Cardinal Barbarin : « Benoît XVI veut réconcilier » in Le Figaro

Entretien au « Figaro » du 9 Juillet 2007

Le motu pro­prio Summorum Pontificum Cura qui réha­bi­lite l’an­cien rite de 1962 a été publié same­di. Pour le car­di­nal Barbarin, Benoît XVI ne s’é­loigne pas des choix de Jean-​Paul II. CE DÉCRET atten­du depuis plu­sieurs mois, a tenu à assu­rer le Pape, ne va pas « ame­nui­ser l’au­to­ri­té du concile Vatican II » ni pro­vo­quer « des frac­tures ». Président de la confé­rence des évêques de France, Mgr Ricard a cepen­dant pré­vu « quelques gru­meaux dans la pâte ». Pour le car­di­nal Philippe Barbarin, arche­vêque de Lyon, « tout se pas­se­ra bien si les tra­di­tio­na­listes ne bran­dissent pas leurs drapeaux ».

LE FIGARO. - L’Église catho­lique est en perte de vitesse. Espère-​t-​elle ren­for­cer la foi et relan­cer la pra­tique en pro­mou­vant l’an­cien rite ?

Cardinal BARBARIN. – Ce ne sont pas les sta­tis­tiques qui ins­pirent les déci­sions du Pape ! Il pense que si nous ne fai­sons pas main­te­nant un geste, la divi­sion avec les tra­di­tio­na­listes devien­dra un schisme irré­mé­diable. Benoît XVI, qui veut vivre un pon­ti­fi­cat de récon­ci­lia­tion, invite donc aujourd’­hui les curés à accueillir « volon­tiers » les demandes de célé­brer la messe selon le rite de 1962, et demande à tous de se péné­trer de la dimen­sion divine et sacrée de l’Eucharistie.

Benoît XVI demande aux prêtres qui célèbrent l’an­cien rite de ne pas exclure le nou­veau. Or, cela est contraire aux pra­tiques de l’Institut du Bon Pasteur ou de la Fraternité Saint-​Pierre. Qu’en sera-t-il ?

Les prêtres dont vous par­lez, ou même ceux de la mou­vance d’Ecône seront cer­tai­ne­ment tou­chés par cette forte exi­gence de Benoît XVI. Mgr Fellay lui-​même, res­pon­sable de la Fraternité Saint-​Pie X, a dit qu’il était impos­sible d’être catho­lique en conti­nuant d’être sépa­ré de Rome. Ce sera donc un vrai pro­grès pour l’u­ni­té s’ils acceptent de recon­naître « la valeur et la sain­te­té » du mis­sel de Paul VI et s’ils cessent d”« exclure par prin­cipe la célé­bra­tion selon les nou­veaux livres ».

Les évêques fran­çais avaient mani­fes­té leurs réti­cences avant la publi­ca­tion du texte, crai­gnant une remise en cause du Concile…

Sur ce point, il n’y a ni ques­tion ni doute pos­sible. Benoît XVI écrit : « La crainte d’a­me­nui­ser l’au­to­ri­té du concile Vatican II et de voir mettre en doute une de ses déci­sions essen­tielles n’est pas fon­dée. » Mon espoir est que ce geste clair du Saint-​Père amè­ne­ra ceux qui seraient encore réti­cents, à reprendre les textes du Concile, à les accep­ter inté­rieu­re­ment dans la foi et à s’y confor­mer dans leur vie sacerdotale.

Cette libé­ra­li­sa­tion du rite qui appelle à la conver­sion des juifs va être sui­vie d’une « Note de la congré­ga­tion pour la Doctrine de la foi » affir­mant que « l’Église du Christ » se trouve dans l’Église catho­lique. Benoît XVI ne rompt-​il pas la ligne de dia­logue chère à son prédécesseur ?

Tout le monde sait l’at­ta­che­ment sans ambi­guï­té de Benoît XVI à nos « frères aînés ». Et n’ou­blions pas que le mot de conver­sion (en hébreu, teshou­va) appar­tient aus­si à la prière des juifs. Que cha­cun d’entre nous se tourne vrai­ment vers Dieu, dans l’at­tente et l’es­pé­rance du Messie. Quant à l’en­ga­ge­ment de l’Église catho­lique pour l’œ­cu­mé­nisme, il est irré­ver­sible. Benoît XVI ne risque pas de s’é­loi­gner des choix faits par Jean-​Paul II dans ce domaine. Nous rece­vons la prière du Seigneur – « Que tous soient un » – comme un ordre. Dire avec clar­té la posi­tion de l’Église catho­lique sur le mys­tère de l’Église ne peut qu’ai­der l’œcuménisme.

Le Figaro