Entretien recueilli par M. l’abbé Benoît Martin de Clausonne, collaborateur à la résidence du District d’Afrique
TCA : Mon Père, pourriez-vous nous dire pourquoi Mgr Lefebvre a voulu installer la première mission de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X au Gabon ? Pourquoi pas au Sénégal ? Pourquoi pas à Madagascar ? Pourtant Monseigneur connaissait bien ces pays, et bien d’autres encore en Afrique, qui étaient sous sa juridiction lorsqu’il était délégué apostolique du Pape Pie XII.
Père Groche : Avant de prendre sa décision d’implanter la Fraternité au Gabon, Monseigneur Lefebvre a fait un grand voyage en Afrique, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Gabon. C’était en janvier 1985, je m’en souviens bien, car il m’avait alors demandé de l’accompagner avec Monsieur Marcel Pédroni et son épouse. Nous avons rencontré plusieurs personnalités comme, au Sénégal le Cardinal THIANDOUM par exemple. Et il est apparu que parmi tous les pays que nous avons visités, c’est le Gabon qui a été le plus accueillant ! Il faut dire aussi qu’au Gabon « les Lefebvre » étaient bien connus. Le Père Marcel y avait passé 13 années. Le frère aîné de Monseigneur, le Père René, Spiritain lui aussi, y avait passé près de quarante années de sa vie missionnaire. Bâtisseur, grand sportif et entraîneur de football on avait même donné son nom au premier stade de la capitale : « le stade du Révérend Père Lefebvre ». A Libreville, il y avait Monseigneur François N’DONG, premier Évêque Gabonais, ancien élève du Père Marcel… et qui reçut l’épiscopat de ses mains ! Mgr N’Dong avait écrit à Monseigneur Lefebvre pour l’inviter et lui demander d’envoyer des prêtres, il n’y avait presque plus de prêtres au Gabon. Les spiritains vieillissants rentraient en France. Grâce à l’influence de Mgr N’Dong, Monseigneur Lefebvre a bénéficié d’une audience auprès du Président Omar BONGO ODIMBA à Libreville qui ne vit pas de problème à une future implantation au Gabon. Et en signe de reconnaissance envers Mgr Lefebvre pour avoir été le professeur des trois premiers évêques Gabonais, à l’époque où il était le Supérieur du grand Séminaire de Libreville, le Président Bongo Odimba lui a offert d’aller visiter ces anciens élèves évêques. Un jet fut affrété gracieusement afin que Mgr Lefebvre puisse se rendre chez Mgr Félicien MAKOUAKA évêque de Franceville, dans le sud du pays, et une voiture, une grosse Toyota 4x4 s’il vous plaît, fut tout simplement offerte en signe de bienvenue, ce qui permit à Mgr d’aller à N’Djole et Lambaréné où le Père Marcel donna plusieurs années de sa vie sacerdotale ! Quelle joie pour Monseigneur de revoir ces lieux où il donna les premières années de sa vie sacerdotale. A notre départ Monseigneur a laissé la voiture 4x4 à Mgr N’Dong, c’était commencer les relations sur d’excellentes fondations…
Tout cela montrait des signes providentiels que c’était bien au Gabon qu’il fallait s’installer. Mais ce n’est pas tout, cela c’était disons l’aspect social et officiel quand au pays, mais en même temps, il y a aussi l’aspect spirituel, sans doute le plus important à nos yeux. Voilà ce qui s’est passé : des anciens qui avaient connu le Père Marcel ont voulu organiser une Messe à Donguila, au lieu même d’une ancienne Mission-Internat très réputée où le Père Marcel fut aussi supérieur. L’organisateur M. Valentin OBAME, avec M. Michel N’DONG, anciens élèves de « Donguila » avaient prévenu les confrères du célèbre internat. Alors tous ces anciens qui avaient connu le Père Marcel étaient réunis là, à Donguilla, cela représentait tout de même une bonne centaine de personnes ! Ils ont organisé cette Messe, c’était le 17 janvier au lendemain de la Saint Marcel. Et chose extraordinaire : Monseigneur a pu chanter la messe alors qu’un quart d’heure avant, Michel N’Dong était venu me demander quelle messe on allait chanter ! Je demande à Monseigneur, il me dit « on pourrait chanter la Messe de l’Épiphanie », en effet on était pas si loin de la fête, à dix jours près. Alors ils ont pris leurs vieux livres, une répétition de cinq minutes et, ils ont chanté la Messe de l’Épiphanie, en latin et en grégorien, comme on ne l’aurait jamais chanté en Europe ! Les fidèles la connaissaient par cœur ! Alors vous voyez, il y avait aussi ce côté spirituel, cet attachement à la messe ancienne qu’il désiraient vivement et qui nous montrait bien, une fois de plus, que c’était un signe de la Providence, comme quoi, on devait s’installer au Gabon.
Quant aux autres pays, au Sénégal Mgr Lefebvre ne voulait pas gêner le Cardinal THIANDOUM qui pourrait nous aider par ailleurs, enfin c’était plutôt une position diplomatique. Au Cameroun à Yaoundé, on pensait rencontrer un ancien Père spiritain, mais hélas on n’a pas pu le voir, il était rentré en France pour un congé de maladie. En Côte d’Ivoire Monseigneur aurait aimé rencontrer Monsieur Houphouët Boigny, le Président a l’époque. Nous sommes allés jusqu’a Yamoussoukro pour cela, mais il y avait une Conférence Ministérielle si bien que Monseigneur n’a pas pu le rencontrer.
C’était quand même de bons moments, suivre Monseigneur sur les chemins qu’il avait parcourus pendant plus de onze années quand il était Délégué Apostolique pour toute l’Afrique francophone. A Yamoussoukro on a rencontré là, un neveu de Mgr, qui était cameraman dans une Grande École, mais sur le sujet qui nous préoccupait on voyait bien que la Providence nous attendait ailleurs.
TCA : après ce voyage et ces premiers signes de la Providence, comment c’est passé la fondation à Libreville ?
Père Groche : Après ce magnifique voyage, Mgr Lefebvre pensa qu’on pourrait s’installer à Libreville une année plus tard. Alors je suis revenu au Gabon au mois d’août de cette même année pour voir d’une façon plus pratique les modalités de notre installation. Avec M. Valentin Obame on a commencé à regarder ce que les agences immobilières proposaient, quel genre de maison on pourrait louer, dans quel quartier ? Et puis déjà je commençais à m’organiser pour préparer notre fondation car il fallait tout apporter d’Europe ou presque. Nous avions fixé d’arriver au Gabon pour le 16 janvier 1986, une année exactement après le voyage de Monseigneur, ce qui permettait aussi de mettre cette fondation sous le patronage de Saint Marcel, je pense qu’il n’y a pas besoin d’expliquer les raisons ! Alors voilà, je suis arrivé le 14 janvier 1986, c’est le Professeur Sélégny et son épouse, parents de notre cher abbé SELEGNY aujourd’hui Professeur à Ecône, qui ma accueillirent a l’aéroport de Libreville et hébergé dans leur maison. Une fois sur place mon premier travail était donc de trouver une case, c e n “était pas chose facile, les prix étaient proportionnellement très élevés, c’était avant la grande dévaluation, alors évidemment tout coûtait le double de maintenant ! On a donc commencé par louer !
Après avoir fait le tour de Libreville sans rien trouver de satisfaisant, l’hôtesse de l’Agence qui me conduisait me parla d’une autre maison, mais avec des réticences car le propriétaire était paraît-il très dur en affaire et que ça dépasserait trop notre budget. Alors curieux comme je suis, j’ai quand même demandé à voir cette maison ! Et au fur et à mesure que je pénétrais dans cette maison à un étage, je voyais ce qu’on pouvait y faire… cependant j’avais été prévenu, le propriétaire était très dur en affaires, alors j’ai dit à la dame : « on peut toujours lui demander, il peut peut-être baisser un peu, moi monter un peu et puis on va peut-être finir par s’entendre ! » La dame n’était pas du tout convaincue, mais elle se fit quand même mon intermédiaire. Alors les tractations commencèrent… Il se trouvait que ce propriétaire, Monsieur Lubin N’TOUTOUME, était le « Grand Maire » des Maires de tous les arrondissements de Libreville, et nous avons su plus tard, qu’il était aussi parent avec Mgr N’Dong ! Grâce à St Joseph, il a accepté de baisser le prix, j’ai accepté de monter… et on a pu s’installer au bout de trois semaines et c’est là où nous sommes implantés depuis 25 ans ! M. N’Toutoume était un personnage très intéressant, haut en couleur. Il nous a même défendus devant l’Archevêque de Libreville. Quand l’Archevêque, feu Mgr Anguillé, a su que nous étions son locataire, il a essayé de nous évincer, mais M. N’Toutoume lui a répondu avec son franc-parler : « vous êtes des ingrats car ce que vous êtes aujourd’hui, c’est grâce à Mgr Lefebvre que vous l’êtes ». Oui, Il nous a bien défendus !
TCA : Mon Père, c’est au moment des fondations qu’il faut poser les buts précis, pourriez-vous nous dire quel était le but de la mission au Gabon, et comment la mission s’est ensuite développée ?
Père Groche : Puisque la première finalité de la Fraternité c’est les séminaires. Monseigneur recevait des courriers de plusieurs jeunes intéressés par la Fraternité. Notre premier objectif une fois arrivés au Gabon a été de voir comment on pouvait développer cette œuvre du séminaire en Afrique. On a voulu commencer par là, mais par notre simple présence, évidemment de plus en plus de Librevillois sont venus nous voir et, ils étaient toujours plus nombreux à assister à nos Messes le dimanche et aussi en semaine… Et puis les séminaristes qui semblaient intéressés ne venaient pas tous nécessairement du Gabon, ils s’annonçaient du Togo et des pays avoisinants, par prudence, il fallait, les visiter pour mieux les connaître avant de les faire venir, cela prenait du temps pour étudier ces vocations, et presque tous n’étaient pas « ad hoc » ! Notre premier but ne devenait pas secondaire, mais il fallait bien d’abord s’occuper de toutes ces âmes qui venaient à nous dans le même temps, c’était une priorité de nécessité. Car c’est là, à la mission que les vraies vocations se révéleront.
Voilà comment ça s’est passé : un homme est arrivé, il s’appelait Jean-François. C’est l’abbé Karl qui le reçoit « C’est ici les pères de Mgr Lefebvre ? », « oui bonjour Monsieur », « Mon Père je me donne à vous », c’était franc comme l’or ! « A oui ! Monsieur, qui êtes-vous ? » – « Ah ben, je suis un ancien de la mission, j’aime la messe en latin ». Ce fan d’Oyem avait entendu parler de Monseigneur Lefebvre, et puis… nous avons fait connaissance. En rentrant chez lui, il s’est arrêté chez M. Daniel BIBANG, il lui a dit « il y a des Pères de Mgr Lefebvre qui sont là, avec la messe comme autrefois, comme on a connu… » Alors est arrivé M. Daniel dans l’après-midi, c’était le deuxième fidèle ! Qui depuis a donné le premier prêtre gabonais à la Fraternité.
Ensuite sont venus d’autres hommes, mais alors il n’y avait que des hommes et des hommes de bien, s’il vous plaît. Un jour je pose la question : « Mais ici il n’y a que des hommes ? Il n’y a pas de femmes ? » – « Si si si, mon Père attendez un peu elles vont venir ». Alors j’ai compris qu’au Gabon, les choses sérieuses se traitaient d’abord entre hommes et ensuite on envoie les femmes avec les enfants. Aujourd’hui il y a beaucoup plus de femmes que d’hommes, on est débordé ! Tant mieux.
Alors petit à petit on a commencé la Messe dans cette maison que j’avais louée à M. N’Toutoume. Ce qui lui servait de bureau devenait notre oratoire, ensuite les fidèles venant de plus en plus nombreux, on a du passer au salon qui était prolongé par une terrasse toute vitrée, si pratique, que les fidèles, même dehors pouvaient suivre la messe à travers les vitres. Après il a fallu ouvrir le rideau qui séparait la salle à manger de la chapelle pour que les fidèles puissent également assister à la Messe installés dans le réfectoire… Nous étions très à l’étroit quand l’idée est venue, c’était pour la semaine sainte juste avant la pâque 1987, de tendre des bâches au dessus de la cour. On a emprunté ces bâches à l’armée Française et on les a étendues pour prolonger le garage où on avait dressé l’Autel. Plus tard on a fait un toit métallique… et c’est devenu notre première chapelle qui s’est agrandie par la suite quand nous sommes devenus propriétaires des lieux !
Le Père Karl Sthelin, diacre allemand, est arrivé trois semaines après moi, début février, avec une grande quantité de bagages lui aussi. Mais pour en mettre plus dans ses valises il s’était enfilé trois pantalons pour voyager. Je ne vous dis pas combien il a souffert de la chaleur à son arrivée à l’aéroport de Libreville : +30° et 98 pour cent d’humidité… il a failli tomber dans les pommes chez les Sélégny qui nous recevait à dîner le soir de son arrivée quasi triomphale. Le Père Loïc Duverger ordonné le 29 juin par Mgr Lefebvre est arrivé pour le 15 août de cette fameuse année 1986. Ainsi la Mission Saint Pie X a commencé tout de suite avec deux prêtres et un diacre et c’était très fort ! Si tous les prieurés pouvaient commencer de la sorte, comme ce serait heureux, les implantations seraient plus fortes ! C’était une vraie bénédiction d’avoir tout de suite deux prêtres et un diacre, surtout un diacre musicien qui savait chanter le grégorien et qui, avec beaucoup de qualités, pouvait aider les prêtres pour le catéchisme, la prédication, porter les communions, baptiser. Il était très apprécié, et encore maintenant, les fidèles de Libreville n’oublient pas le Père Karl.
TCA : Mon Père, de nombreux prêtres ont donné de leur sacerdoce à la Mission de Libreville, pourquoi êtes-vous restés concentrés sur la mission de Libreville ? N’aurait-il pas été possible d’en envoyer ailleurs et d’étendre ainsi le travail missionnaire de la Fraternité ?
Père Groche : On est restés sur la mission parce que d’abord il y avait une grande affluence de fidèles, et en même temps un grand nombre d’enfants au catéchisme. Il est évident que si l’on veut bien former les fidèles et les enfants au catéchisme, pour les bien préparer à recevoir les sacrements, le baptême, la communion, la confirmation, il faut leur donner des cours régulièrement, au moins deux fois par semaine. Si on veut s’occuper des malades, il faut leur apporter la communion le plus souvent possible. Si bien qu’on ne peut pas aller partout, faire des sauts de puce et négliger l’apostolat qu’il faut faire en profondeur si l’on veut que la grâce du bon Dieu travaille réellement à la sanctification des âmes. De plus les voyages coûtent cher en Afrique et, le climat étant assez éprouvant on ne peut pas se disperser et se ruiner la santé en quelque temps. Je me souviens d’une retraite où l’abbé Schmidberger avait dit « ce n’est pas de martyrs dont on a besoin, c’est de confesseurs, parce que cela dure plus longtemps » ! Nous avions bien compris son propos, il n’était pas contre le martyre, mais il voulait qu’on se ménage pour aller loin. Eh bien je crois que c’était l’expérience qui parlait, il fallait qu’on reste à Libreville souvent et longtemps pour faire un travail en profondeur. Monseigneur m’avait dit « Il nous faut faire une belle et solide mission afin qu’elle puisse être un modèle pour les autres pays »
Mais n’oubliez pas tout de même que depuis le Gabon on a visité occasionnellement le Nigeria et le Cameroun, le Togo, le Bénin, le Ghana, la Côte d’Ivoire et même le Sénégal ! Personnellement je suis allé dans tous les pays de l’Afrique de l’Ouest.
Au Gabon même, la mission de Four-Place, dans un village à 150 km de Libreville. Dans ce village il n’y avait jamais eu d’église catholique, les prêtres n’y étaient pas allés depuis plus de 30 ans, l’archevêque de Libreville n’y avait jamais mis les pieds… alors les catholiques, se trouvant désemparés, abandonnés, un jour ils sont venus nous voir pour nous dire « venez vous occuper de nous », ce que nous avons fait. Et c’est le Père Damien Carlile qui s’est occupé de cet apostolat de brousse, en commençant sous les tôles d’une bien triste case au bord de la route où quand un grumier passait il fallait s’arrêter de prêcher. Alors dans cette baraque où nous disions la Messe, les fidèles venaient toujours plus nombreux, mais aussi, un jour, le curé du village voisin est venu et même l’archevêque est venu… pour nous discréditer et parler contre nous ! Les fidèles, émus, ont cru l’archevêque, le curé leur a promis monts et merveilles, qu’il allait s’occuper d’eux tous les dimanches, et tout et tout. Alors les fidèles nous ont dit « voilà, le curé va venir, ne venez plus, quoi ». Cela a dû durer 4 ou 5 dimanches… et puis à nouveau ils furent abandonnés par leur curé. Au bout de six mois de patience, mécontents et scandalisés, une nouvelle ambassade des fidèles est revenue nous voir en disant « Mon Père pardon, il faut revenir, l’archevêque nous a parlé contre vous, on s’est fait avoir, avec le curé ils nous ont menti. » Alors à mon tour j’ai envoyé une ambassade, des personnalités de notre mission pour voir si c’était sérieux, et en effet le chef du village les a bien accueillis. Ils sont revenus en disant « Mon Père c’est sérieux ! et ils vous donnent un terrain vous pouvez y aller ». J’y suis donc retourné, et en effet, tout le village était là pour m’accueillir, ils ont donné un terrain sur lequel il y avait une ruine et sur laquelle on a construit la chapelle existante. La chapelle St Patrick car ce jour-là, c’était un 17 mars ! Et maintenant on est installé là depuis plus de douze ans. Ce village de plus de 700 âmes s’étend sur un rayon d’au moins trente kilomètres, il est donc très éparpillé, les villageois sont des planteurs de bananes et comme il y a très peu de terre ils sont obligés de se déplacer toujours plus loin pour assurer les plantations. Si bien, que le prêtre chargé de cette chapelle va maintenant toutes les trois semaines, y reste 4 jours à la maison St Jacques de Four Place que nous avons construite depuis et de là, il va célébrer la sainte messe et donner du catéchisme à une trentaine de kilomètres, en pleine brousse, à La Rembwé.
Enfin je pourrais parler aussi des vocations que le Gabon a déjà données pour la Tradition catholique : quatre prêtres dans la Fraternité, trois frères, quatre religieuses également : 2 soeurs dans la Fraternité, une chez les soeurs de « Sisi-Nono » en Italie et une au Rafflay, cela représente tout de même onze vocations ! Et ce n’est pas fini, des jeunes se préparent.. !
TCA : Mon Père, après 23 ans passés au Gabon comme missionnaire, vous venez de faire un bref séjour à Libreville, quel est le message que vous donnez aux Gabonais aujourd’hui ?
Père Groche : D’abord, rendre grâces au Bon Dieu, parce que les Gabonais ont été bénis depuis les 25 ans que nous y sommes. Huit prêtres habituellement à leur service, quatre à la mission, quatre à l’école, trois frères, cinq religieuses ! Et cette école, le Juvénat du Sacré Cœur pour le primaire et le secondaire, hélas seulement jusqu’en troisième, qui a été dirigée d’une main de maître, c’est le cas de le dire, pendant 18 ans par le Père Patrick Duverger, et qui y a laissé vraiment toute sa sueur, et heureusement bien seconder par ses collaborateurs. C’est une lourde épreuve que de conduire une école ! Surtout sous un climat équatorial comme au Gabon !
Alors au bout de 25 ans je crois que les Gabonais peuvent rendre grâces pour ce que le Bon Dieu a fait pour eux. Ce que le Bon Dieu n’a pas encore fait pour le Cameroun, ce qu’il n’a pas fait pour la Côte d’Ivoire, ce qu’il n’a pas fait pour le Sénégal, cela s’est fait à Libreville ! Et c’est un peu la répétition de ce qui s’est fait autrefois lorsque les premiers missionnaires spiritains sont arrivés dans ces terres. Le Père Libermann a envoyé les premiers missionnaires et le Père Bessieux est arrivé à Libreville, et c’est après, depuis Libreville que les missionnaires partaient au Cameroun au Congo et dans les autres pays. Ils ont même fait escale à Libreville pour se rendre au Kenya à l’est de l’Afrique. Car le Kenya a été évangélisé par les spiritains français bien que ce soit alors une colonie anglaise. Libreville était , disons, la plaque tournante pour l’Afrique centrale et de l’ouest ! Cela pourrait bien être la répétition pour les futures œuvres catholiques traditionnelles, comme cela va être bientôt le cas au Nigéria et au Cameroun, si le Bon Dieu le veut ? Oui c’est sûr , ces 25 ans doivent être une vraie et une profonde action de grâces pour les Gabonais, comme pour nous prêtres, frères et soeurs de la Fraternité Saint Pie X .
Car c’est une œuvre je crois providentielle comme on l’a dit au début et qui fait que des âmes généreuses se sont données à fond à la cause de la Messe, à la cause du catéchisme, à la cause des sacrements, à la cause du grégorien, à la cause de l’Église Catholique qu’ils avaient connue autrefois et qu’ils voulaient voir continuer comme avant, comme elle a toujours fait, pour que règnent au Gabon, et partout en Afrique, Notre Seigneur Jésus-Christ et sa Très Sainte Mère.
Certains me diront « mais il n’y a pas d’écoles pour les filles ? Vous n’avez rien fait pour elles ? » C’est vrai, j’ai pourtant demandé aux dominicaines de St Pré et de Fanjeaux… mais ce n’est pas encore l’heure du Bon Dieu. Il faut prier pour cette cause que je pense très importante, si nous voulons avoir de bonnes et saintes mères catholiques. C’est à elles que revient en premier lieu l’éducation catholique de leurs enfants.
TCA : Merci Mon Père, pour le mot de la fin, pourriez-vous nous dire la première anecdote qui vous revient à l’idée quand vous pensez au Gabon ?
Père Groche : Je me souviens, d’une vieille dame qui habitait au PK 52 qui se sentait mourir et voulait recevoir les derniers sacrements, voir le prêtre avant de mourir… Alors je vais là-bas, je vois cette vieille dame qui était allongée dans sa cuisine, à l’extérieur de la maison, je la croyais mourante ! Je la confesse, je lui donne l’extrême-onction et j’avais apporté aussi le viatique. Et voilà que tout d’un coup, elle se met assis sur son grabat, et elle me dit « attendez mon Père, je reviens ». Elle part dans sa maison, et elle revient trois minutes après avec une belle robe blanche, comme pour une première communion ! Et en fait c’était sa dernière communion car huit jours après je venais faire son enterrement ! Voilà un témoignage de la foi des gens, de ce qu’ils avaient connu et de ce qu’ils voulaient posséder toujours.
Un autre fait pour finir : je demandais à Mgr François NDONG, pourquoi il avait tenu à ce que se soit Mgr Lefebvre qui lui conféra l’épiscopat ? Mgr NDONG m’a répondu que « pour lui, Monseigneur Lefebvre avait toujours été un modèle de prêtre ! »
Qu’il en soit ainsi pour nous tous, avec la grâce de Dieu Notre Seigneur !
Interview extrait de Tradition catholique en Afrique n° 10 de juin 2012