Décembre 2010 – La Mission Saint-​Pie X du Gabon en mission…


Les abbés Nicolas Pinaud et Louis-​Marie Buchet avec le Roi des Pygmées

Quelques semaines avant Noël, le Père Louis-​Marie Buchet me fait part d’un pro­jet de voyage qu’il est en train de mettre sur pied pour la fin de l’année à l’occasion de la visite de son frère aîné.

Long voyage de décou­verte de l’intérieur du Gabon, mais éga­le­ment voyage mis­sion­naire, il envi­sage de s’arrêter dans les vil­lages tra­ver­sés et sur­tout à Ndambi, terme du périple. Même si le voyage du Cameroun n’a pas été de tout repos, l’aventure me tente et je m’invite. Il me semble impor­tant de connaître au plus vite la géo­gra­phie du pays.

Un pas­sage de la piste un peu délicat !

Le Père Louis-​Marie résout toutes les dif­fi­cul­tés et contre­temps de l’organisation d’un tel voyage et le départ est fixé au 26 décembre à 2 H 00 du matin. Je ne dis rien, mais après la nuit de Noël déjà assez rac­cour­cie, je trouve le départ un peu mati­nal. Mais qu’a‑t-on sans effort ?

Messe célé­brée, le 26 à 1 H 45, nous sommes prêts, la voi­ture arrive… un mau­vais pres­sen­ti­ment me sai­sit, pas un pneu ne se res­semble, le chauf­feur pré­vu déclare for­fait et j’apprends que le véhi­cule n’est pas assu­ré ! L’expédition m’apparaît immé­dia­te­ment dérai­son­nable, le Père Louis-​Marie n’est pas dif­fi­cile à convaincre mal­gré son désir bien com­pré­hen­sible de par­tir. La Providence lui avait ména­gé quelques heures plus tôt une autre pos­si­bi­li­té de voi­ture avec chauf­feur. Mais à 2 H 00 du matin, ce n’est pas vrai­ment l’heure de contac­ter qui­conque ! Il fau­dra attendre impa­tiem­ment la lumière du petit matin… Je retourne me coucher !

A 5 H 00 du matin, les télé­phones por­tables entrent en action… une action effi­cace, très efficace !
– Rendez-​vous pris sur le champ pour 6h00 au PK 8 ;
– 6 H 30 ren­contre avec le res­pon­sable de la voiture ;
– contrat éta­bli en 10 mn, payé cash sur le champ, pour un départ à 13 H 00 au plus tôt ;
– retour à la Mission ;
– 9 H 00 appel du res­pon­sable : pos­si­bi­li­té de départ immé­diat vers 10 H 30 avec voi­ture en par­fait état, chauf­feur expé­ri­men­té et sympathique ;
– char­ge­ment, mais une mal­heu­reuse attente de deux heures pour le rem­pla­ce­ment d’une ampoule de phare repousse d’autant le départ. C’est l’Afrique, dirait Jean Michonnet !

Ceux qui étaient infor­més de notre départ noc­turne, sont évi­dem­ment sur­pris de nous voir encore là en début de mati­née. C’est un recul pour mieux sau­ter ! Mais à 12 H 00, je suis tou­jours à la Mission, croi­sant quelques sou­rires de confrères amu­sés qui me disent sans me par­ler : « Le nou­veau supé­rieur de la Mission va peut-​être enfin com­prendre ce qu’est le Gabon !… » Un peu ébran­lé, il est vrai, je me rends à l’office de com­mu­nau­té avec grande fer­veur… Seigneur ne faites pas que l’aventure s’arrête-là !

Devant l’entrée de la Réserve natio­nale. A droite le Mont Brazza.

Ô miracle, la fin de l’office coïn­cide avec l’arrivée du véhi­cule, char­gé, prêt à par­tir, ils sont tous là, ils viennent me cher­cher ; l’embarquement est immé­diat et j’apprends que le voyage a fait l’objet d’un ordre de mis­sion signé par un Ministre.

L’heure tar­dive laisse pré­voir une arri­vée à Ndambi vers 3 H 00 du matin. Est-​ce bien rai­son­nable ? ce serait la troi­sième nuit qua­si­ment blanche pour le Père Louis-​Marie qui me paraît coriace, mais tout le monde a ses limites… je lui sug­gère de s’arrêter à la Lopé pour la nuit.

Aussitôt pro­po­sé aus­si­tôt accep­té, le Père sort son por­table, un quart plus tard il me dit que tout est arran­gé, le Directeur du parc natio­nal nous ouvre sa mai­son de pas­sage et nous orga­nise un safa­ri pour le len­de­main matin. Ça ne sau­rait se refuser !

Première étape sans sur­prise sinon la ren­contre de Monsieur et Madame Eléphant en balade ves­pé­rale sur le bord de la piste quelque kilo­mètres avant la Lopé.

Le 27 matin, réveil tran­quille après une nuit tout de même agi­tée ; il est dif­fi­cile de se remettre aus­si rapi­de­ment de tant d’émotions.

- 7 H 30, un guide nous rejoint et nous accom­pagne pen­dant 2 H 30 dans la magni­fique savane de la Réserve de Lopé-​Okanda, 4 700 Km2. Malheureusement les ani­maux ne sont pas au rendez-​vous à part une famille d’éléphants, un trou­peau de buffles et une anti­lope égarée !

- 11h30 arrêt tech­nique au garage de la Lopé où un jeune gar­çon de 13 ans nous répare la roue de secours… la com­pé­tence n’attend pas tou­jours le nombre des années ! Pendant ce temps dis­tri­bu­tion et impo­si­tion de Médailles mira­cu­leuses aux habi­tants du vil­lage qui se sont ras­sem­blés curieux de voir des Pères en blanc. Je m’accorde avec un père de famille pour célé­brer la Messe là, à notre retour.

Distribution de la médaille mira­cu­leuse dans un village

Après une heure de piste, nous nous arrê­tons dans un vil­lage de Pygmées. Nous saluons le Chef (NDLR : voir la pho­to en tête d’ar­ticle). Il nous dit que ses ancêtres étaient catho­liques, que les plus vieux le sont encore – en allant vers sa demeure, nous avions en effet ren­con­tré une vieille maman avec un cha­pe­let autour du cou – mais il nous avoue qu’il a réap­pris les pra­tiques païennes des pyg­mées parce qu’il y a plus de trente ans qu’un prêtre catho­lique les a visi­tés pour la der­nière fois. Maintenant ils adorent l’esprit de la forêt. Ils connaissent encore le signe de la croix mais ils ont oublié le Pater et l’Ave.

Après expli­ca­tion, nous lui pro­po­sons de lui impo­ser la Médaille mira­cu­leuse. Le chef dis­cute avec ses fils puis nous répond affir­ma­ti­ve­ment mais à une condi­tion : il accepte volon­tiers la Médaille mais seule­ment si cette médaille est catho­lique ! Pas de sou­cis chef ! 

Tout le monde reçoit la Médaille mira­cu­leuse avec joie ; le Chef exige cepen­dant une impo­si­tion per­son­nelle avant les membres de sa famille !

D’où vient ce dra­peau suisse ?!

Le voyage se pour­suit sans inci­dent, nous nous arrê­tons sur le bord de la piste à proxi­mi­té d’un petit groupe de mai­sons. Quelques minutes plus tard, un homme vient nous saluer avec sa femme et ses enfants. C’est un ancien sémi­na­riste qui mal­heu­reu­se­ment vient d’adhérer à l’Alliance Chrétienne : « Nous ne voyons plus les prêtres », me dit-​il gêné, en guise d’excuse.

17 H 30 arri­vée triom­phale à Ndambi. Tout le vil­lage nous atten­dait, inquiet, depuis 24 h 00 car il n’y pas de réseau là-bas.

Tout le monde sort des mai­sons et se ras­semble chez le chef que nous saluons. Nous sommes conduits au Corps de garde qui a été ral­lon­gé de plu­sieurs mètres pour l’occasion et trans­for­mé en cha­pelle déco­rée avec la végé­ta­tion locale…

Le Père Louis-​Marie célèbre la Messe pen­dant laquelle je confesse avec inter­prète, car les plus anciens parlent Kota bien que d’origine Saké. La Foi simple et inno­cente per­met à la fille d’être l’interprète de sa mère et de ses tantes !

Cette année, le prêtre ne les a visi­tés qu’une seule fois, début août. Un prêtre de 36 ans res­pon­sable de 33 vil­lages que nous avons vou­lu visi­ter à Lastourville sur notre retour.

Pendant la Messe, je recon­nais l’air de tous nos chants tra­di­tion­nels de Noël qu’ils chantent en langue avec beau­coup d’enthousiasme.

Ma Messe célé­brée immé­dia­te­ment après celle du Père Louis-​Marie, sert d’action de grâce à toute l’assistance qui reste sur place et chante sans dis­con­ti­nuer, ren­dant ma concen­tra­tion très difficile !

Retour de chasse !

21 H 00, repas avec les chefs et orga­ni­sa­tion de la mati­née de chasse du lendemain.

28 décembre, levé à 4 H 30. Après un bon mor­ceau de manioc, départ avec Gustave qui nous ini­tie à la chasse en brousse. Malheureusement, les ani­maux ne mani­festent leur pré­sence que par leurs traces (élé­phants, gorilles, san­gliers, antilopes).

Nous sommes cer­tai­ne­ment pas­sés à côtés de nom­breux de ser­pents très veni­meux… mais sans les voir !

Tout de même, sur le retour, un singe à l’honneur du pre­mier coup de feu du Père Louis-​Marie, beau­coup d’émotion pour le tireur, un peu d’affolement pour le singe, mais rien de grave pour l’un et l’autre… cha­cun rentre chez soi ! Le sui­vant n’aura pas autant de chance comme en témoigne la photo !

L’eau que nous retrou­ve­rons sur la table !

Au retour, le chef affecte un horaire pour la toi­lette des Pères à la rivière avec inter­dic­tion au vil­lage de s’y rendre. C’est éga­le­ment dans cette rivière que les vil­la­geois puise l’eau à boire, une eau qui n’est que très rela­ti­ve­ment potable me confie l’infirmier qui constate, impuis­sant, quelques cas d’amibiase. Dieu nous protège !

Un forage a été réa­li­sé dans le vil­lage, mais après plu­sieurs années, la pompe n’a tou­jours pas été ins­tal­lée. C’est l’Afrique !

A 16 H 30, le Père Louis-​Marie part à Baposso, un vil­lage voi­sin, qui a deman­dé notre visite. Il y célèbre la Messe dans la modeste cha­pelle comble, une cha­pelle qui néces­si­te­rait rénovation.

A notre départ, le chef nous remet­tra solen­nel­le­ment une lettre de demande d’aide pour refaire la cha­pelle. Il sou­hai­te­rait que nous lui four­nis­sions 30 tôles (30 tôles = 225 €) ; pour le reste, le vil­lage s’en charge.

Le Chef se confesse

A 17 H 30, je me pré­pare à célé­brer la Messe à Ndambi, mais aupa­ra­vant, le Chef Jules me demande l’autorisation de gui­der la prière du soir. C’est ain­si que j’apprends que chaque matin et chaque soir, le Chef réunit le vil­lage pour réci­ter la prière à laquelle le soir, est ajou­té le cha­pe­let. Soudain, pour moi tout s’éclaire, je com­prends com­ment se sont entre­te­nues la Foi et la pié­té que nous consta­tons ici sen­si­ble­ment sur les visages.

De plus chaque dimanche, le vil­lage se réunit sous l’autorité du chef pour lire la Messe et prier. Le chef m’avoue être un peu per­du avec le nou­veau mis­sel décou­pé en année A, B, C. « Dans ma jeu­nesse c’était plus simple lorsque je ser­vais la Messe aux mis­sion­naires blancs ! ». Nous y revien­drons, Chef !

Le soir au repas échange assez long avec les chefs pour mieux com­prendre ce qui leur a per­mis de conser­ver la Foi. Ecoutez-les :

Chapelle de Baposso

« Nous avons été visi­tés pen­dant des années par le Père Souda, un mis­sion­naire blanc mort tra­gi­que­ment (Le chef n’exclut pas que le Père Souda ait été tué.) en 1981. Il ne nous lais­sait jamais plus de trois mois sans visite. Il res­tait plu­sieurs jours par­mi nous au village.

Les der­nières années, il nous répé­tait sou­vent : ‘le temps va venir où il y aura beau­coup de dieux. Il fau­dra les refu­ser et conser­ver la Foi de vos ancêtres, celle que je vous ai apprise. Ne chan­gez rien’.

C’est ce que nous avons fait et nous ne vou­lons pas chan­ger. Nous avons refu­sé les Eglises Eveillées, les Eglises pro­tes­tantes. Aidez-​nous main­te­nant à gar­der la Foi de nos anciens. Nous n’en vou­lons pas d’autres. Passez régu­liè­re­ment comme les mis­sion­naires d’autrefois. Ne nous aban­don­nez pas ».

Nous vous deman­dons de pas­ser régu­liè­re­ment pour bap­ti­ser nos enfants, pour célé­brer la Messe, nous don­ner la com­mu­nion, nous marier, faire le caté­chisme à nos enfants. Nous avons des dif­fi­cul­tés avec les ado­les­cents qui vont à l’école à la ville ; quand ils reviennent au vil­lage, ils ne veulent plus réci­ter le chapelet.

On vou­drait bien se marier…
mais nous n’avons pas de prêtres pour nous y préparer…

Aidez-​nous à recons­truire notre cha­pelle. Nous sommes prêts à don­ner tout le bois néces­saire mais nous n’avons pas les moyens d’acheter les tôles (80 tôles = 600 €) ».

Quel est le prêtre, digne de son sacer­doce, qui pour­rait res­ter insen­sible à ces paroles ?

La dis­cus­sion s’est pro­lon­gée tard dans la nuit éclai­rée par les lampes tem­pêtes car évi­dem­ment, il n’y a pas d’électricité au vil­lage et le petit groupe élec­tro­gène est en panne depuis plu­sieurs mois.

Le der­nier jour, la Messe est pro­gram­mée à 9 H 00, elle est sui­vie par l’imposition des Médailles mira­cu­leuses. Je les encou­rage à per­sé­vé­rer fidè­le­ment dans la prière quo­ti­dienne sous la conduite du chef et je leur pro­mets de pas­ser de temps en temps sur­tout pen­dant les périodes de vacances sco­laires pour pou­voir ren­con­trer le maxi­mum d’enfants.

Le Père Louis-​Marie donne 80 cha­pe­lets au Chef qui fait la dis­tri­bu­tion dans la cha­pelle sans oublier les absents. Il en donne 4 à l’infirmier du vil­lage pour qu’il les place à la tête de cha­cun des quatre lits du dispensaire !

Le Chef dis­tri­bue les chapelets

Mais une ques­tion se pose tout de même et je la leur pose. « Comment le prêtre qui vous visite si peu sou­vent va-​t-​il réagir lorsqu’il va apprendre notre pas­sage ? ». La ques­tion semble sur­prendre leur foi simple. « Comment un prêtre pourrait-​il être fâché de savoir que d’autres prêtres viennent nous encou­ra­ger à gar­der la Foi ? » C’est vrai… ça paraî­trait si nor­mal… et pour­tant ! « En tout cas, conti­nue le chef, s’il le pre­nait mal, je serais obli­gé de lui dire de ne plus reve­nir ! »

Dernier repas. La tris­tesse est sen­sible. Les Pères vont par­tir. Quand reviendront-ils ?

Je vois alors s’entasser bâtons de manioc, bananes, ana­nas. Le chef me dit, en me don­nant un coq qu’il a été cueillir dans son pou­lailler : « nous sommes pauvres, mais cha­cun veut don­ner quelque chose pour les Pères » !

Un fait qui nous a bien mar­qué, c’est l’honnêteté peu ordi­naire de ces vil­la­geois. Nous avons lais­sé deux nuits consé­cu­tives toutes nos affaires litur­giques dans le corps de garde sans aucune pro­tec­tion. Pas une médaille, pas un cha­pe­let n’a dis­pa­ru. Avant de par­tir en Brousse, l’un de nous avait ouvert un paquet de gâteaux qu’il avait lais­sé ouvert sur un banc au milieu du vil­lage, pas un gâteau n’a été sub­ti­li­sé par l’un des nom­breux enfants qui étaient là. Le chef nous avait pré­ve­nus à notre arri­vée : « Ici on ne vole pas ».

Photo de famille à Ndambi

Au moment de par­tir, appre­nant que la route était ouverte, j’envisage de ren­trer par Koulamoutou Mimongo Mouila, Fougamou, Lambaréné. Bonne occa­sion pour moi de com­plé­ter ma décou­verte inté­rieure du pays. Notre chauf­feur n’est pas un aven­tu­rier – de plus il doit conduire Monsieur le Ministre le len­de­main matin… il refuse. Ce n’est que par­tie remise et quand l’occasion s’en pré­sen­te­ra, il fau­dra pous­ser jusqu’à Ndendé, Tchibanga et Mayumba !

Le retour c’est fait sans escale : 400 Km de piste plus 350 km de route ancien­ne­ment gou­dron­née ! Arrivés sales comme des poux, nous sommes mou­lus et heureux.

Sans escale, pas tout à fait ! Quelques minutes d’arrêt tout de même pour saluer nos Pygmées qui nous montrent fiè­re­ment leur médaille.

Bonne Mère du Ciel, pro­té­gez vos enfants !

Abbé Nicolas Pinaud, supé­rieur de la mis­sion de la FSSPX au Gabon

Comment aider l’apostolat de la FSSPX en Afrique

Pour nous aider à les aider, vous pou­vez adres­ser vos dons par chèque au Père Nicolas Pinaud, Supérieur de la Mission

Mission Saint-​Pie X
Quartier La Peyrie – BP 3870
Libreville (Gabon)

Médailles mira­cu­leuses, médailles de Saint Benoît et cha­pe­lets sont les bien­ve­nus mais éga­le­ment des médi­ca­ments tel que le para­cé­ta­mol – Doliprane, Efferalgan…

Une mère m’a embras­sé parce que je lui don­nais, pour son enfant en pleine crise de palu­disme, les 6 com­pri­més de doli­prane qui me restaient…

10 tôles pour une cha­pelle = 75 € ou 110 $ US
100 tôles pour une cha­pelle = 750 € ou 1100 $ US

Frais de dépla­ce­ment en voi­ture 4 x 4 pour un tel voyage mis­sion­naire = 1000 € ou 1450 $ US
Frais de dépla­ce­ment en train = 350 € ou 500 $ US
Installation d’une pompe manuelle pour pui­ser l’eau potable dans un vil­lage = 2500 € ou 3600 $ US