Mgr Müller à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi

Benoît XVI a nom­mé lun­di 2 juillet l’évêque de Ratisbonne (Allemagne) comme pré­fet de la Congrégation pour la doc­trine de la foi. Il suc­cède au car­di­nal amé­ri­cain Levada, atteint par la limite d’âge

Mgr Gerhard Ludwig Müller, évêque de Ratisbonne (Allemagne), que Benoît XVI a nom­mé, lun­di 2 juillet, à la tête de la Congrégation pour la doc­trine de la foi (CDF), serait-​il, à une géné­ra­tion d’intervalle, un double de Joseph Ratzinger ? Le paral­lèle est tentant.

Tous deux ont exer­cé leur minis­tère ou vécu en Bavière très catho­lique, ils ont accu­mu­lé une pro­duc­tion aca­dé­mique consi­dé­rable mais souffrent d’une image de marque régu­liè­re­ment trou­blée. L’analogie n’explique assu­ré­ment pas le choix du pape alle­mand de nom­mer un com­pa­triote de haut niveau intel­lec­tuel à la tête de la puis­sante CDF. Mais elle éclaire du moins la nature de la rela­tion per­son­nelle liant les deux hommes. Car c’est tou­jours à cette aune de la confiance per­son­nelle que le pape choi­sit ses proches collaborateurs.

Jeune, du moins à l’échelle du col­lège car­di­na­lice, Mgr Müller est âgé de 64 ans. À peine tren­te­naire, il sou­te­nait déjà en 1977, sous la hou­lette du futur car­di­nal alle­mand Karl Lehmann, sa thèse de doc­to­rat en théo­lo­gie sur Église et sacre­ments dans le chris­tia­nisme sans reli­gion . Depuis, le théo­lo­gien alle­mand a publié plus de 400 livres et articles.

Benoît XVI lui a confié la publication de son œuvre

Dès 1986, à 38 ans, il fut l’un des plus jeunes ensei­gnants de l’Université de Munich. Rapidement, il est nom­mé expert auprès de la com­mis­sion doc­tri­nale de l’épiscopat alle­mand, puis, à Rome à la Commission théo­lo­gique inter­na­tio­nale, où il sié­ge­ra, très proche de son com­pa­triote Ratzinger, de 1998 à 2003. Ses domaines de recherche de pré­di­lec­tion, le dia­logue œcu­mé­nique, la concep­tion chré­tienne de la révé­la­tion, l’ecclésiologie, lui ont valu de nom­breux doc­to­rats hono­ris cau­sa à tra­vers le monde. Sa pra­tique de plu­sieurs langues s’en est accom­mo­dée. Son ouvrage majeur, Théologie dog­ma­tique catho­lique et ses 900 pages ont fait l’objet de sept édi­tions et de nom­breuses traductions

Le 24 novembre 2002, il prend la tête du dio­cèse de Regensburg (Ratisbonne). Le car­di­nal Ratzinger assiste à son ordi­na­tion. Sa popu­la­tion à 75 % catho­lique, son mil­lier de prêtres en font l’un des cœurs bat­tants de l’Allemagne catho­lique. C’est donc en évêque qu’il se ren­dra à Rome, en 2005, pour le synode sur l’Eucharistie. Les deux synodes pré­cé­dents, sur l’Europe en 1999 et sur l’évêque en 2001, l’avaient accueilli comme expert.

En 2008, il crée dans son dio­cèse l’Institut Pape-​Benoît-​XVI. Objectif : publier les œuvres com­plètes de Joseph Ratzinger, qui lui en a confié per­son­nel­le­ment le soin. Ce qui lui vaut de très nom­breuses ren­contres par­ti­cu­lières avec le pape.

Élève de Gustavo Gutierrez

Un par­cours clas­sique et ortho­doxe, mar­qué pour­tant par un reflet que ses adver­saires tra­di­tio­na­listes n’ont pas man­qué d’exploiter. Mgr Müller a été élève de Gustavo Gutierrez, l’un des fon­da­teurs de la théo­lo­gie de la libé­ra­tion, ne s’en est jamais caché, et a tou­jours reven­di­qué cette fidé­li­té, qu’il a encore célé­brée en 2008 à l’Université pon­ti­fi­cale catho­lique de Lima (Pérou), elle-​même en déli­ca­tesse avec Rome. À cette occa­sion, il a affir­mé, sou­li­gnant le lien de la théo­lo­gie de la libé­ra­tion avec la doc­trine sociale de l’Église : « La théo­lo­gie de Gustavo Gutierrez est ortho­doxe parce qu’elle est « ortho­pra­tique ». Elle nous enseigne la bonne manière d’agir en chré­tien à par­tir de la vraie foi. »

À l’opposé, il n’a fait preuve d’aucune com­plai­sance envers les lefeb­vristes pré­sents dans son dio­cèse. Lors de la levée de l’excommunication, en 2009, ses décla­ra­tions ont été sans équi­voques : « La levée de l’excommunication de ces quatre per­sonnes n’a rien à voir avec une conces­sion juri­dique en vue de l’accueil à des oppo­sants au Concile. » Il avait même appe­lé à la réduc­tion à l’état laïc de Mgr Williamson.

« Les opinions extrêmes finissent souvent par s’annuler les unes les autres »

À la tête de la CDF, Mgr Müller, désor­mais pro­mis au car­di­na­lat, devra gérer l’issue, tou­jours incer­taine, de l’éventuelle réin­té­gra­tion de tout ou par­tie de la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie‑X au sein de l’Église. Les reli­gieuses amé­ri­caines, dure­ment tan­cées par le car­di­nal Levada, seront atten­tives à ses pre­mières prises de posi­tion. L’harmonisation des pra­tiques épis­co­pales dans la lutte contre les abus sexuels com­mis par des clercs sera éga­le­ment de son res­sort, sans oublier l’Année de la Foi, dont il sera l’un des copilotes.

En tout cela, il sera sans doute gui­dé par ces phrases, signées par lui en février 2009, alors que son dio­cèse alle­mand mani­fes­tait son trouble après la levée des excom­mu­ni­ca­tions des quatre évêques lefeb­vristes : « Les opi­nions extrêmes, tra­di­tio­na­listes ou moder­nistes, aux marges de l’Église, finissent sou­vent par s’annuler les unes les autres. Au lieu de culti­ver des atti­tudes agres­sives contre le pape et les évêques, lorsqu’ils ne par­tagent pas l’arbitraire de groupes mar­gi­naux, chaque catho­lique devrait pen­ser, écou­ter et agir en uni­té avec l’Église. »

La Croix – Frédéric Mounier, à Rome