LAB de l’ADEC n° 29 – Enseigner et éduquer

Chers amis et bienfaiteurs

Si l’en­sei­gne­ment concerne davan­tage l’é­veil de l’in­tel­li­gence, la trans­mis­sion des connais­sances, et si l’é­du­ca­tion embrasse la for­ma­tion de l’être humain dans le domaine moral, on ne peut nier que la nature de l’en­sei­gne­ment déli­vré dans une école engage aus­si l’en­fant dans cer­taines direc­tions, et qu’elle soit por­teuse d’in­fluences morales qui le mar­que­ront durablement.

Autrement dit, le pro­fes­seur qui enseigne est aus­si un édu­ca­teur. Il l’est par sa per­son­na­li­té, par l’exemple qu’il donne, par ses concep­tions morales qui trans­pa­raissent dans ses cours, par sa foi qu’il pro­fesse… ou qu’il ne pro­fesse pas ! Il l’est par l’au­to­ri­té qu’il incarne et qu’il assume, mais aus­si par la pré­sen­ta­tion de la dis­ci­pline qu’il enseigne.

Le pro­fes­seur de lit­té­ra­ture, fran­çaise ou étran­gère, ne peut faire abs­trac­tion du cli­mat moral de l’œuvre qu’il fait étu­dier. Comme l’é­crit le Père Calmel,

« toute œuvre lit­té­raire un peu grande détient une por­tée morale par le seul fait que l’être humain dont elle retrace devant nos yeux la des­ti­née est un être moral. (…) Les grands textes lit­té­raires, parce qu’ils évoquent notre condi­tion et les jeux inouïs de notre ter­rible liber­té, nous atteignent aus­si dans la sphère morale ; ils nous obligent à por­ter des juge­ments de valeur et nous empêchent de nous enfer­mer dans la seule appré­cia­tion esthé­tique. (1)»

Sans vou­loir faire de tout texte un pré­texte à un cours de morale, il est impen­sable, même si l’on doit étu­dier la dimen­sion esthé­tique de l’œuvre, de faire abs­trac­tion des grandes ques­tions que l’homme se pose et aux­quelles l’œuvre lit­té­raire étu­diée tente de répondre.

Le cours d’his­toire n’é­chappe pas non plus à la règle. Au-​delà des ren­sei­gne­ments fac­tuels, des dates, de l’u­sage des témoi­gnages et ves­tiges du pas­sé, en plus des inter­pré­ta­tions pos­sibles, une cer­taine idée de l’homme social trans­pa­raît néces­sai­re­ment dans le dérou­le­ment des faits humains expo­sés. L’historien ne peut pas­ser sous silence ce qui est juste ou injuste, ce qui relève de la fidé­li­té ou de la tra­hi­son des hommes envers leurs conci­toyens ou leur patrie, quels prin­cipes phi­lo­so­phiques ou reli­gieux animent les ins­ti­tu­tions de l’Etat étu­dié, etc.

Quant aux sciences, on peut aisé­ment com­prendre que la pré­sen­ta­tion pure­ment maté­rielle et phy­sique de leurs conte­nus bute­ra, à un cer­tain moment, sur les ques­tions phi­lo­so­phiques qu’elles impliquent. S’il est hon­nête, le pro­fes­seur de sciences sau­ra recon­naître ses limites en tant que scien­ti­fique et pro­lon­ge­ra son dis­cours, muni d’une sagesse réa­liste, en s’é­le­vant jus­qu’au registre phi­lo­so­phique, ou bien y ren­ver­ra ses élèves. S’il ne l’est pas, il leur don­ne­ra l’illu­sion que la science phy­sique ou natu­relle peut se dis­pen­ser de la science des sciences qu’est la phi­lo­so­phie, laquelle trouve son aide et sa règle dans les lumières de la Révélation et de la théo­lo­gie qui en découle. Là où la science de la nature ne peut répondre qu’au « com­ment » des choses, cer­tains pré­tendent, à tort, qu’elle peut résoudre tous les « pour­quoi ». Cette confu­sion des genres peut être la cause de bien des impasses intel­lec­tuelles. L’enseignement des sciences a donc bien une influence d’ordre éducatif.

C’est jus­te­ment parce que les pro­grammes des dis­ci­plines sco­laires sont natu­rel­le­ment por­teurs d’une cer­taine concep­tion de l’homme qu’ils doivent faire l’ob­jet de l’at­ten­tion des parents et des ensei­gnants. Et c’est parce que l’é­du­ca­tion chré­tienne se trans­met aus­si au tra­vers des ensei­gne­ments qu’il est impor­tant de choi­sir les ensei­gnants en fonc­tion de la concep­tion qu’ils ont de l’homme.

Celle-​ci trans­pa­raî­tra dans leurs cours, leurs com­men­taires, leurs prises de posi­tions, leurs juge­ments sur l’ac­tua­li­té, inhé­rents à tout cours tant soit peu vivant. Cette vie intel­lec­tuelle, cette morale au sens large qui découle des cours et de la per­son­na­li­té du pro­fes­seur, doivent être vraies, éclai­rées, for­mées. C’est pour­quoi l’é­cole, l’ins­truc­tion des enfants mais aus­si la for­ma­tion des maîtres ont tou­jours consti­tué un enjeu majeur pour la socié­té tem­po­relle et pour l’Eglise. C’est là que se forgent non seule­ment l’ap­pren­tis­sage des savoirs mais éga­le­ment l’ar­chi­tec­ture intel­lec­tuelle qui orien­te­ra l’es­prit et la vie morale du futur adulte. L’école neutre n’existe pas puisque ni les pro­grammes, ni les ensei­gnants ne le sont. Il s’a­git donc de choi­sir la Vérité comme lumière et règle de vie.

Œuvres de l’Église, les écoles catho­liques hors contrat, sou­te­nues par la Fraternité Saint- Pie X, se sont fixé cette mis­sion. Elles essaient, avec les moyens qui sont les leurs, de don­ner aux enfants une for­ma­tion solide et un sens cri­tique qui les rendent capables de com­prendre le monde dans lequel ils vivent. Elles font épa­nouir la foi catho­lique que les élèves ont reçue à leur bap­tême par un ensei­gne­ment de foi et une édu­ca­tion à la ver­tu qui ne font pas abs­trac­tion de la crise que l’Eglise tra­verse depuis un demi-siècle.

Mais cette œuvre néces­saire et fra­gile ne peut se faire sans votre aide. Nous la sol­li­ci­tons avec ins­tance, une nou­velle fois, et nous vous assu­rons de nos prières reconnaissantes.

Abbé Philippe Bourrat, Directeur de l’en­sei­gne­ment du District de France de la FSSPX

(1) Ecole chré­tienne renou­ve­lée, Pierre Téqui, 1958 (1990), p.38

Accès à l’in­té­gra­li­té de la lettre de l’ADEC n° 29

Association de Défense de l'École Catholique

Association de soutien financier pour les écoles de la Tradition