La plaque commémorant les promotions gravée à l’occasion du depart de M. l’abbé Bétin
Chers Anciens,
Chers Parents, Amis et Bienfaiteurs,
Le beau jour de la Saint-Michel fut riche en émotions et ô combien symbolique pour l’histoire de notre école. Il mérite de vous être conté, car il clôt le chapitre des années à Niherne.
Le projet audacieux de déménagement sur le site militaire de La Martinerie, initié de longue date et dont les précédentes Lettres aux Anciens vous ont tenu informés, est réalité depuis mars 2014. L’énergie surhumaine qu’il a fallu déployer pour transformer cette zone militaire prestigieuse et l’aménager en un vaste complexe scolaire d’enseignement général et professionnel explique le silence de ces dernières années ; jours et nuits ne suffisaient pas pour faire face à tous les défis d’une pareille entreprise !
Nommé au 15 août de cette année pour succéder à M. l’abbé Bétin, j’arrive après la bataille, ou presque : la Providence m’a toutefois ménagé l’honneur de procéder au transfert des dépouilles de nos deux fondateurs : M. Jean Masure († 08- VIII-1993) et M. Pierre Soulet († 13-X-2002).
Le jeudi 29 septembre, jour de notre fête patronale, le rendez-vous était fixé à Surins, à 8h15, avec les pompes funèbres Renaud de Villedieu et les familles de nos fondateurs : M. Jean-François Masure, fils de M. Jean Masure, et son épouse ainsi que deux frères, cousins germains de M. Pierre Soulet, MM. Reignoux et leurs épouses. M. l’abbé Bétin était présent pour m’assister au cours de cette cérémonie.
La sépulture ouverte, les dépouilles furent exhumées et déposées dans des cercueils neufs – les années ayant quelque peu endommagé ceux d’antan – ; puis les scellés apposés [Voir photo ci-dessus].
L’atmosphère était particulière et quelque peu nostalgique. Réunis pour entourer les pionniers et les gardiens de ce site, nous avions conscience avec M. l’abbé Bétin de vivre les derniers instants de ce qui avait été « notre » école, là où nous avions passé le baccalauréat ! Ce fut très certainement un moment permis par la Providence pour mieux exprimer le passage de témoin, réalisé pourtant depuis le 15 août. Deux générations se succédaient ; une page se tournait ; et nous savions qu’en refermant le portail derrière nous, nul ne foulerait plus désormais ce qui avait été pendant tant d’années l’école Saint-Michel.
Je proposai alors à mon ancien professeur de philosophie de faire le dernier tour du propriétaire : véritable petit pèlerinage pour moi qui n’y étais pas retourné depuis un certain nombre d’années ! Et si, pour ne pas déprécier la valeur de ces instants inoubliables, il me faut préférer le silence à l’imperfection du langage, j’oserai néanmoins vous livrer les réflexions qui suivent.
Ce qui fait la valeur d’un homme – et conséquemment la grandeur de l’Église et sa force aussi ! -, c’est sa capacité à se dévouer entièrement au Bien commun, à se lancer à corps perdu dans une œuvre, dans un projet, sans pour autant se l’approprier, ni même s’en rendre indispensable. Le sacrifice imposé par nos supérieurs à M. l’abbé Bétin dans leur décision mûrement réfléchie de l’arracher à ce qui est sorti de ses mains et de son âme ne peut se mesurer ; mais j’ai pu en admirer l’acceptation humble et soumise et soupçonner un peu le déchirement intérieur, pourtant transcendé dans cette joie d’obéir à la volonté divine exprimée par la voix de l’autorité.
Qu’il trouve ici l’expression de ma très vive reconnaissance au nom de toutes les générations d’élèves qui l’ont connu comme directeur à Surins ou qui lui sont déjà redevables de cet audacieux entêtement à se projeter dans le futur sur ce site de La Martinerie – si loin que tous ont eu un peu de mal à suivre sa cadence ! Mais grâce à lui, grâce aussi à tous ceux qui l’ont secondé – prêtres, frères et laïcs -, grâce enfin à tous nos bienfaiteurs qui continuent à soutenir cette œuvre d’éducation tellement fondamentale, non seulement l’école Saint-Michel a les moyens de perdurer, mais elle est comme rajeunie et féconde aussi ; elle anime et supporte désormais l’école Philibert-Vrau à laquelle elle a donné le jour ; cette école professionnelle que toutes nos familles catholiques attendaient depuis si longtemps !
Notre école a, en effet, un passé dont nous devons être fiers pour le transmettre aux générations futures d’abord, mais aussi pour prolonger et poursuivre le développement de nos œuvres avec cette même audace qui caractérisa nos anciens ! MM. Jean Masure et Pierre Soulet, oblat bénédictin et catéchiste du diocèse, ont consacré leur temps et leur personne pour ouvrir à la rentrée scolaire 1972 à Châteauroux, boulevard de Cluis, une petite structure catholique et entièrement libre, c’està- dire totalement indépendante et de l’État et du clergé diocésain en pleine dérive conciliaire ; avec bien entendu les encouragements et les secours spirituels d’un prêtre fidèle à la Tradition, M. l’abbé Luneau, premier aumônier et curé de Vineuil. Pendant un peu plus de cinq ans, ils ont porté cette école de quelques dizaines d’élèves, garçons et filles dans un premier temps. Un internat est ouvert à la rentrée 1975 mettant un terme de ce fait à la mixité : nos deux enseignants assurent alors comme des pères de familles – ou des maîtres de maison – l’intendance au quotidien, en parallèle des journées de cours déjà bien remplies. Dès l’année suivante, les effectifs contraignent à s’aggrandir dans de nouveau locaux, rue de Notz, mais ils sont déjà trop étroits.
Le développement important de l’école impose en 1977, de déménager encore, sur la commune de Niherne cette fois, après s’être assuré le soutien de Mgr Lefebvre. Au départ, le terrain d’un hectare ne comprenait qu’un corps de ferme qui fut complété d’un bâtiment préfabriqué comportant quatre classes ; le château, cette maison de maître de quinze pièces, ne sera acquis qu’en 1981 et restauré de 1983 à 1990.
Mais en 1978, en raison de graves difficultés financières et d’une certaine insuffisance d’encadrement, l’école est menacée dans son existence. Certains parents, dont M. de la Fonchais et l’Amiral Tandonnet, jouèrent les émissaires auprès de Monseigneur Lefebvre pour obtenir que la Fraternité Saint-Pie X prenne en charge cette œuvre naissante – demande véritablement audacieuse qu’il fallut bien argumenter pour arracher un oui après avoir essuyé un refus de Mgr Lefebvre. Dans un premier temps, celui-ci avait estimé que la Fraternité, à vocation d’abord sacerdotale, n’avait pas à s’occuper d’une œuvre scolaire ! Et puis la Fraternité était jeune… Comment trouver un prêtre ?
Pourtant le besoin de former les jeunes générations était une nécessité bien réelle. Le raisonnement était simple, convaincant. D’où sortiraient les jeunes pères de familles chrétiennes, d’où sortiraient les jeunes prêtres sans écoles catholiques ? L’ouverture du séminaire d’Ecône à la rentrée 1970 réclamerait tôt ou tard un vivier de recrutement que seraient les écoles secondaires dirigées par les prêtres de ladite Fraternité !
Force est de constater la justesse de ce qui est désormais une évidence puisqu’en cette rentrée scolaire 2016 sur les 16 entrées au séminaire de Flavigny dont 14 séminaristes et deux postulants frères, 14 sont issus des écoles secondaires de la Fraternité qui, depuis lors, se sont multipliées : L’Étoile-du-Matin à Bitche (57), Saint-Joseph-des-Carmes à Montréal-de l’Aude (11), Saint-Jean-Baptiste-de-la-Salle à Camblain (62), Saint-Bernard à Bailly (78), Sainte-Marie à Saint-Père-Marc-en-Poulet (35), Saint-Michel-Garicoïtz à Etcharry (64), Saint-Jean-Bosco à Marlieux (01) et Saint-Martin à La Placelière (44).
M. l’abbé Pierre-Marie Laurençon, tout juste ordonné prêtre, fut nommé directeur et le resta 18 ans, de 1978 à 1996 ! Il vit la toute première cuvée de bacheliers de la Fraternité en 1979. Après lui, se succédèrent MM. les abbés Benoît Knittel (1996–1999), Jean-Pierre Boubée (1999–2001), puis Vincent Bétin (2001–2016).
Par sa décision, Monseigneur Lefebvre faisait de l’école Saint-Michel une œuvre d’Église, lui apportant une dimension, une ossature et une stabilité propres aux institutions religieuses. Ce bâtisseur, si convaincu de la nécessité des écoles catholiques, insufflait un souffle nouveau, un esprit, une âme que l’on retrouve dans toutes ses œuvres et qui scelle l’unité entre les écoles de la Fraternité créées par la suite : l’école autour de l’autel, vivifiée par le Saint-Sacrifice de la Messe.
Pour autant, l’initiative heureuse et audacieuse de nos deux fondateurs n’en fût pas moins grande ; et à ce titre, ils peuvent légitimement revendiquer une certaine paternité sur toutes les écoles secondaires de la Fraternité, car c’est bien de l’école Saint-Michel qu’est partie toute l’œuvre scolaire du District de France !
Plus encore, voulons-nous voir dans la création de l’école professionnelle Philibert-Vrau en 2012, le prolongement de cette même audace qu’ils ont insufflée à notre œuvre dans ses débuts et que leur protection céleste maintient toujours vive !
Ce 29 septembre, à 10h, nos fondateurs ont retrouvé leur place au milieu des élèves. Leur caveau a été béni à côté de la chapelle et nous y avons déposé leurs corps. Après la grand’messe de la Saint-Michel, un dernier hommage nous réunissait avec les familles pour un dépôt de gerbe et le chant de l’actuelle promotion : Héros de Verdun.
Nos fondateurs auront donc été les derniers à quitter Surins, cette propriété qu’ils avaient transmise à leur descendance adoptive. Mais ce n’est certainement pas sans joie qu’ils ont découvert leur nouvelle terre d’accueil ; ils ont retrouvé la vitalité de la jeunesse pour laquelle ils avaient consacré leur vie. Former cette jeunesse, c’est cela le véritable héritage qu’ils nous ont transmis ! Et si l’on prie traditionnellement pour que les défunts reposent en paix, je ne les crois pas malheureux de retrouver un peu de bruit et de vie ! D’autant que ces mêmes voix qu’ils entendent de nouveau s’égayer dans la journée, font monter quotidiennement vers le ciel la prière du chapelet à leur intention : chaque soir, jour après jour – qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige -, une équipe récite le chapelet auprès de leur tombeau. Quel beau réconfort pour leurs descendants ! Cela nous apparaît bien naturel quand on médite quelque peu sur ce devoir de reconnaissance auquel nous sommes tenus à leur encontre…
Et qu’on n’y voit pas là, bien évidemment, la marque d’un passéisme nostalgique et figeant ; bien au contraire ! On ne peut tout simplement pas construire l’avenir déraciné de son passé : aussi la conservation de cette histoire des premières années – qui est aussi notre histoire – permettra seule l’établissement de fondements solides pour poursuivre cette œuvre d’éducation dont l’Église et la France ont tant besoin malgré toutes les difficultés matérielles auxquelles il faut faire face et que nous surmonterons grâce à la générosité de tous. Nous nous devons d’aller de l’avant et d’innover toujours plus, non seulement pour respecter l’esprit de nos fondateurs, mais également pour ne pas nous atrophier en nous repliant sur nous-mêmes !
Je termine par une adresse personnelle à tous les anciens des différentes promotions qui se sont succédé : si les années ont passé, si l’école que vous avez connue a déménagé – pour la troisième fois dans son histoire – il est cependant vital pour nous que vous demeuriez attachés à cette œuvre. Et j’ajoute qu’il faut vous mobiliser pour elle afin de lui assurer son développement ! Beaucoup attendent que nous relancions les réunions d’anciens et nous y réfléchissons sérieusement ; mais je crois que c’est d’abord à vous de rétablir le contact entre vous pour convenir d’une date à laquelle vous réunir en promotion à La Martinerie : la place ne manque pas pour vous accueillir le temps d’une journée, d’un week-end même ; les jeunes générations ont besoin de ce contact vivant avec ceux qui les ont précédés. D’ailleurs, dès le 21 janvier prochain, nous aurons la joie de recevoir une douzaine d’anciens de la promotion Charles de Foucauld (Bac 2003) pour un forum d’orientation.
M’appuyant sur l’expérience des grands lycées français, je souhaiterais que soit mise en place une Association des Anciens, qui puisse notamment organiser dans nos murs la réception des promotions fêtant leurs 25 ans… en attendant d’y associer celles qui auront atteint les 50 ans ! Cette association constituée d’anciens travaillerait étroitement avec la structure scolaire accomplissant généreusement ce que l’école seule ne peut assumer : contact, lettre aux anciens, etc. Plus encore, rempliraitelle la fonction d’ambassadeur pour porter nos couleurs autour d’eux et susciter la générosité des entreprises et particuliers dont nous avons grand besoin… Voilà ce à quoi j’aspire et je sais que je ne serai pas déçu !
Et pour initier la démarche que j’appelle de mes vœux, je fixe rendez-vous le week-end du 20 et 21 mai à tous les bacheliers – et leur famille – de la promotion Bastien-Thiry qui célébrera en juin 2017 les 25 ans de leurs lauriers impérissables obtenus à la session 1992 !
Venez nous rencontrer, venez découvrir notre nouveau site, et tout particulièrement notre école professionnelle : vous comprendrez mieux pourquoi nous en sommes si fiers, malgré les difficultés inhérentes et les imperfections inévitables. Votre présence sera déjà un encouragement, un soutien car ici comme partout ailleurs : « la moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ».
Ceux qui peuvent nous aider financièrement sont d’ores et déjà vivement remerciés ; le chapelet quotidien en communauté est récité aux intentions de nos bienfaiteurs. Que Dieu vous bénisse !
Abbé Benoît-Joseph de Villemagne
Sources : Lettre aux anciens de décembre 2016 /La Porte Latine du 30 décembre 2016