bac, et seulement 1% de la génération de 1995 pour ce qui est du bac scientifique.
Mais il reste une autre leçon à tirer de ces tristes bilans et elle n’a pas fait l’objet dans les médias d’autant de publicité. Il s’agit de l’échec des enfants vivant en famille « monoparentale » ou « recomposée », autrement dit fruits malheureux du divorce et des unions libres. 51% des enfants issus de telles « familles » deviennent bacheliers, contre 67 % pour les autres. Il faut savoir qu’en France, comme en Europe, les familles monoparentales sont de plus en plus nombreuses. De 1968 à 2005, on est passé de 6 à 16% des enfants scolarisés qui vivent avec un seul parent. 90% d’entre eux vivent avec leur mère. Et la tendance n’a pas de raison de s’inverser. L’équilibre psychologique de l’enfant souvent atteint par les blessures du divorce, c’est toute la scolarité qui en pâtit. Ce triste constat montre que ce n’est pas pour rien que l’Église a toujours demandé que ceux qui se destinent au mariage en comprennent les enjeux, notamment quant à leurs responsabilités envers ceux qui en sont la fin première : les enfants. La fidélité, l’indissolubilité, le témoignage exemplaire d’un soutien mutuel entre les époux sont évidemment, n’en déplaise aux esprits libertaires de tout poil, des facteurs de stabilité, d’équilibre psychologique et affectif qui contribuent, pour une part notable, à la réussite scolaire, tout autant d’ailleurs qu’à la vie future de l’enfant.
Ce n’est pas pour rien non plus que, face à cet échec – reconnu publiquement – du système éducatif français, les écoles privées hors contrat se sont multipliées. Elles répondent, en effet, à une demande croissante de la part de parents qui n’hésitent pas à investir massivement pour l’avenir de leurs enfants. Bien souvent soumis aux impôts et s’acquittant en plus des frais de scolarité de ces écoles non subventionnées, ils sont doublement imposés. C’est avec ce que l’on peut qualifier, sans emphase, d’héroïsme que ces familles choisissent la qualité pour préserver leur progéniture de l’école sans Dieu et de l’échec scolaire.
Les écoles dirigées par les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X sont dans ce cas. Les parents de nos familles catholiques sont ces héros. La Providence a permis la multiplication de nos écoles, malgré leur coût exorbitant lié aux exigences toujours croissantes des normes de sécurité et aux charges salariales. Mais si ce miracle existe, c’est aussi grâce à vous, bienfaiteurs fidèles, qui offrez de votre superflu, parfois de votre nécessaire, pour que des enfants reçoivent une éducation authentiquement catholique, dans des écoles toujours plus aptes à leur transmettre l’amour de Jésus-Christ et de la Vérité qui en découle. Mais l’argent ne fait pas tout. Comme nous l’ont montré les terribles statistiques mentionnées ci-dessus, à propos des dégâts provoqués par la destruction des familles, il ne faut pas négliger, dans les milieux catholiques non plus, la cohérence entre les principes enseignés à l’école et ceux enseignés et pratiqués dans les familles.
Comme intention de prière, nous pourrions, en cette année 2011, insister non seulement sur la préservation de l’intégrité des familles catholiques, mais aussi sur une plus grande prise de conscience des exigences éducatives qui relèvent des parents, de la nécessaire harmonie et docilité qu’ils doivent manifester envers les autorités enseignantes, pour que l’éducation reçue à l’école ne perde pas de son efficacité en raison d’un libéralisme familial rampant ou effectif. Par ailleurs, on n’insistera jamais assez auprès des jeunes sur la nécessité de se préparer vertueusement au mariage, au risque d’avoir omis de se préparer aux épreuves du mariage qui jalonnent toute vie et accompagnent ses joies, de telle sorte que, jamais, les enfants ne soient les victimes collatérales des mésententes ou des faiblesses conjugales.
Cet appel à votre générosité inclut donc une croisade de soutien, par la prière, à toutes nos familles. C’est à ces conditions que la Tradition catholique perdurera, par les fruits de ses familles et de ses écoles catholiques.
Abbé Philippe Bourrat [1], Recteur émérite de l’Institut Universitaire Saint-Pie X
- Depuis le 15 août 2010 M. l’abbé Philippe Bourrat est Directeur de l’enseignement pour le District de France[↩]