Chers amis et bienfaiteurs
Le débat récent sur la « théorie du genre », provoqué à l’occasion des manifestations de janvier et février 2014, constitue un exemple symptomatique des techniques révolutionnaires mises en œuvre dans la transformation active des mentalités, de la part des instances politiques mondiales et nationales.
L’introduction en France d’un ABCD des inégalités expérimenté dans plus de 600 classes du primaire depuis la rentrée scolaire 2013 n’aurait, selon les responsables politiques en charge de l’Education nationale (Vincent Peillon) et des Droits des femmes (Najat Vallaud-Belkacem), rien à voir avec la théorie du genre. Ils en veulent pour preuve que les élèves qui feront l’apprentissage de cette égalité, via des séquences pédagogiques mises en œuvre par les enseignants, n’apprendront qu’à s’interroger sur les stéréotypes que la société véhicule sur les métiers, les loisirs, les activités attribuées plus spécifiquement aux garçons ou aux filles. Le but est de contribuer à changer les mentalités pour une plus grande égalité. Derrière l’idéologie se cache le sophisme que toute différence sociale entre garçon et fille, ou entre hommes et femmes, non seulement n’est pas naturelle mais constitue une inégalité et donc une injustice et que la société se doit de modifier les comportements qui font perdurer de telles inégalités. Pourquoi pas des femmes maçons ? demande-t-on ainsi très sérieusement en haut-lieu. Et pourquoi pas des femmes légionnaires ? pourrait-on suggérer…
L’ABCD des inégalités a ainsi pour but de traquer et de dénoncer, ou mieux de « déconstruire » les stéréotypes que l’on se forge sur ce qui n’est qu’une « construction » sociale : « Exemples : cette séquence pédagogique autour des » représentations esthétiques de l’enfant, de la femme et de l’homme » au fil des siècles, du portrait par Rigaud de Louis XIV portant des talons hauts, au smoking pour femme d’Yves Saint Laurent en 1966 ; ou cette réflexion sur » la figure de la belle » dans les contes. Objectifs : démontrer aux enfants que les notions de féminin et masculin évoluent suivant les sociétés et les époques.
Pour les deux ministères, le but est de « sensibiliser les élèves aux représentations, aux rôles assignés aux filles et aux garçons et des entrées au sein de programmes officiels existants : sciences, éducation physique et sportive, maîtrise de la langue, histoire… ». Ces séances autour de l’égalité peuvent donc être déclinées dans l’ensemble des disciplines, en fonction des choix de l’enseignant. »[1]
La supercherie qui consiste à nier qu’il s’agit là de l’application de la théorie du genre [2] dans les programmes est grossière. Car cette théorie a déjà bel et bien été introduite dans les programmes de sciences naturelles, notamment en classe de Première, dès 2011. C’était sous le gouvernement de François Fillon et la présidence de Nicolas Sarkozy. Car c’est bien l’UMP au pouvoir qui a introduit l’application des directives internationales dans les programmes, poursuivis ensuite par Peillon & Cie. Le thème 3 du programme précise ainsi : « Devenir femme ou homme – On saisira l’occasion d’affirmer que si l’identité sexuelle et les rôles sexuels dans la société avec leurs stéréotypes appartiennent à la sphère publique, l’orientation sexuelle fait partie, elle, de la sphère privée. Cette distinction conduit à porter l’attention sur les phénomènes biologiques concernés. » En 2010, Sciences Po se faisait remarquer avec la mise en place d’un enseignement obligatoire des études de genre. Depuis, les universités ou encore les écoles de journalisme, tout récemment, ont suivi le mouvement.
La théorie, née dans le sillage marxiste et constructiviste de mai 1968 et vulgarisée dans les années 1990 par la soi-disant philosophe féministe américaine Judith Butler, établit une distinction entre l’identité sexuelle biologique et l’orientation sexuelle qui résulte d’une construction sociale et de choix personnels. Au nom de la défense des minorités, la théorie veut s’imposer à la majorité, en tout déni de réalisme. Dans le même temps, l’homosexualité est banalisée et présentée aux enfants par des militants dès la maternelle, sans parler de la littérature ou des films qui leur sont destinés. Vivre avec deux papas ou deux mamans est une forme familiale comme les autres. Par le biais de la lutte contre « l’homophobie », qui peut s’appuyer désormais sur la justice pour neutraliser toute opposition morale, on accélère la destruction de toute référence à la loi naturelle. Vincent Peillon est investi pour cela d’une mission qui n’est autre qu’une révolution culturelle : « Le gouvernement s’est engagé à s’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités, notamment par le biais d’une éducation au respect de la diversité des orientations sexuelles. » (Lettre aux recteurs, du 4 janvier 2013)
C’est entendu, il n’y a plus de nature humaine, encore moins de loi naturelle à laquelle il faudrait se référer. Il n’y a que du culturel, il n’y a que des « constructions sociales » conventionnelles qui varient avec le temps. (Ce qui finira par entrer en contradiction avec la notion même des droits de l’Homme qui supposait une nature stable et définie de l’Homme en question…)
En mai 2013, était organisé un colloque du SNUipp, principal syndicat enseignant du premier degré, autour du thème « Éduquer contre l’homophobie dès l’école primaire ». À l’occasion de cet événement organisé le 16 mai, jour de lutte contre l’homophobie, le syndicat a fourni aux professeurs un dossier militant rempli de consignes et d’idées pour faire avancer la cause homosexuelle et tous ses dérivés aux noms bien peu poétiques (LGBT).
A qui fera-t-on croire que les récentes expérimentations lancées dans les écoles primaires et qui vont être généralisées à l’avenir n’ont rien à voir avec la « théorie du genre » et que les affreux réactionnaires qui ont manifesté récemment n’ont fait qu’agiter des chiffons rouges qui n’étaient que le fruit de leurs fantasmes et de leur imagination ?
Si l’on cherchait une preuve supplémentaire, on la trouverait dans le Livret personnel de compétences qui évalue les connaissances, acquis et comportements des élèves en trois temps (CE1, CM2 et fin de 3e), mis en place par l’Education nationale en 2011.
On lit explicitement au palier 2 (CE2), dans les « compétences sociales et civique » « Respecter tous les autres, et notamment appliquer les principes de l’égalité des filles et des garçons. » Sous l’aspect anodin de cet intitulé, est contrôlée la capacité de chaque enfant à avoir intégré l’ensemble des principes énoncés ci-dessus. Et au palier 3, en fin de 3e, dans le même livret de compétences que tout élève de l’enseignement public et sous contrat est tenu d’avoir, s’ajoutera la compétence suivante : « Comprendre l’importance du respect mutuel et accepter toutes les différences. »
L’école a résolument pris le contrôle des comportements psychologiques et moraux de l’enfant et le forme à une idéologie bien précise. Mais pour désamorcer la suspicion, pour discréditer toute réaction lucide qui dénoncerait l’adoption par l’Etat de conceptions philosophiques et morales perverses et destructrices, on ment. Tout simplement. L’introduction d’une « théorie du genre » à l’école ? Pure imagination, affirmait en substance l’actuel premier ministre Jean-Marc Ayrault, dans les colonnes du journal La Croix du 30 septembre 2013 : « Il n’est pas question d’introduire je ne sais quelle idéologie. Il n’est pas question d’un temps d’enseignement sur la théorie du genre, pas plus dans les programmes scolaires que dans la formation des enseignants ».
« Mentez, mentez, mes amis…», écrivait Voltaire.
Abbé Philippe Bourrat, Directeur de l’enseignement pour le District de France
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