La réforme de Benoît XVI – La liturgie entre innovation et tradition – 26/​11/​09


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in Famille Chrétienne du 26/​11/​09

La dyna­mique du motu pro­prio de Benoît XVI révé­lée par une étude per­cu­tante d’un de ses col­la­bo­ra­teurs et disciples. 

Le motu pro­prio Summorum pon­ti­fi­cum élar­gis­sant l’usage de la forme extra­or­di­naire du rite romain a déjà fait cou­ler beau­coup d’encre. Pourtant, deux ans après sa pro­mul­ga­tion, il n’est pas sûr qu’il soit bien com­pris, même de ceux qui l’approuvent ou s’en féli­citent. On le réduit sou­vent à une conces­sion ou à un geste de sym­pa­thie envers les « tra­dis ». Or sa por­tée est bien plus vaste : elle concerne toute l’Église et son développement.

C’est un ami et dis­ciple de Benoît XVI, dou­blé d’un expert en la matière, qui l’explique dans ce petit livre lumi­neux et d’une rare den­si­té. Outre qu’il enseigne la litur­gie et la théo­lo­gie sacra­men­taire à l’Institut de théo­lo­gie de Bari (Italie), Mgr Nicolas Bux est à la fois consul­teur pour la Congrégation pour la doc­trine de la foi, consul­teur de la Congrégation pour la cause des saints, et consul­teur au Bureau des célé­bra­tions litur­giques du sou­ve­rain pon­tife. C’est dire si son avis est auto­ri­sé. Son pro­pos se voit d’ailleurs étayé par trois pré­fa­ciers non moins com­pé­tents, que l’éditeur a eu la judi­cieuse idée de réunir dans une excep­tion­nelle poly­pho­nie : Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, pour l’édition fran­çaise ; le célèbre jour­na­liste et écri­vain Vittorio Messori, pour l’édition ita­lienne ; enfin, pour l’édition espa­gnole, le pré­fet de la Congrégation pour le culte divin et la dis­ci­pline des sacre­ments en per­sonne, le car­di­nal Antonio Canizarès.

Au cœur des actuelles dis­cus­sions doc­tri­nales entre la Congrégation pour la doc­trine de la foi et la Fraternité Saint-​Pie‑X, il y a l’héritage du concile Vatican II, et notam­ment la litur­gie. Pour Benoît XVI, on le sait, le Concile doit être lu et appli­qué selon une « her­mé­neu­tique de la conti­nui­té » et non « de la dis­con­ti­nui­té et de la rup­ture ». C’est bien ain­si, « entre inno­va­tion et tra­di­tion » (Mgr Aillet), qu’il faut conce­voir la réforme litur­gique qui n’est tou­jours pas ache­vée (car­di­nal Canizarès). Telle est la convic­tion du pape et telle est la volon­té qu’il déploie avec « la patience de l’amour », sou­ligne Mgr Bux : il s’agit de com­plé­ter et de cor­ri­ger ce qui doit l’être afin que la litur­gie eucha­ris­tique, « source et som­met de la vie chré­tienne », donne un nou­vel élan mis­sion­naire aux chré­tiens du XXIe siècle.

Donner la pre­mière place au carac­tère sacré et divin de la liturgie

Dans cette pers­pec­tive dyna­mique, plus ques­tion d’opposer les Missels de 1962 et de 1970, mais de sai­sir le déve­lop­pe­ment orga­nique et conti­nu qui unit les deux formes du même rite romain, pour retrou­ver un « ars cele­bran­di » don­nant la pre­mière place au carac­tère sacré et divin de la litur­gie, sans omettre la com­mu­nion fra­ter­nelle mise en valeur dans la forme ordi­naire du rite. Il faut pour cela plon­ger en eaux pro-​fondes, jusqu’aux sources théo­lo­giques de la litur­gie (cf. le Catéchisme, 1077–1112) que le Concile a vou­lu res­tau­rer (comme l’écrit Vittorio Messori, « le pro­blème n’est cer­tai­ne­ment pas le Concile, mais sa défor­ma­tion : on sor­ti­ra de la crise en retour­nant à la lettre et à l’esprit de ses docu­ments »).

Ce pro­gramme implique que soit pro­mue dans les sémi­naires « une connais­sance à la fois théo­rique et pra­tique des richesses litur­giques, non seule­ment du rite romain, mais aus­si, dans la mesure du pos­sible, des divers rites de l’Orient et de l’Occident, créant ain­si une géné­ra­tion de prêtres libres de tous les pré­ju­gés dia­lec­tiques » (car­di­nal Antonio Canizarès).

L’œcuménisme n’est pas en reste : alors que des angli­cans tra­di­tion­nels rejoignent l’Église catho­lique romaine en y appor­tant leur art de célé­brer, l’unité s’exprime aus­si par la com­plé­men­ta­ri­té des diverses formes rituelles entre l’Orient et l’Occident (on se sou­vient du satis­fe­cit expri­mé par le patriar­cat de Moscou lors de la pro­mul­ga­tion du motu proprio).

On le per­çoit mieux grâce à l’étude de Mgr Bux : c’est un large hori­zon qu’ouvre le motu pro­prio de Benoît XVI. N’oublions pas cepen­dant que cette ouver­ture dépend aus­si très concrè­te­ment de l’effort de tous, pas­teurs et fidèles atta­chés à l’une et à l’autre forme du rite, pour s’apprivoiser dans une volon­té de com­pré­hen­sion et d’accueil mutuels, dans une com­mu­nion fra­ter­nelle ins­pi­rée par une authen­tique charité.

Philippe Oswald in Famille Chrétienne du 26 novembre 2009 

[1] La réforme de Benoît XVI – La litur­gie entre inno­va­tion et tra­di­tion , de Nicola Bux, Tempora , 188 pages