La correspondance d’un ancien élève des jésuites met en lumière le bienfait des écoles vraiment catholiques.
Retrouvant sa correspondance envoyée et reçue du temps où il était élève chez les Jésuites en classes de Rhétorique (Première) et de Philosophie (Terminale), après avoir suivi sa scolarité en école publique, Paul Ker, devenu depuis docteur en droit et homme politique, se décide à publier l’ensemble, en 1903, alors que la persécution anticléricale bat son plein et expulse une fois encore les congrégations enseignantes qui survivaient.
Le père de Paul, qui avait abandonné la pratique religieuse et qui professait les clichés les plus éculés sur les Jésuites, avait fini par envoyer son fils en pension chez eux pour le punir de sa paresse et de son laisser-aller. Subissant la sanction paternelle avec résignation, l’adolescent écrit alors à son meilleur ami, Louis, resté dans leur lycée d’origine, et lui peint dans le détail le monde nouveau qu’il découvre.
Très vite, les préventions tombent. Les mythes anticléricaux s’effondrent et Paul mesure l’abîme qui le séparait d’une vie chrétienne authentique dans la vie paganisante qui était la sienne.
Tout le livre condense, durant les deux années d’études et de correspondance, les bienfaits de la pédagogie des Jésuites vantée par l’adolescent qui est conquis par l’ambiance, l’amitié saine, la vie surnaturelle et le savoir-faire des Pères et des Frères éducateurs. L’organisation minutieuse de la vie quotidienne, l’aide individualisée, l’émulation et le travail avant-gardiste de la mémoire, le suivi spirituel par des directeurs de conscience, tout concourt à l’éducation de la vertu et l’exigence d’une culture classique.
Les lettres sont de haute tenue, on les croirait écrites par un adulte. Les dialogues y abondent, le style est vif et étonnamment unifié. Les lettres s’enchaînent sans longueur et font parler tour à tour Paul, Louis, le camarade de lycée, Jeanne, la sœur de Paul, et parfois ses parents, dans un ensemble vivant et une harmonieuse progression. Quand bien même cette correspondance aurait été retouchée, ce qui, nous assure l’auteur, n’est pas le cas, elle donne un témoignage fidèle des bienfaits d’une école catholique et de toutes les facettes du bien qui s’y réalisait avant 1880, date de l’expulsion des Jésuites hors de France.
Ces écoles de Jésuites, telles qu’on les voit décrites dans l’ouvrage, n’existent plus. D’abord, parce que les Jésuites ne dirigent plus d’écoles de garçons. L’aumônerie d’écoles mixtes alignées sur l’Etat n’a plus de rapport avec la situation passée. Ensuite, parce que leur savoir-faire éducatif et le haut niveau de leurs compétences ont tout simplement disparu. Mais le bien qu’une école tenue par des prêtres peut offrir à la jeunesse se trouve encore dans les quelques écoles secondaires que la FSSPX dirige. Toutes proportions gardées et sans atteindre les sommets de cette pédagogie oubliée, l’œuvre de Dieu se poursuit et supplée aux déficiences humaines, aux impréparations pédagogiques, accomplissant de petits miracles de culture et de grâce. La jeunesse d’aujourd’hui, bénéficiaire de ces écoles qui sont portées par la bonne volonté et le dévouement inlassable de ses enseignants, tout autant que par la générosité des fidèles, pourrait se retrouver dans l’expression de gratitude qu’exprime le recueil de lettres. Les parents désireux de comprendre de l’intérieur le « miracle » d’une école vraiment catholique, les prêtres éducateurs, soucieux d’emprunter quelques idées aux maîtres anciens experts en éducation, et les grands élèves de nos écoles qui pourront s’identifier à leurs anciens condisciples apprécieront ce témoignage d’un temps scolaire sans doute révolu mais où l’éducation de l’âme des enfants était la première préoccupation de ceux à qui ils étaient confiés.
Paul Ker, En pénitence chez les Jésuites – Correspondance d’un lycéen. Éditeur : Victor Relaux 1903. Réimpression : Hachette Livre — BNF /Autre réimpression de 1910 sous le même titre mais sous le nom de Pierre-Paul Brucker. 368 pages 21 €
Dimanche 19 mars, quête pour l’œuvre scolaire de la FSSPX.