Le rôle de la famille dans la vocation
A u cours d’un sermon d’ordination, Mgr LEFEBVRE saluait les familles des séminaristes en ces termes :
« Je pense qu’il serait ingrat de ne pas évoquer le rôle de la famille chrétienne dans la vocation sacerdotale ou religieuse. Nous devons en effet, certainement, beaucoup de notre vocation à nos chers parents. Ce sont eux qui, par leur exemple, par leurs conseils, par leurs prières, par leur dévotion, ont jeté dans nos âmes ce germe de la vocation. Nous devons souhaiter qu’il y ait beaucoup de familles chrétiennes qui favorisent l’éclosion de bonnes, de saintes vocations (1) »
.
Vu la place de la famille dans l’éclosion des vocations, j’exprime à mon tour ma gratitude la plus profonde aux parents qui ont favorisé chez leurs enfants l’éveil de la vocation. Que le bon Dieu les bénisse et les récompense en accordant la paix à leur foyer et le salut éternel à leur âme !
Paroles d’évêques
Si les prêtres doivent en grande partie leur vocation à leur famille, à l’inverse les déficiences graves touchant l’éducation empêchent leur éclosion ou les étouffent avant même qu’elles n’arrivent à maturité. Voilà pourquoi, bien avant le concile Vatican II, devant la baisse toujours plus critique du nombre de vocations, des évêques de France tiraient le signal d’alarme. Réfléchissant aux causes de cette chute vertigineuse, ils attribuaient une grande part de responsabilité aux parents.
Aujourd’hui , pour remonter la pente et travailler vaillamment à la reconstruction de la cité catholique et au relèvement de l’Église, je voudrais attirer spécialement l’attention des jeunes parents sur les moyens à prendre pour que le bon Dieu leur accorde l’immense grâce d’une ou de plusieurs vocations dans leur foyer. Pour cela, je me contenterai de reprendre quelques propos des Lettres pastorales de Mgr MARMOTTIN, archevêque de Reims (1954), de Mgr Julien LE COUEDIC, évêque de Troyes (1955), et de Mgr Henri BERNARD, évêque de Perpignan (1946).
L’oubli des séquelles du péché originel
Monseigneur MARMOTTIN dénonçait le manque de lucidité des parents quant aux faiblesses natives de leur progéniture, et l’absence d’esprit de foi et d’esprit de sacrifice dans la façon d’éduquer leurs enfants :
« Dans combien de foyers, les enfants reçoivent la formation attentive, sérieuse et vraiment chrétienne d’autrefois, faite de vertu, au sens vrai du mot qui signifie courage, sacrifice, et de piété profonde, inspirée au cœur et mêlée à la vie de l’enfant qui grandit ? On dirait qu’on ne croit plus de nos jours au péché originel, et que la nature humaine, naguère proclamée bonne, a le droit de s’épanouir en ses instincts égoïstes, n’a pas à être redressée en ses tendances mauvaises, réfrénée en ses tendances vicieuses. Comment dès lors un enfant qui a pu fuir tout ce qui le contrariait, qui n’a pas été soumis à une discipline constante, formé au travail, à l’obéissance, à la pureté, pourrait-il se laisser attirer, vers sa douzième année, par une vie de renoncement, de discipline et d’effort ? Et s’il avait cédé d’abord à une illusion ou à une influence extérieure, comment pourrait-il, à l’âge difficile, persévérer dans une mortification qui lui serait insupportable ? C’est ainsi que, sans y penser sans doute, par la pauvre éducation qu’ils donnent à leurs fils, les parents sont les premiers responsables de la pénurie des vocations dont nous gémissons (2) ».
L’archevêque parle de la douzième année pour l’âge où l’enfant perçoit l’appel de Dieu. Les statistiques des entrées au séminaire de Flavigny des dix dernières années le confirment. Un séminariste sur deux entrés au séminaire de Flavigny a senti le premier appel de Dieu avant l’âge de douze ans. C’est dire l’importance des premières années pour communiquer à l’enfant l’esprit chrétien, et par conséquent le sens du don de soi !
Les pièges du monde ambiant
Si la baisse des vocations est due en grande partie au laxisme de beaucoup de parents dans la façon d’éduquer leurs enfants, il faut également l’attribuer au monde corrompu et corrupteur. Mgr MARMOTTIN en était pleinement conscient :
« Vous savez comme est malsaine pour vos enfants, à plus forte raison pour ceux que Dieu aurait marqués et qui devraient être, plus que les autres encore, garantis contre le péché, l’atmosphère empestée que nous respirons. De notre monde sans religion sont bannies la réserve, la contrainte et jusqu’à la pudeur ; dans nos rues, où qu’on aille, s’étalent des livres, des revues aux titres audacieux et suggestifs, des affiches immodestes et provocantes ; le théâtre, le cinéma, la radio attirent dangereusement la jeunesse et lui présentent parfois des spectacles ou des récits licencieux. Ajoutons la liberté dans les fréquentations entre jeunes gens et jeunes filles, le manque de retenue dans les allures, les propos, les costumes. Comment ne pourraient pas être atteintes et dangereusement excitées, dans un tel milieu, l’imagination vive et la sensibilité aiguë d’un jeune garçon ? Comment, dans cette atmosphère empestée, pourrait ne pas s’étioler et mourir la fleur délicate qu’en lui peut-être il porte d’une vocation sacerdotale ? Nous cherchions tout à l’heure les causes de la désertion de beaucoup d’élèves de nos séminaires. L’une d’elles, et non des moindres, ne seraitelle pas la fréquentation qu’ils ne peuvent éviter, pendant les vacances surtout, de ce monde « tout entier plongé dans le mal, comme dit saint Jean, où tout est orgueil de la vie, concupiscence de la chair, concupiscence des yeux » ? C’est pour nous une terrible question de savoir comment les préserver de cette contagion qui leur entre par les yeux, par les oreilles et le cœur. Sans doute ils doivent et devront plus tard vivre au milieu de ce monde, Notre-Seigneur en a averti ses Apôtres. Du moins faudrait-il qu’une sérieuse éducation familiale et une solide formation dans les séminaires les aient instruits des dangers qu’ils courent et armés contre les inévitables tentations. Dieu qui les a choisis ferait le reste par sa grâce(3) ».
Parce que le monde est plus corrompu que dans les années 1950, les parents doivent être encore plus vigilants pour protéger leurs enfants de ses influences permissives. Lorsque le prêtre le rappelle, plusieurs parents lui rétorquent que leurs enfants devront bien un jour y être confrontés. Ce n’est pas faux, mais le catholique doit être dans le monde sans être du monde aux dires de Notre-Seigneur lui-même (Jn 15, 19).
Or, pour ne pas se laisser contaminer par lui, la prudence exige que l’on ne s’y engage pas trop tôt. En effet, à l’âge où les passions surgissent, le monde possède des attraits dont certains jeunes ont du mal à se départir.
Beaucoup d’entre eux n’ont pas encore de convictions suffisamment profondes ni de force morale assez puissante pour résister à ses séductions. Une fois pris au piège, ils entrent dans une spirale infernale et ceux qui ont la grâce d’en sortir n’en sortent pas indemnes. Saint Jean Chrysostome l’avait déjà constaté, il est impossible que la foi ne vienne pas à vaciller là où il n’y a plus la pureté de la vie. Voilà pourquoi les prêtres fidèles ont toujours mis en garde leurs ouailles non seulement contre le péché, mais contre les occasions prochaines de péché. Ici encore, je laisse la parole à Mgr MARMOTTIN :
« Nous demandons aux familles qui désirent donner un fils à Dieu, à celles qui accepteraient la vocation possible ou déclarée d’un de leurs enfants, de veiller sur leur jeunesse, de leur donner de bonne heure le sens du péché, de leur en interdire les occasions. Ce sera pour eux un souci constant, une tâche difficile ; mais en toute hypothèse, leur conscience les leur impose, et le but poursuivi en vaut certes la peine, préparer à Jésus-Christ un prêtre ! Dieu du reste les aidera en cette tâche délicate, si surtout ils élèvent leur enfant dans la foi qui les pénètre eux-mêmes, s’ils lui donnent au plus tôt le goût de la prière, l’amour de Jésus et de sa Mère, s’ils lui procurent, dès l’âge de raison, le sacrement de confirmation qui le constitue dans la force et dans la piété, et celui de l’Eucharistie qui le soumet à l’influence intime et souvent renouvelée du Souverain Prêtre (4) ».
L’importance des écoles
à l’abri du péché, il est encore nécessaire de les faire vivre dans une atmosphère pleinement chrétienne, où ils respirent le parfum de la vertu, d’où l’importance du choix de l’école. Mgr MARMOTTIN le signale :
« Il va sans dire que les parents choisiront pour leur fils, s’ils en ont une à leur disposition, l’école chrétienne. Nous venons de dire qu’une vocation réclame, pour se développer, un milieu favorable. Or il est clair que l’école neutre n’est pas pour elle un milieu favorable, puisque légalement elle doit professer le laïcisme, c’est-à-dire qu’elle n’a pas le droit de parler de Dieu, qu’elle enferme l’esprit de l’enfant dans la connaissance exclusive des choses de la vie présente, qu’elle donne à la morale une base purement humaine. Comment cet enfant auquel nous supposons une vocation sacerdotale ne perdrait-il pas, tout au long de ses années d’école, le sens et l’amour du surnaturel ? Comment pourrait-on ne pas voir baisser et mourir la petite flamme, l’idéal divin naguère allumé dans son âme ? Ce ne sont pas les rares leçons de catéchisme qu’il reçoit ailleurs, ni l’influence d’une famille insuffisamment chrétienne qui pourraient l’entretenir. Ne nous étonnons pas de la diminution croissante des vocations dans nos campagnes. Et remarquons, d’autre part, que les diocèses qui sont encore riches en prêtres sont ceux qui ont un grand nombre d’écoles libres (5) ».
L’exemple des parents
Si importants que soient le mode d’éducation donné aux enfants, le choix des écoles et des mouvements de jeunesse pour susciter le don de soi chez les enfants, c’est la pratique des vertus des parents qui aura le plus grand impact sur eux.
« Vouloir avoir des fils prêtres, c’est mettre sa vie tout entière en accord avec ce désir et précisément s’obliger par là à être sincère. Le père et la mère d’un prêtre seront dignes de ce privilège s’ils consentent à avoir une vie qui soit elle-même un don de soi sans dissimulation et habileté. Ajouterais-je encore que ce témoignage de la vie comporte une sincérité dans l’esprit non moins que dans le cœur et que lire n’importe quoi devant ses enfants ou voir n’importe quel spectacle sous le prétexte, vain d’ailleurs, d’une culture complète et, a fortiori, y conduire ses fils, c’est tuer déjà en eux, dans le principe même, cette délicatesse dans le don de soi qui fait qu’un prêtre doit préférer la pureté à tout le reste et qu’il pourra sans vrai danger, plus tard, juger de tout le reste s’il est demeuré « un jardin fermé » et « une source scellée ». Alors me dites-vous, c’est la croix ! Et ignoreriez-vous donc que précisément Notre-Seigneur a répondu à cette instance et en quels termes : « Celui qui veut être mon disciple doit prendre sa croix » (Mt 10, 38) ? Mais si vous ne le saviez-pas, me permettriez-vous de vous dire et de vous redire que ceux qui ont eu des parents vraiment chrétiens et qui ont connu la croix dans leur enfance ou dans leur adolescence ont, à l’âge mûr, des joies si grandes, un bonheur si total que, lorsqu’ils pensent à ce père ou à cette mère défunts, ils ne songent qu’à rendre grâces pour le don ineffable que par eux ils ont reçu (6) ».
Le Pape Pie XI évoquait déjà dans son encyclique sur le sacerdoce les effets bénéfiques engendrés chez les enfants par la vertu des parents :
« La majeure partie des évêques et des prêtres dont l’Église proclame la louange doivent l’origine de leur vocation et de leur sainteté aux exemples et aux leçons d’un père rempli de foi et de vertu virile, d’une mère chaste et pieuse, d’une famille dans laquelle, avec la pureté des moeurs, règne en souveraine la charité pour Dieu et pour le prochain. (.) Il est bien difficile que, tandis que tous les enfants s’efforceront de suivre les exemples de leurs parents, il n’y en ait pas un au moins parmi eux qui n’entende au fond du cœur l’appel du divin Maître : « Viens, suis-moi » (Mt 19, 21), et « je ferai de toi un pêcheur d’hommes » (Mt 4, 19). Bienheureux les parents chrétiens qui, même s’ils ne font pas de ces divines visites, de ces divins appels à leurs enfants l’objet de leurs plus ferventes prières, ainsi que jadis aux temps de plus grande foi il arrivait plus souvent qu’aujourd’hui, du moins n’en ont pas peur et savent y voir un honneur insigne, une grâce de prédilection et de choix du Seigneur pour leur famille (7) ».
Une source de bénédictions pour les parents
Si, pour créer un climat favorable à l’éveil de vocations religieuses et sacerdotales dans un foyer, il est demandé beaucoup aux parents, les merveilleux effets d’une telle grâce les en dédommagent largement. Je laisse ici la parole à Mgr Henri BERNARD :
« Le sacerdoce de votre fils sera une source de bénédictions spirituelles et temporelles. Autant que vos autres enfants, plus que les autres, il vous aimera car c’est encore l’amour de Dieu qui laisse dans le cœur d’un fils, la plus grande place dans l’amour des siens. Et quand vous paraîtrez devant le souverain juge, quelle sécurité de pouvoir lui dire : « Seigneur, j’ai peut-être commis bien des fautes, mais je vous ai donné un de mes fils. Tout à l’heure un prêtre qui est le vôtre, mais qui est aussi le mien, va célébrer pour moi la messe des défunts. Vous ne pouvez pas ne pas entendre sa prière ; vous ne pouvez pas me séparer de lui pour l’éternité » (8) ».
C’est pourquoi,
« que les parents ne s’opposent jamais à la vocation d’un fils ou d’une fille : ils n’en ont pas le droit. Qu’ils l’acceptent avec joie, à l’honneur que Dieu leur fait, heureux de fournir un ouvrier à la grande moisson des âmes. Que même ils désiresensiblesnt un fils prêtre ou une fille religieuse, et qu’ils l’offrent à Dieu, comme font aujourd’hui de jeunes foyers chrétiens, dès avant la naissance. Qu’ils se rendent dignes, par leur vie totalement chrétienne de cette grâce insigne [d’avoir une ou plusieurs vocations dans leur foyer]; et que, l’ayant reçue, ils veillent à la défendre contre le monde, à la favoriser par l’atmosphère surnaturelle de leur foyer (9) ».
Abbé Patrick Troadec, Direccteur,Le 25 janvier 2008, en la fête de la conversion de saint Paul
Notes
1 – Homélie, Écône, 11 février 1979.
2 – Mgr Louis MARMOTTIN, archevêque de Reims, Lettre pastorale, « La crise des vocations », 11 février 1954.
3 – Ibid.
4 – Ibid.
5 – Ibid.
6 – Mgr Julien LE COUËDIC, évêque de Troyes, Lettre pastorale, « Les vocations sacerdotales », 2 février 1955.
7 – Pie XI, Ad catholici sacerdotii fastigium, 20 décembre 1935.
8 – Mgr Henri BERNARD, évêque de Perpignan, Lettre pastorale, « Les vocations et le recrutement sacerdotal », 9 mars 1946.
9 – Mgr Louis MARMOTTIN, archevêque de Reims, Lettre pastorale, « La crise des vocations », 11 février 1954.
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