Abbé John Jenkins
Photo de famille : Mgr Tissier de Mallerais entouré des prêtres de la FSSPX et de la
Société Saint-Josaphat à l’occasion de l’ordination de deux diacres pour l’Ukraine.
La Porte Latine : M. l’abbé, pourriez-vous vous présenter et nous présenter la fonction que vous occupez dans la Fraternité ?
Abbé jenkinsTrès volontiers. J’ai reçu mon sacerdoce des mains de Mgr. Fellay le 26 juin 1999 à Winona, où j’avais fait toutes mes études de séminaire. Ma première nomination fut à Genève, où j’avais exercé un apostolat dans les cantons de Genève et de Vaud pendant cinq ans. En 2004 Mgr. Fellay m’a nommé assistant à M. l’abbé Stehlin pour les Pays de l’Est, et je suis actuellement le prieur de Varsovie.
Pouvez-vous nous décrire votre apostolat en Pologne et dans les pays de l’Est ?
Par ma fonction de prieur, je suis surtout responsable de notre maison à Varsovie : une bonne communauté de cinq prêtres, deux frères et deux sœurs oblates. Nous avons aussi parmi nous trois jeunes hommes qui s’intéressent à la vocation, ainsi qu’un séminariste Polonais qui s’est joint à nous. En tout, cela fait une belle ensemble de toutes ces nationalités : 5 polonais, 3 allemands, deux Russes, une Ukrainienne, un Lettonne et enfin un Américain qui essaie de se faire comprendre.…
Personnellement, en addition des tâches ordinaires de prieur, je me rende souvent dans les différents lieu de cultes. Je prêche les récollections de l’Avent et de Carême à Wroclaw et Cracovie, et, en plus de célébrer la Messe régulièrement dans tous nos chapelles en Pologne, je fait le voyage en Estonie tous les deux mois environs pour les fidèles à Tallinn, et, dans le proche avenir, aussi à Tartu.
Combien de prieurés comprend votre Maison autonome ? Quand deviendrez-vous un District à part entière ?
Photo : Consécration de l’église de Varsovie
L’apostolat de la Fraternité dans les Pays de l’Est est aussi vaste que les pays où nous l’exerçons, dont les centres de rayonnement sont les prieurés de Varsovie et de Kaunas en Lituanie.
Ces deux prieurés sont les noyaux spirituels d’une activité immense.
Pour la seule Pologne nous avons onze chapelles à desservir chaque dimanche et les prêtres du prieuré se rendent également en Estonie deux fois par mois.
Nos trois confrères en Lituanie desservent non seulement les chapelles de Kaunas et de Tallinn, mais aussi celles de Minsk et de Moscou.
De plus, deux de nos confrères, avec M. l’abbé Laroche, donnent des cours au Séminaire Cœur Immaculé de Marie à Lviv pour les séminaristes de la Fraternité de Saint Josaphat.
Nous sommes actuellement en train de finir une belle construction à Gdansk, dans le Nord de la Pologne, qui peut servir comme prieuré dans l’avenir proche.
Le prieuré à Kaunas va bientôt déménager dans un bâtiment plus grand quand la rénovation sera complète. M. l’abbé Bösiger a fait une belle implantation à Minsk qui ne manque que de prêtres pour en faire aussi un prieuré.
Nous voudrions également construire ou acheter une maison dans la Sud de la Pologne pour l’apostolat dans ces chapelles qui nous a déjà fourni plusieurs vocations, mais qui manquent la présence régulière d’un prêtre. Nous avons aussi rêvé d’une maison à Tallinn.… En bref, il ne nous manque ni de zèle ni de fidèles qui en profitent, mais seulement de prêtres et d’argent. Peut-être quand ces manquements seront moins pesants, nous serons élevés au statut d’un District.
Construction du futur prieuré de Gdansk, dans le nord de la Pologne.
Pouvez-vous nous dire un mot de vos confrères et de leurs responsabilités ?
Parmi les autres prêtres ici à Varsovie, c’est M. l’abbé Stehlin, qui est certainement connu à vos lecteurs. Il est mon supérieur immédiat avec qui j’ai le privilège de collaborer. Comme fondateur de la mission au Pays de l’Est, il est le premier moteur de tout l’apostolat.
Photo : les prêtres du prieuré de Varsovie en compagnie des confrères d’Ukraine entourant Mgr Tissier de Mallerais.
L’abbé Anselm Ettelt, Bavarois, son collaborateur de longue date, s’occupe des chapelles au Nord de la Pologne. Très doué pour les langues, il se rende également à Minsk et en Russie une fois par mois.
Notre confrère de Lettonie, l’abbé Raivo Kokis, est responsable de chapelles à Chorzów (Katowice) et de Wroclaw. Il aussi garde ses contacts avec notre prêtre ami à Riga, le Père Valerijs, et aide aussi l’abbé Laroche pour les cours à Lviv. L’abbé Edward Wesolek, qui a célébré ses 30 années de sacerdoce, s’occupe de notre maison à Bajerze (bientôt notre maison pour les Retraites), ainsi que desservir les chapelles à Torun et à Sopot.
Nous avons aussi parmi nous un autre prêtre Polonais, l’abbé Zygmunt, qui a quitté son diocèse à la suite de l’introduction de communion dans la main par l’épiscopat Polonais. Il s’occupe des chapelles à Lublin et à Lódz, et spécialement de notre bonne humeur par sa jovialité naturelle. Il a reçu son ordination en 1969, et il nous est précieux par son longue expérience.
En outre, il faut faire mention des autres confrères Polonais qui nous sont favorables, avec qui nous gardons les contacts toujours, mais qui hésitent encore à nous rejoindre officiellemnt. La libéralisation de l’Eglise, et les reformes post-conciliaires en général, s’est fait ici plus tard que dans le reste d’Europe, et l’adhésion de la Pologne à l’Union Européene accélère le pourrissement des fruits de ce Concile maudit.
Cela en fait réfléchir plusieurs, et actuellement il y a un groupe de prêtres près de Wroclaw qui découvrent la Tradition, et un de ces prêtres qui dit maintenant la Messe Traditionnelle exclusivement, et la dit aussi dans notre chapelle de cette ville malgré les fulminations de son évêque. Prions que son exemple soit un encouragement pour les autres prêtres qui s’intéressent à la Messe de toujours !
Ajoutons aussi que récemment un séminariste, expulsé du séminaire de Cracovie pour n’avoir pas abandonné la soutane, est au prieuré pour apprendre l’Allemand afin de suivre sa vocation chez nous.
Et dans l’avenir, la Fraternité a‑t-elle de nouveaux projets d’installation et de développement sur ce grand territoire dont vous avez la responsabilité ? Avez-vous des écoles ? Quels sont vos désirs dans ce domaine important de la formation de nos jeunes ?
Photo : notre école primaire de Varsovie
Autre que les constructions auxquelles j’avais fait mention ci-dessus, nos soucis se tournent surtout vers l’avenir, c’est-à-dire, vers les enfants de nos milieux.
Nous avons bâti une école primaire avec place pour 60 élèves, et nous venons de recevoir l’autorisation pour ouvrir l’école l’année scolaire prochaine. Sœur Maksymiliana, notre sœur oblate polonaise, s’est donnée énormément pour cette œuvre.
L’Immaculée nous a aussi gratifié d’un miracle tout à fait inattendu récemment : le don d’une école secondaire en totalité dans nos mains ! Cette école, actuellement d’une centaine d’élèves, est unique : elle a été une de premières écoles privée fondée après la chute du rideau de fer, en 1991, la date où une telle possibilité était devenu possible. Très rares sont ceux qui ont survécu aux vicissitudes du temps jusqu’à nos jours.
La directrice de l’école, consciente que la niveau de l’éducation, surtout du clergé, s’abaisse au fil des années, a fait appel à nous pour l’aider. Résolue à garder le caractère catholique de l’école en face de la crise actuelle, elle nous a donné l’école elle-même ainsi que toute la base juridique – l’école est accréditée par l’état et par une société internationale- ce qui est difficile à obtenir, voir impossible pour nous.
Parmi les élèves de l’école il y a le fils de l’ambassadeur de Pologne pour les affaires en Estonie.
La seule chose qui nous fait souci, c’est qu’une grande partie de l’école emprunte les bâtiments de la paroisse adjacente à cause de la construction des nouveaux bâtiments qui n’est pas encore terminée. Nous avons vraiment donc besoin de vos prières, et de votre générosité, afin de finir ces bâtiments avant que le curé de la paroisse apprenne que ses salles paroissiales sont utilisées par les “Lefebvristes” et nous mette dehors !
Aussi prochainement nous aurons peut-être besoin de professeurs qui tiendront bon dans le conflit qui se profile à l’horizon.
Concernant ce souci pour l’éducation, il faut faire mention de l’intervention de Monsieur l’abbé Stehlin dans l’Université Catholique de Varsovie en février dernier. Il a été invité à intervenir pendant un colloque qui avait comme thème le Concile Vatican II. Parmi les douze intervenants, pour la plupart les libéraux, il y avait aussi un Cardinal moderniste. La conférence d’abbé Stehlin, sur l’œcuménisme, a éclaté sur les participants comme une bombe atomique.
Les modernistes ont été furieux de n’avoir pas quoi répondre, et la foule a applaudi longuement son discours » électrique ». Les questions posées ont aussi donné l’occasion de faire connaître la Tradition, et les réponses ont été reçu avec intérêt et même avec enthousiasme. Pendant la discussion, le recteur de l’Université a été furieux de rage, et un des conférenciers a essayé une attaque virulente contre l’abbé Stehlin, à laquelle les auditeurs ont répondu avec une forte désapprobation.
Apparemment le lendemain tous les étudiants n’avait qu’un sujet de conversation : l’apparition d’un lefebvriste à l’Université ! Une révolution véritable dans cette université qui se dit catholique, et une preuve que les étudiants ne désirent qu’une chose de la clergé aujourd’hui : la voix de la Tradition.
Un des professeurs qui a assisté au colloque a aussi dit à ses étudiants que le seul discours qui a eu une logique cohérente, était l’intervention du lefebvriste… ce qui n’est pas surprenant, étant donné qu’il n’a répété que la doctrine de l’Eglise, une doctrine aussi unie et sainte que Dieu lui-même.
Mais notre combat n’est pas que doctrinal. Nous devons restaurer toute la civilisation chrétienne ! La civilisation commence avec la doctrine nécessairement, mais pour en faire une civilisation, cette doctrine doit pénétrer les cœurs. D’où l’importance des arts sacrés.
Nous avons lancé un chœur polyphonique à Varsovie, qui bientôt va se rivaliser avec celui de Minsk par leur travail sur la Messe de trois voix de William Byrd qui sera prête pour la fête de Pâques.
Et tout récemment un groupe de théâtre de Tarnów est venu à notre chapelle pour la récollection de Carême : le premier contact avec la Messe traditionnelle pour ces sept acteurs. Le résultat sur leurs âmes a été « dramatique », pour ainsi dire, et maintenant ils veulent utiliser leur talents pour donner des bonnes idées à cette jeunesse moderne qui a toujours plus de la difficulté à se cultiver dans ce monde inhumain.
Nous aurons les premiers fruits de leurs efforts en mois de Mai, ce qui est prometteur d’un brèche dans la forteresse des arts cinématique, usurpé par le démon pour trop longue temps.
Pouvez-vous nous dire un mot sur les communautés amies et les prêtres amis et plus spécialement sur la société Saint-Josaphat ?
Photo : ordination au diaconat de deux séminaristes de la Société Saint-Josaphat par Mgr Tissier de Mallerais
Nous avons eu le grand plaisir d’avoir nos amis d’Ukraine parmi nous pour plusieurs jours – cinq prêtres, sept séminaristes, cinq sœurs, et une vingtaine de fidèles ont fait le voyage par car à Varsovie.
L’occasion, c’était l’ordination de deux séminaristes au diaconat par Mgr. Tissier de Mallerais. Une joie pour nous mais surtout pour la Société de Saint Josaphat. En effet, ils auront besoin de ce “spiritus Domini ad robur” dans la lutte à venir.
L’excommunication prononcée contre le Père Vasyl a été déclaré nulle à cause d’une manque de forme, mais le procès a été relancé de nouveau.
Le Cardinal de Kiev a menacé le Père de tous genres de punitions si ces ordinations avaient lieu, et le nouvel évêque de Lviv a déclaré ouvertement que son projet pour l’année suivante est d’éradiquer les “lefebvristes” de son territoire.
Les fidèles en Ukraine sont confrontés à un combat de survie dans les prochains mois. Nous avons tous été très édifiés par leur piété, et moi-même j’en ai été étonné par la ressemblance d’esprit entre les séminaristes de Lviv avec ce que j’avais connu au séminaire, tout cela malgré la différence de langue, et même du rite.
La clergé de la Fraternité Saint Josaphat nous a gratifié aussi d’une liturgie divine solennelle dans notre église.
Quelles sont vos relations avec l’épiscopat local ?
Plutôt pénible. En effet, les évêques commencent à avoir peur. Notre œuvre en Pologne prend une importance trop grande pour être ignorée maintenant, surtout avec l’addition d’une école prochainement.
L’évêque de Tarnów, par exemple, veut se distinguer en faisant des déclarations contre nous dans les journaux. Certes une technique calculée pour faire peur, mais qui finalement excite la curiosité des gens.
Nos chapelles dans le Sud de la Pologne ont vu une augmentation considérable ces derniers mois, à tel point qu’il n’y a plus de place dans nos chapelles qui s’avèrent trop petites maintenant et ceci malgré le fait que plusieurs fidèles ont déjà reçu les admonitions de l’évêché.
En dix années de présence sur cette région, le chemin parcouru semble incroyable !
Tout cela, c’est grâce à l’Immaculée, et Elle a encore des surprises à nous faire, j’en suis sûr !
Et les vocations religieuses ?
Photo : Séminaristes pendant le pèlerinage à Czestochowa 2005
Chaque année nous accueillons trois ou quatre jeunes hommes qui s’intéressent à la vocation. Il y a maintenant 4 polonais dans nos séminaires, et il y a également deux frères novices chez les Dominicains d’Avrillé.
Nous avons aussi deux frères polonais, et un postulant pour les frères qui fera son entrée ce septembre, Deo volente.
En effet, dans ce pays catholique, les jeunes se posent la question naturellement sur la vocation, ce qui est un avantage. Néanmoins, l’apprentissage de la langue et la persévérance dans une vocation dans un pays lointain requiert encore une grâce supplémentaire.
Nous avons aussi été bénis d’une vocation chez les soeurs de Velletri (Les Disciples du cénacle) cette année passée.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le Tiers-Ordre de Saint-Pie X, sur les confréries et les associations qui enrichissent la Tradition ?
Le Tiers-Ordre, lancé ici il y a seulement quelques années, voit une augmentation normale. Il y a maintenant un vingtaine de membres qui sont professes. Ce qui me semble particulier : le plus vieux membre n’a que 45 ans.
Nous avons en Pologne aussi la Milice Immaculée, une œuvre fondée par St. Maximilian Kolbe, que l’abbé Stehlin, avec l’approbation de Mgr Fellay, a repris dans sa pureté originelle. L’abbé Stehlin a écrit plusieurs livres sur cette œuvre qui sont remarquables, et les fruits sont une preuve que cette œuvre est vraiment providentielle dans la situation actuelle de l’Eglise.
Les fidèles participent-ils en nombre croissant aux retraites de St-Ignace et aux divers cercles que vous animez ?
En principe nous avons les retraites de St. Ignace six fois par ans, pendant les semaines de vacances. Le moyen de participation et dans la quinzaine ou vingtaine, et pendant l’été ce chiffre peut monter à la trentaine. Les Exercices de Saint Ignace sont très appréciés par nos fidèles.
Nos faisons également les récollections pour l’Avent et pour le Carême dans toutes nos chapelles, ce qui signifie une demi-douzaine de conférences dans chaque chapelle avec les confessions. La participation, en proportion de fidèles, est très bonne.
Mais peut-être la dévotion la plus édifiante en Pologne, ce que vous n’avez que rarement en France, c’est la “Czuwania” ou vigile qui a lieu chaque premier samedi du mois. L’assistance est toujours grande : plusieurs familles, avec leurs enfants, viennent pour nous rejoindre dans cette vigile de prière à Marie, Reine de Pologne. La chapelle résonne toute la nuit, avec les prières, les chants, les litanies, les chapelets, le tout fait en relais jusqu’à la Messe dominicale. La force de piété de ce peuple est édifiante, et j’en ai observé plusieurs qui n’ont jamais quitté la chapelle de toute la nuit.
Ceci est est accompagnée d’une atmosphère familiale incomparable, et donne une petite image du ciel et une idée de comprendre comment une société catholique devrait fonctionner.
Les lecteurs internautes de La Porte latine nous lisent de partout : avez-vous une activité, un congrès, une kermesse ou un pèlerinage où ils pourraient venir vous soutenir ?
Photo : procession d’entrée dans la basilique de Czestochowa
Je suis sur que tous vos lecteurs ont entendu de notre pèlerinage à Czestochowa ! L’année passée nous étions environs 200 pour faire les 300 km à pied de Varsovie à Notre Dame de Czestochowa.
Ce pèlerinage est multinational ‑et une dizaine de pays ont été représentés l’année passée. Néanmoins nous avons remarqué le chiffre relativement faible de participants français.… si vous avez besoin de grâce pour garder votre lundi de Pentecôte, peut-être vous pouvez la gagner ici en terre Polonaise !
Avez-vous un projet qui vous tient particulièrement à cour ?
Devenir un saint prêtre. Je crois que tout le reste est finalement accessoire.
Avez-vous un message à faire passer à nos lecteurs ?
Continuons le combat ! Avec tout ce bruit autour de nous, surtout par l’attention que Rome fixe sur nous actuellement, nous devons fixer nos yeux sur l’essentiel de notre apostolat : le salut des âmes ! Même si demain le Pape voudrait faire tout pour la Tradition – ce qui est bien loin d’être le cas – nous avons un immense travail devant nous. Tant d’âmes qui se noient dans l’hérésie et l’ignorance !
La Russie, ainsi que tout le continent d’Asie, restent encore à convertir ! Toutes ces pays Catholiques d’autrefois, devenus apostats, doivent retrouver la foi de leur baptême.
Je suis convaincu que le seul moyen de garder la foi aujourd’hui, c’est de vouloir la transmettre aux autres.
Abbé John Jenkins †