Lettre aux Amis et Bienfaiteurs N° 39

A mesure que la foi décline dans les âmes et que les ins­ti­tu­tions chré­tiennes dis­pa­raissent, l’es­prit de Satan pénètre la socié­té et la détruit.

Chers amis et bienfaiteurs,

A mesure que la foi décline dans les âmes et que les ins­ti­tu­tions chré­tiennes dis­pa­raissent, l’es­prit de Satan pénètre la socié­té et la détruit ; quelques exemples suf­fisent à faire voir cela, sta­tis­tiques en mains.
 

  • Aux Etats-​Unis, ont été fer­mées ces der­nières années des mil­liers d’é­coles catho­liques ; en ce moment mille églises sont à vendre. Depuis le Concile, des mil­liers de prêtres, reli­gieux et reli­gieuses ont mis leur idéal au ran­cart ; le der­nier déser­teur est l’ar­che­vêque d’Atlanta lui-​même. Est-​ce par hasard si plus de 80% des éco­liers et des jeunes Américains sont tou­cha par la drogue ? ou si les dis­co­thèques, lieux de per­ver­sion de la jeu­nesse, poussent comme des cham­pi­gnons ?
     
  • La mort ou l’in­fi­dé­li­té enlèvent à la France huit cents prêtres par an, contre cent nou­veaux, tan­dis que les médias répan­dant par­tout le flux immonde du blas­phème et de la por­no­gra­phie : excès impen­sable hier, deve­nu aujourd’­hui bana­li­té quo­ti­dienne, avec l’ap­pro­ba­tion des hommes publics.
     
  • En Valais (Suisse) il y avait trois grands sémi­naires avant le concile, ils sont tous trois fer­més. A leur place s’est ins­tal­lée une chaîne de près de vingt dis­co­thèques.
     
  • En Hollande, où la foi est anéan­tie, on dis­cute acti­ve­ment l’in­tro­duc­tion de l’eu­tha­na­sie, mais elle est pra­ti­quée sous le man­teau depuis quinze ans et c’est une cli­nique catho­lique qui a com­men­cé !
     
  • A Aix-​la-​Chapelle (Allemagne), l’Islam pro­jette un immense centre mis­sion­naire, avec mos­quée, télé-​université, biblio­thèques, maga­sins et pis­cine. Est-​ce un pur hasard, que ce choix de la capi­tale de Charlemagne comme place-​forte musul­mane pour toute l’Europe du Nord ?

Où gît la racine du mal ? Dans l’Eglise ou plu­tôt en ses repré­sen­tants, et dans le concile. Lentement mais sûre­ment croissent l’i­vraie de l’in­dif­fé­ren­tisme reli­gieux répan­due par le décret sur l’œ­cu­mé­nisme et la mau­vaise herbe de la sécu­la­ri­sa­tion de la vie publique, pré­pa­rée par la pro­cla­ma­tion de ia liber­té reli­gieuse, sur le ter­rain empoi­son­né des fausses idéo­lo­gies et de la néga­tion pra­tique du péché ori­gi­nel conte­nue dans la consti­tu­tion Gaudium et spes.

Quelques semaines avant sa mort, Paul VI fit cet aveu en pré­sence de son ami Jean Guitton : « Ce qui me décon­certe dans le monde catho­lique d’au­jourd’­hui, c’est que par­fois à l’in­té­rieur même du catho­li­cisme semble régner une men­ta­li­té qui n’est pas catho­lique. Il est tout à fait pos­sible qu’à la fin cette tour­nure d’es­prit devienne domi­nante. Pourtant, elle ne repré­sen­te­ra jamais en aucune façon l’Eglise. Il demeu­re­ra imman­qua­ble­ment un petit trou­peau, un petit reste, aus­si réduit soit-il. »

Quel trou­peau ? serait-​ce celui des catho­liques fidèles à la tra­di­tion, avec sémi­naires, cou­vents, mai­sons d’exer­cices spi­ri­tuels, écoles et prieu­rés ? Sur quels cri­tères juger ? Les cri­tères, tout sim­ple­ment, que Notre Seigneur donne aux envoyés de saint Jean Baptiste, qui lui fait deman­der : « Es-​tu celui qui doit venir, ou devons-​nous en attendre un autre ? »; c’est par ses œuvres que le Christ prouve sa mes­sia­ni­té : « Allez, dit-​il, et rap­por­tez à Jean ce que vous enten­dez et ce que vous voyez : les aveugles voient, les boi­teux marchent, les lépreux sont puri­fiés, les sourds entendent, les morts res­sus­citent, la bonne nou­velle est annon­cée aux pauvres » (Mt 11,4–5).

Laissons par­ler les faits :
 

  • Est-​ce que des écailles ne tombent pas des yeux de beau­coup, quand ils assistent de nou­veau pour la pre­mière fois à la messe tra­di­tion­nelle ? La lumière du Seigneur ne se fait-​elle alors autour d’eux, tan­dis que les ténèbres couvrent la terre, et l’obs­cu­ri­té les peuples ; les ténèbres de l’er­reur et du men­songe, l’obs­cu­ri­té des idéo­lo­gies séduc­trices ?
     
  • Les fidèles ne reçoivent-​ils pas dans nos cha­pelles une nou­velle force et un nou­veau cou­rage pour s’a­van­cer dans le che­min de la vie chré­tienne, après avoir été para­ly­sés pen­dant des années par le libé­ra­lisme et le moder­nisme ? Combien, jus­te­ment, ont été conver­tis par les exer­cices spi­ri­tuels de saint Ignace et vivent désor­mais leur digni­té bap­tis­male d’en­fants de Dieu et de temples du Saint-​Esprit ?
     
  • Des catho­liques, qui ne s’é­taient pas confes­sés depuis dix, vingt ans ou davan­tage, se jettent aux pieds du prêtre, sur eux coule le sang rédemp­teur du Christ et les voi­là puri­fiés de la lèpre du péché et de l’es­prit du siècle. Dans nos cha­pelles, Dieu mer­ci, la confes­sion est tenue en hon­neur, en par­ti­cu­lier la confes­sion fré­quente des péchés même véniels, dont Pie XII dit qu’elle « aug­mente la vraie connais­sance de soi, favo­rise l’hu­mi­li­té chré­tienne, tend à déra­ci­ner les mau­vaises habi­tudes, com­bat la négli­gence spi­ri­tuelle et la tié­deur, puri­fie la conscience, for­ti­fie la volon­té, se prête à la direc­tion spi­ri­tuelle, et, par l’ef­fet propre du sacre­ment, aug­mente la grâce » (Mystici Corporis). Rien de cela n’est opé­ré par les soi-​disant céré­mo­nies péni­ten­tielles !
     
  • Le péché ori­gi­nel et per­son­nel, les arti­fices séduc­teurs du diable et du monde à son ser­vice ont gra­ve­ment endom­ma­gé l’o­reille inté­rieure du chré­tien ; mais voi­là ce qui réus­sit à l’ou­vrir : le silence qui entoure l’au­tel du sacri­fice, le repos des jours de récol­lec­tion et la pré­di­ca­tion de l’Evangile inté­gral. Les mira­cu­lés sont peu nom­breux, mais il y en a de tous pays, conti­nents, cultures et couches sociales, ins­truits et simples, jeunes et vieux, hommes et femmes.
     
  • L’Europe chré­tienne de jadis est morte. Mais à par­tir de petites cel­lules, elle renaît à une vie nou­velle. Des enfants (comme la fille de Jaïre), des jeunes gens (tel l’a­do­les­cent de Naïm), des adultes (tel Lazare) s’é­veillent de la mort et de l’é­loi­gne­ment de Dieu à une nou­velle vie, vie de foi et d’a­gir chré­tien. Tandis que les nova­teurs trans­forment les églises en entre­pôts, nous amé­na­geons le mieux pos­sible des entre­pôts en cha­pelles. Tandis que la mort enlève cou­vents et sémi­naires, de nou­velles com­mu­nau­tés se lèvent, fidèles à la tra­di­tion.
     
  • Les catho­liques libé­raux disent à la sagesse : « Tu es ma sœur ! » Et ils se tiennent debout pour la sainte Communion, et ils dis­posent à leur gré des paroles de Jésus-​Christ, en un mot, ils sont majeurs. Nous autres, au contraire, savons la néces­si­té de la grâce du Christ et notre radi­cale dépen­dance vis-​à-​vis de Dieu. Nous sommes pauvres en esprit et vou­lons le demeu­rer. C’est pour­quoi tant d’entre vous entre­prennent de longs tra­jets pour prendre part au saint sacri­fice de la Messe catho­lique ; et tant de familles éloignent de leur foyer la source empoi­son­née de la télé­vi­sion et ins­tallent à sa place le petit ora­toire fami­lial avec la prière en com­mun, spé­cia­le­ment le saint Rosaire, médi­tant les mys­tères de la vie, de la mort dou­lou­reuse et de la glo­ri­fi­ca­tion du Christ, pour qu’ils portent du fruit dans leur vie.

Chers amis et bien­fai­teurs, de toutes nos forces, reje­tons le poi­son de l’hé­ré­sie et du schisme, les doc­trines et pra­tiques séduc­trices des nova­teurs. Nous nous savons en com­mu­nion avec tous les grands hommes d’Eglise du pas­sé, en par­ti­cu­lier avec les papes des deux cents der­nières années. A la fin de son Encyclique Quanta cura, Pie IX rejette de son auto­ri­té apos­to­lique toutes les opi­nions et doc­trines per­verses citées dans sa Lettre : natu­ra­lisme, fausse liber­té de conscience et de culte, sou­ve­rai­ne­té popu­laire, subor­di­na­tion de l’Eglise à l’Etat : « Nous les réprou­vons, pros­cri­vons et condam­nons (…) et Nous vou­lons et ordon­nons que tous les fils de l’Eglise catho­lique les tiennent abso­lu­ment pour réprou­vées, pros­crites et condam­nées. » Et dans la quatre-​vingtième pro­po­si­tion du Syllabus, il condamne l’o­pi­nion de ceux qui pré­tendent que « le Pontife Romain peut et doit se récon­ci­lier et com­po­ser avec le pro­grès, avec le libé­ra­lisme et avec la civi­li­sa­tion moderne ».

Nous ne pou­vons donc pas être d’ac­cord avec le car­di­nal Ratzinger qui, pré­sen­tant son docu­ment sur le rôle des théo­lo­giens dans l’Eglise, dit que les déci­sions de la com­mis­sion biblique et la condam­na­tion du moder­nisme ont été condi­tion­nées par le temps et par les cir­cons­tances et qu’on peut par consé­quent les lais­ser tom­ber aujourd’­hui ; ni avec le Pape lors­qu’au cours de son voyage en Scandinavie, il répète avec insis­tance que tout son pon­ti­fi­cat est consa­cré à l’œ­cu­mé­nisme. Ceux qui vien­draient nous repro­cher notre désac­cord, nous les ren­voyons à saint Thomas d’Aquin qui, dans sa Somme théo­lo­gique (IIa IIae, q.33, art.4, ad 2), écrit pré­ci­sé­ment : « Il faut savoir que là où il y aurait un péril immi­nent pour la foi, les pré­lats devraient être repris même publi­que­ment par leurs infé­rieurs. C’est ain­si que Paul, pour­tant l’in­fé­rieur de Pierre, reprit publi­que­ment celui-​ci à cause du péril immi­nent d’un scan­dale dans la foi. »

Chers amis et bien­fai­teurs, il est impos­sible de rap­por­ter ici en détail les ini­tia­tives, les pro­grès, les suc­cès et aus­si les épreuves de l’œuvre, sous la béné­dic­tion divine. Les publi­ca­tions de votre dis­trict vous ren­seignent sur beau­coup de choses, quant au reste, vous l’ap­pren­drez au der­nier jour, avant tout la prière immo­la­trice, la souf­france répa­ra­trice, le dévoue­ment héroïque de tant d’âmes dans le silence et le secret. Et tan­dis qu’en la fête de tous les saints, pour le ving­tième anni­ver­saire de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, nous enton­ne­rons un solen­nel Te Deum, nous n’au­rons garde d’ou­blier que dans les mérites de ses saints, Dieu glo­ri­fie sa propre grâce.
 

O Dieu, dont la misé­ri­corde est sans bornes et dont la bon­té est un tré­sor infi­ni, nous ren­dons grâces à votre majes­té très bien­veillante pour les bien­faits que vous nous avez accor­dés et deman­dons tou­jours à votre clé­mence que, vous qui exau­cez les demandes de ceux qui vous prient, vous ne les délais­siez pas, et que vous les pré­pa­riez aux récom­penses éternelles. » 

Ne nous oubliez pas dans vos prières et vos aumônes ; nous vivons du bon Dieu, dont nous sommes ins­tru­ments. Je vous demeure très cor­dia­le­ment uni à tous en Notre Seigneur et Notre Dame.

Rickenbach, le 1er octobre 1990
Abbé Franz Schmidberger Supérieur général