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Jeanne Smits
La Salle de presse du Vatican a rendu publique, jeudi à midi, une lettre de Benoît XVI aux évêques du monde entier visant à expliquer sa décision de lever l’excommunication des quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre en 1988. A l’heure d’imprimer, nous venons de prendre connaissance du texte authentique.
Ce que le Pape y annonce est d’une importance qui nous a incités à prendre un peu les devants, avec prudence. Et nous avions retenu la traduction de l’excellent blog benoit-et-moi.fr, légèrement différente du texte officiel.
C’est le tollé provoqué par l’affaire Williamson qui semble avoir incité Benoît XVI à réagir de façon très personnelle : « Une mésaventure imprévisible pour moi a été le fait que l’affaire Williamson s’est superposée à la rémission de l’excommunication. Le geste discret de miséricorde envers les quatre évêques, ordonnés validement mais pas légitimement, est apparu tout à coup comme une chose totalement différente : comme un démenti de la réconciliation entre les chrétiens et les juifs, et donc comme la révocation de ce que, dans cette matière, le Concile avait éclairci pour le chemin de l’Eglise. »
Non sans ironie, le Pape épingle les loups qui l’ont attaqué le plus durement : « Je suis resté attristé du fait que même des catholiques, qui au fond auraient pu mieux savoir comment sont les choses, aient pensé devoir me frapper avec cette hostilité toute prête à l’attaque. C’est pour cela que je remercie d’autant les amis juifs qui ont aidé à éclaircir promptement le malentendu et à rétablir l’atmosphère d’amitié et de confiance. »
Sur le fond, Benoît XVI ne se désavoue nullement et ne fait pas son « autocritique », comme le prétend la presse allemande. Il s’explique : l’excommunication est une sanction grave et personnelle dont l’objectif est de ramener celui qui en est frappé à la communion ; comme cela n’a pas fonctionné, affirme sa lettre, la levée a été décidée dans la même perspective, le retour à l’unité, et le souci pastoral pour les 491 prêtres et tous les autres religieux et membres de la Fraternité qu’il ne faut pas « exclure comme représentants d’un groupe marginal radical ».
A cette fin, Benoît XVI annonce vouloir intégrer la commission Ecclesia Dei dans la Congrégation pour la doctrine de la foi, ce qui placerait ouvertement sur le terrain doctrinal les éclaircissements nécessaires pour que les ministres de la Fraternité Saint-Pie X puissent exercer de manière « légitime » leur ministère dans l’Eglise. « Le fait que la Fraternité Saint-Pie X ne possède pas de position canonique dans l’Eglise, en fin de compte ne se base pas sur des raisons disciplinaires mais doctrinales. »
Si le Pape souligne que cette nouvelle compétence de la Congrégation pour la doctrine de la foi, par le biais des organismes collégiaux, permettra la participation de l’épiscopat du monde entier, on peut supposer que ce travail permettra de soulever des points clefs mettant chacun devant ses responsabilités. Benoît XVI précise : « On ne peut pas geler l’autorité magistérielle à 1962 – cela doit être bien clair pour la Fraternité. Mais à ceux qu’on présente comme les défenseurs du Concile, il doit être aussi remis en mémoire que Vatican II porte avec lui l’entière histoire doctrinale de l’Eglise. Qui veut être obéissant au Concile, doit accepter la foi professée dans le cours des siècles et ne peut pas couper les racines dont l’arbre vit. »
Dans cette optique, c’est nettement « l’herméneutique de la continuité » qui va présider aux travaux, et elle vaudra pour tous… D’autant que le Saint-Père a en quelque sorte enterré la polémique en rappelant que son devoir est d’abord d’affermir la foi de ses frères, à l’heure où « Dieu est en train de disparaître de l’horizon des hommes ».
Et Benoît XVI souligne combien cette affaire lui a fait découvrir l’exacte vérité d’une phrase de saint Paul aux Galates, où il ne voyait précédemment qu’une « exagération rhétorique » : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde : vous allez vous détruire les uns les autres ! »
On retiendra enfin cette phrase sur l’hostilité qu’il a ressentie de la part du milieu ecclésial : « Parfois on a l’impression que notre société a besoin d’au moins un groupe, auquel on ne peut réserver aucune tolérance ; contre lequel on peut tranquillement se jeter avec haine. Et si quelqu’un ose s’approcher de lui – en l’occurrence le Pape – il perd lui-même le droit à la tolérance et peut aussi être traité avec haine, sans crainte ni retenue. »
Notre carême pour le Saint-Père ?
Jeanne SMITS
Article extrait du n° 6799 du vendredi 13 mars 2009 – Présent