N° 24 – Juillet 2009
hère Madame,
En prolongeant le sujet de la précédente lettre concernant la maîtrise de soi, je souhaiterais exposer combien la maladresse dans l’éducation du 1er âge est à l’origine des désobéissances de l’enfant et des grandes difficultés rencontrées par la suite. En effet, en posant la question « Veux-tu ? » c’est, en quelque sorte, comme je vous le précisais, lui offrir la faculté de choisir et de refuser éventuellement ce qui lui est demandé. C’est l’origine du « non » catégorique, opposé à l’obéissance.
Nous avons vu précédemment combien demander l’avis à l’enfant réveille en lui le désir de faire autrement (par suite du péché originel qui attire toujours vers ce qui est défendu). En conséquence, ce n’est pas ainsi que l’obéissance lui sera enseignée.
La deuxième question à éviter est celle du trop fréquent : « Aimes-tu ?« dans le sens d’apprécier, car elle cultive malencontreusement la gourmandise. Le petit enfant, fréquemment, n’aime pas un plat parce qu’il ne le connaît pas. Essayez de lui faire découvrir et aimer, afin qu’il ne fasse pas le difficile par caprice.
Si vous savez que la nourriture que vous offrez à votre enfant ne compromet pas sa santé, obtenez qu’il la mange simplement (et de faire un petit effort par amour pour Dieu, pour l’aider à accepter ; pourquoi pas ?). Vous lui rendrez un grand service pour l’avenir ; il ne fera pas le « délicat » quand il est invité et il ne refusera pas ce qui lui est servi, même si ce n’est pas à son goût. A ce propos, que le père de famille montre l’exemple en appréciant les bons repas de maman !
Inculquez-lui également le respect de la nourriture. Il n’est pas rare de constater un certain gaspillage des aliments, l’enfant laissant systématiquement une partie du repas dans l’assiette, (prenez l’exemple de Notre-Seigneur qui, lors de la multiplication des pains, a demandé à ses apôtres de recueillir ce qui restait !). Si vous ne le faites pas, qu’arrivera-t-il ? Laisser sur son assiette, perdre, jeter un morceau de pain, lui paraîtra une action toute naturelle, et l’usage d’un droit parfaitement légitime ; et il ne soupçonnera pas, tant qu’on ne lui aura pas dit, expliqué, fait comprendre que beaucoup de petits enfants seraient bien heureux de déguster les morceaux que lui-même rejette !
Hélas ! au contraire, on ne recule devant rien pour satisfaire les désirs de la nature humaine de l’enfant ; on évite avec grand soin tout ce qui pourrait rebuter ou contrarier. On traitera l’enfant beaucoup moins en petit être raisonnable qu’en jeune animal tout court. La raison de l’enfant, qui pourtant ne demande qu’à se faire jour, sera considérée comme un élément négligeable. Seul le côté « animal » aura droit à tous les égards : on cherchera à lui assurer la plus robuste santé possible ; ceci, certes, est très louable, mais pour ce faire, il est des mamans qui remplissent abondamment l’assiette des enfants, sans bien penser que naturellement, c’est de trop pour leur âge ; d’où l’habitude d’en laisser toujours une partie. La juste mesure constitue une pièce maîtresse de la maman dans l’éducation, et fait partie de cette maîtrise de soi dont je vous ai parlé.
Il est un point également négligé, c’est la tenue à table qui est liée au sujet de la maîtrise de soi. C’est à vous, Chère Madame, qu’il convient d’inculquer les bonnes habitudes dès que l’enfant est admis à table ; et d’abord en montrant vous-même, ainsi que le père, comment se tenir. L’enfant observe beaucoup plus qu’on ne le pense. Il vous regarde et vous imite, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire !
Le cerveau et le caractère de l’enfant sont à la merci des parents. Ceux-ci manquent à leurs devoirs s’ils les abêtissent, au lieu de prendre la peine de former leur intelligence, comme de leur donner des bonnes manières, ce qui constitue dans la vie une arme puissante. On ne le croit pas assez, mais c’est déjà un commencement de morale qu’une tenue parfaite. Cela constitue à rendre le moins « bestial » possible l’acte qui consiste à se nourrir. On y trouve comme un vague reflet de modération (maîtrise du corps) et de goût, une apparence au moins de modestie et de savoir vivre en société.
Si vous vous désintéressez de cette tenue chez votre enfant, si vous négligez l’obligation de se laver les mains avant de se mettre à table, si vous ne lui faites pas d’observations lorsque vous le voyez manier en l’air les fourchettes ou les couteaux « pour jouer en parlant », et si, pire encore, vous le faites vous-même, si vous ne protestez pas quand il se tient voûté, les coudes sur la table, alors votre enfant ayant de tels exemples restera fruste et rustre, grandira démuni de ces bonnes manières, mais encore, il sera à chaque instant l’occasion et la cause d’un désagrément, d’un froissement et d’un malaise infligé à son prochain. Un exemple au passage : Il m’est arrivé de voir un enfant se plaindre d’être « mal aimé » de son entourage justement du fait de ses mauvaises manières qui le rendaient désagréable à ses camarades : et les parents de s’en plaindre pour défendre leur enfant !).
Les personnes sans éducation choquent à tout propos la délicatesse des autres. Laisser croire à un enfant qu’il n’a pas à se préoccuper de cette délicatesse, à y déférer, à y sacrifier sa commodité, c’est le remplir et le pénétrer de cette désobligeante conviction qu’avant tout et par-dessus tout il a le droit de se mettre à son aise, partout et toujours, aux dépens des autres. En effet, celui qui n’est pas habitué à se gêner dans les petites choses, ne se gênera pas dans les grandes. On s’imagine trop facilement qu’en lâchant la bride à un enfant pour les menus détails de l’existence quotidienne, on obtiendra plus de lui dans les circonstances capitales de la vie : et c’est exactement le contraire qui se produira, parce qu’on aura affaibli sa volonté et sa propre maîtrise. C’est le conforter dans une mentalité d’égoïste, ce n’est pas lui apprendre la simple charité chrétienne, et comment après cela l’inciter à imiter Jésus-Christ ? C’est, hélas, cette jeunesse que l’on côtoie un peu partout. Mais sommes-nous si sûrs que nos enfants ne se comportent pas pareillement ? Ils voient et font de même.
On dit de l’enfant qu’il est essentiellement imitateur ! L’enfant copie ses parents. Il se fait l’image de ce qu’il voit. Puisque l’homme est une copie, l’idéal à contempler et à imiter est la Vierge Marie. Chère Madame et Maman, fixez votre regard sur Elle. Copiez-la. Transformez-vous en Elle et votre enfant vous imitera. Contemplez-la dans sa façon de se maîtriser que ce soit dans son travail, sa prière et ses souffrances.
C’est pour cela, Chère Madame, qu’il ne faut pas cesser de dire et redire, avec patience, persévérance et bonté. C’est votre devoir de maman. Corriger n’est pas facile ; cela demande, de la part des parents ou de l’éducateur, un grand don de soi, d’oubli de soi…car c’est parfois lassant. Mais la Vierge Marie est là. Vous devez transmettre à votre enfant la connaissance de la vie en vous inspirant de ce parfait modèle qu’est la Vierge Mère. Votre enfant ressemble à un frêle esquif livré à tous les caprices et les fureurs de l’océan. S’il n’est pas gouverné avec habileté et d’une main ferme sur la barre, il risque de se laisser porter au gré du vent et de rencontrer des écueils prévisibles qu’il vous était facile d’éviter. Comment dans ces situations, ne pas supplier ardemment Marie, l’Etoile de la mer, de vous venir en aide et de vous donner la main pour vous guider auprès de votre enfant.
(à suivre)
Une Religieuse.