Au cours de sa longue vie de misÂsionÂnaire, Monseigneur Lefebvre eut l’occasion d’expérimenter toute la difÂfiÂculÂté praÂtique de son vÅ“u de pauÂvreÂté expoÂsé à des situaÂtions souÂvent dérouÂtantes. Partagé entre son désir de touÂjours demeuÂrer fidèle aux exiÂgences de son vÅ“u et la nécesÂsiÂté de prendre des déciÂsions rapides, il garÂda de ce dilemme un souÂveÂnir qui contriÂbua à lui faire écarÂter de l’état reliÂgieux les prêtres de la Fraternité.
L’apostolat moderne expose constamÂment les reliÂgieux de vie active à contreÂveÂnir à leur vÅ“u de pauvreté.
Ce choix déciÂsif de notre fonÂdaÂteur, s’il tient cerÂtaiÂneÂment à ce preÂmier motif, repose surÂtout sur une proÂfonde convicÂtion intéÂrieure ainÂsi résuÂmée par son biographe :
Monseigneur Lefebvre explique souÂvent à ses prêtres pourÂquoi il n’éprouve pas le besoin de faire d’eux des reliÂgieux : comme saint Jean Eudes, il est convainÂcu que, mieux que des reliÂgieux, les prêtres trouvent dans la seule digniÂté dont ils sont revêÂtus la raiÂson et les moyens de s’élever à la plus émiÂnente perfection.
Marcel Lefebvre, Une vie, p. 461
Un tel jugeÂment s’enracine en parÂtiÂcuÂlier dans cette quesÂtion où saint Thomas d’Aquin traite de « l’entrée en reliÂgion ». Il y écrit en effet que :
Les Ordres sacrés exigent au préaÂlable la sainÂteÂté tanÂdis que l’état reliÂgieux n’est qu’un exerÂcice en vue de l’acquérir.
S.T. Ia IIae q.189 a1 ad3
Si nous pouÂvons utiÂleÂment relire cette concluÂsion pour notre confuÂsion, nous la voyons égaÂleÂment comme un excellent stiÂmuÂlant propre à nous rapÂpeÂler les exiÂgences de sancÂtiÂfiÂcaÂtion requises par notre état sacerdotal.
Non seuleÂment un prêtre n’a pas besoin d’être reliÂgieux pour devoir tendre à la perÂfecÂtion, mais il doit s’y appliÂquer davanÂtage qu’un reliÂgieux en raiÂson des Ordres qu’il reçoit. Quant au prêtre qui est égaÂleÂment reliÂgieux, il sait bien que son appel à la perÂfecÂtion tient davanÂtage à son idenÂtiÂté sacerÂdoÂtale qu’à sa conséÂcraÂtion reliÂgieuse. Aussi ce serait le signe d’un sinÂguÂlier obsÂcurÂcisÂseÂment de l’esprit que les prêtres sécuÂliers se senÂtissent moins contraints à la sainÂteÂté au motif qu’ils ne seraient pas religieux.
Notre fonÂdaÂteur, puisqu’il n’a pas fait de nous des reliÂgieux tout en désiÂrant ardemÂment notre sainÂteÂté, veut donc que nous découÂvrions toute la nécesÂsiÂté de celle-​ci dans la seule médiÂtaÂtion des granÂdeurs sacerÂdoÂtales. Voilà qui ne doit pas nous étonÂner chez celui qui reçut préÂciÂséÂment la misÂsion de sauÂveÂgarÂder le sacerÂdoce et d’en resÂtauÂrer la sainÂteÂté. C’est donc encore la misÂsion de la Fraternité de démonÂtrer au reste de l’Église que la contemÂplaÂtion des granÂdeurs sacerÂdoÂtales doit surÂabonÂdamÂment sufÂfire au prêtre pour l’entraîner vers les somÂmets de la perfection.
Cette confiance en la puisÂsance de l’idéal sacerÂdoÂtal ne nous émeut pas moins que celle qu’il nous fit, à nous autres, en croyant que nous ausÂsi, nous ne serions pas infiÂdèles à la sublime digniÂté de notre vocaÂtion. La féconÂdiÂté misÂsionÂnaire de la Fraternité découle cerÂtaiÂneÂment de cette conscience sans cesse rajeuÂnie que nous en conservons :
Tel est en effet, l’objet prinÂciÂpal de nos penÂsées et de nos solÂliÂciÂtudes ; les yeux levés au ciel, nous renouÂveÂlons souÂvent, pour tout le clerÂgé, la supÂpliÂcaÂtion même de Jésus-​Christ : « Pater Sancte… sancÂtiÂfiÂca eos ».
Saint Pie X dans Haerent aniÂmo
Abbé Régis de Cacqueray-​Valménier â€
Supérieur du District de France