Une infirmière française témoigne de son apostolat à Rosa Mystica, la mission de l’ACIM en Asie
Lire nos reportages sur la Mission Rosa Mystica des Philippines.
« La vie que je mène ici commence à s’organiser un peu plus ! C’est la première semaine où mon programme est à peu prés défini : lundi et mardi à Sainte Elisabeth ; mercredi et vendredi à Mother and Child ; jeudi jour de « congé » ; samedi à définir ; et dimanche, catéchisme pour les enfants !
À la clinique Sainte Elisabeth, je travaille en pédiatrie ; il n’y a actuellement que sept patients, atteints de problèmes bronchiques ou gastriques. Pas beaucoup d’activité, donc. Mais je devrais pouvoir changer de service dès la semaine prochaine.
À Mother and Child, il y a toujours beaucoup de besogne avec quelques urgences (pour mes amies infirmières, une patiente est par exemple arrivée avec 23 de tension ; et Ma’am Gloria se souvient d’une patient qui « affichait » une tension à 30!!!). Je vois là beaucoup de gens et j’essaye de progresser dans les deux principaux dialectes : c’est assez sympathique. Une infirmière m’a même invitée (il semble que ce soit un honneur pour elle) à l’anniversaire de sa fille cet après-midi ?!?
Lorsque Judith me disait qu’il me faudrait bien deux mois pour me familiariser avec ce pays, je ne la croyais pas ! Je commence à me rendre compte, en prenant petit à petit mes repères, qu’elle n’avait pas tort ! Et ce n’est pas fini ; d’après ce que me raconte Yolly, mon apprentissage ici est loin d’être terminé. Je me demandais pourquoi je ressentais l’impression d’être un peu, comme « étrangère », tenue à part. Je comprends maintenant qu’on évite de montrer aux « étrangers » ce qui pourrait les choquer.
Je m’explique : Yolly m’a dit que ma présence à Sainte Elisabeth et à Mother and Child ne servait qu’à me faire progressivement découvrir le système de santé dont peuvent bénéficier les habitants les moins pauvres d’ici. Quelle sera donc la suite de cet « apprentissage » ?
Car il y a déjà certaines choses surprenantes. Par exemple, avant-hier, j’entends : « il y a un arrêt cardiaque en service de médecine ». Le « chariot d’urgence » est pourtant détenu par le service pédiatrie, mais personne ne se bouge autour de moi ? L’explication est simple : avant de faire quoique ce soit, il faut d’abord déterminer si le patient (ou l’un de ses proches) pourra payer la réanimation ! Un autre jour, nous transférons une patiente car il est avéré qu’elle ne pourra plus payer sa chambre ; et, à l’inverse, nous voyons aussi couramment des patients qui sont obligés de rester à l’hôpital, en attendant de pouvoir payer les soins qu’ils y ont déjà reçus. Incroyable !
Yolly m’a annoncé que, d’ici à 3 ou 4 semaines, je pourrai arrêter de travailler là où je suis actuellement, pour aller dans des endroits vraiment pauvres, comme l’hôpital public. Car, si j’ai bien compris, les enfants que nous avons catéchisés dimanche dernier ne comptent pas parmi les plus pauvres.
Yolly commence en même temps à me raconter quelques histoires vécues. Celle-ci, par exemple, que j’essaye de vous livrer comme elle m’a été donnée.
Elle a travaillé un moment dans une école ; les professeurs avaient choisi d’offrir le lunch pour motiver quelques enfants à venir régulièrement. Un jour, elle se rend compte que l’un d’entre eux ne vient plus. Elle trouve cela bizarre et décide d’aller le voir chez lui. Ses parents habitaient dans la montagne. Ok ! La voilà partie avec sa bouteille d’eau ! Pour elle, cette expédition a été comme une virée en enfer ! Le soleil, la végétation brûlée, seule, déshydratée. Elle arrive à la petite cabane. Une grand-mère lui offre de l’eau de « la rivière » dans une noix de coco noire de saleté ! Difficile de refuser ! Et après elle a cru se retrouver dans un film d’horreur : la « maison » toute sombre, pas de plancher, le gamin dans un coin avec une fièvre de cheval, l’aîné ressemblant à un squelette, la grand-mère ne comprenant pas un mot de visaya ou de tagalog. Épouvantable.
Elle leur promet de revenir avec des médicaments et de la nourriture. Mais une fois de retour à l’école, elle se fait gronder : « vous êtes folle, c’est un lieu de guerre entre militaires et rebelles musulmans, je vous interdis de retourner là-bas ». Et voilà, des années après, quand elle me raconte cette histoire, elle en pleure encore, car elle n’a jamais pu honorer la promesse faite ce jour-là.
Il faut savoir qu’ici, les combats entre militaires et rebelles musulmans ont lieu régulièrement dans les montagnes. Il est donc fortement déconseillé d’aller s’y balader, surtout si vous êtes infirmières. Ces compétences-là valent bien un kidnapping ! Après tout, s’il est pénible et même parfois insupportable, le bruit à GenSan est probablement préférable !!!
Autre instants de vie : Yolly et une vingtaine d’infirmières doivent visiter une école dans la montagne pour donner des conseils …, mais elles n’ont malheureusement pas choisi le bon jour ! Voilà ces 21 infirmières de blanc vêtues, au beau milieu d’un « accrochage entre rebelles musulmans et militaires ! Yolly me racontait cela parce qu’avant cette aventure, elle voulait servir comme ambulancière sur les champs de bataille ; mais après, elle était beaucoup moins… motivée pour ce métier ! Saisies de peur, elles veulent partir, mais les militaires leur ordonnent de rester pour soigner leurs blessés. Finalement, elles ont tout de même pu partir en leur disant qu’elles reviendraient quand ça serait plus calme et qu’il y aurait effectivement des blesses à soigner !Grâce aux conversations avec Yolly, je prends conscience d’une chose : ici, la pauvreté est partout bien établie. Il y a beaucoup de missions médicales, mais mise à part Rosa Mystica, aucune n’est rattachée à la Tradition Catholique. De plus, les moyens matériels et financiers dont dispose Rosa Mystica sont bien insuffisants pour prétendre aider tous ces gens comme les bénévoles de la mission aimeraient le faire. Et « Crésus » n’est pas encore venu s’inscrire comme bénévole ! L’aide matérielle restreinte que la mission apporte sert donc surtout à tâcher d’atteindre au principal : émouvoir quelques cœurs et quelques âmes pour les amener à reconnaître Notre Seigneur Jésus Christ comme le modèle de ceux qui souffrent. Pour leur proposer d’accepter et d’offrir leurs propres souffrances afin de Le rejoindre dans le ciel. Rien de bien nouveau : mais c’est finalement très prenant, très exigeant aussi ; et à y bien regarder, enthousiasmant !
Car cette action auprès des malades, n’est pas isolée de ce qui est dû aux gens dits bien portants ! Les étrangers sont en effet regardés comme des princes, ici. Et d’une certaine manière, les moyens matériels dont ils (touristes, hommes d’affaire, missionnaires de tout bord …) disposent confortent les « natives » dans cette admiration indue.
Mais si vous vous baladez en jupe, que vous portez une croix, que vous priez le chapelet quotidiennement, les prières avant et après les repas… les gens vous posent rapidement des tas de questions sur cette religion qui vous pousse à faire tant de choses bizarres ; et cela donne lieu à des conversations très intéressantes. Un peu dur cependant pour moi, car désormais, il faut que j’arrive à expliquer – in English – le pourquoi de ces bonnes habitudes de la Sainte Eglise catholique.
Et voilà : je suis revenue au domicile de Cherry. Ses trois enfants sont très contents, et elle-même se met en quatre pour me faire plaisir. Là aussi j’attends avec un peu d’anxiété ses questions. Bien qu’elle s’affirme catholique, elle est en effet très engagée dans l’activité d’une loge « Free Mason ». Malgré les affirmations de Yolly qui lui répète qu’il est impossible (sans mentir ou sans dommages) de servir à la fois l’une et l’autre. Ce que Cherry semble ne pas comprendre ! Quelques discussions « philosophiques » en perspective.
Là encore, votre aide ne serait pas superflue : comme beaucoup d’autres, j’ai une (petite) connaissance des principes anti-catholiques qui sous-tendent le phénomène franc-maçon. Mais de là à trouver ce qu’il convient de dire à une personne droite, pour lui faire sentir que les apparences d’altruisme et d’élévation intellectuelle qu’elle admire dans la franc-maçonnerie camouflent une réalité bien différente, il y a un grand pas. Des idées ?…
Nous attendons désormais avec impatience Béatrice, une Française qui rejoint le 12 mai la mission pour un mois ; elle a une bonne expérience comme secrétaire, et le travail ne va pas lui manquer.
Juste avant son arrivée, les 9, 10 et 11 mai, le pèlerinage de Bohol aura eu lieu : Bohol se trouve sur l’île de Luzon (à vos cartes !). On peut comparer ce pèlerinage à celui de Chartres : 70 bons kilomètres de prières et de chants en trois jours sous un soleil brûlant. C’est aussi l’occasion pour les Philippins de se retrouver et d’organiser au cours d’une veillée un concours entre toutes les régions. Certaines commencent à préparer leur spectacle dès le mois de décembre !
Bon : et bien je crois que je vais arrêter mon « petit roman » pour aujourd’hui ; je vais préparer les questions que je veux poser à Yolly à propos de la mission sous la forme d’une interview !
Clotilde BUR
N.B – Si vous voulez aider la mission de l’Acim, chèque au nom de AcimAsia à envoyer à :
Dr Jean-Pierre Dickès
2, route d’Equihen
62360 St-Etienne-du-Mont