Suresnes, le 14 octobre 2014
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Chers fidèles,
Vous trouverez ci-dessous l’analyse publiée ce jour par DICI (1) sur le rapport (2) du Cardinal Peter Erdö, rapporteur du Synode extraordinaire sur la famille.
Ce « Rapport après la discussion » est, comme vous le constaterez, tellement en rupture avec l’enseignement constant de l’Eglise qu’il a suscité de très fermes réactions justifiées dont celle du cardinal Burke qui a déclaré dans un entretien donné à The Catholic World Report (3) qu’il faisait appel au pape pour que « le Vicaire du Christ confime les fidèles dans la foi et la pratique du mariage catholique, qui est la première cellule de la vie de l’Eglise.;
De son côté le très influent Président de la Conférence des évêques polonais, Mgr Stanislaw Gadecki en appelle lui aussi au pape François (4) et s’élève avec de nombreux évêques contre « ce document inacceptable qui s’écarte de l’enseignement de l’Eglise sur le mariage ». Il ajoute dans son interview à Radio Vatican que ce texte, « qui devrait être une incitation à la fidélité et aux valeurs familiales, semble plutôt tout accepter tel quel. On crée ainsi l’impression que l’enseignement de l’Eglise a été sans pitié jusqu’à aujourd’hui, comme si l’appel à la miséricorde n’est pris en compte que maintenant ».
Nous ne pouvons que souscrire à ces réactions et supplier le Ciel et le Saint Esprit d’éclairer le Souverain Pontife afin qu’il ne cède pas aux sirènes du monde et aux ennemis de l’Eglise.
Abbé Christian Bouchacourt, Supérieur du District de France de la FSSPX
Suresnes, le 14 octobre 2014 en la fête de Saint Calixte I – Pape et Martyr
Sources : Dici/The Catholic World Report/Radio Vatican/LPL du 14 octobre 2014
(1) Synode sur la famille : une révolution doctrinale sous un masque pastoral – DICI du 14 octobre 2014
Le lundi 13 octobre 2014, le rapporteur général du Synode extraordinaire sur la famille, le cardinal Peter Erdö, primat de Hongrie, a rendu public le Rapport intermédiaire qui donne une idée de l’orientation des débats qui se tiennent à huis clos depuis une semaine, et pour une semaine encore.
Ce qui frappe de prime abord, c’est de retrouver dans ce rapport les propos scandaleux tenus par le cardinal progressiste Walter Kasper dans un entretien avec le journaliste Andrea Tornielli, du 18 septembre, il y a près d’un mois. Comme si tout était déjà prévu…
Qu’on en juge :
- Cardinal Kasper, le 18 septembre : « La doctrine de l’Eglise n’est pas un système fermé : le concile Vatican II enseigne qu’il y a un développement dans le sens d’un possible approfondissement. Je me demande si un approfondissement similaire à ce qui s’est passé dans l’ecclésiologie est possible dans ce cas (des divorcés remariés civilement, ndlr) : bien que l’Eglise catholique soit la véritable Eglise du Christ, il y a des éléments d’ecclésialité aussi en dehors des frontières institutionnelles de l’Eglise catholique. Dans certains cas, ne pourrait-on pas reconnaître également dans un mariage civil des éléments du mariage sacramentel ? Par exemple, l’engagement définitif, l’amour et le soin mutuel, la vie chrétienne, l’engagement public qu’il n’y a pas dans les unions de fait ? »
- Cardinal Erdö, le 13 octobre : « Une clef herméneutique significative provient de l’enseignement du concile Vatican II, qui, s’il affirme que ‘l’unique Eglise du Christ subsiste dans l’Eglise catholique’, reconnaît également que bien que des éléments nombreux de sanctification et de vérité se trouvent hors de sa sphère, éléments qui, appartenant proprement par le don de Dieu à l’Eglise du Christ, portent par eux-mêmes à l’unité catholique. (Lumen gentium 8). Dans cette perspective, doivent tout d’abord être réaffirmées la valeur et la consistance propre du mariage naturel. Certains se demandent s’il est possible que la plénitude sacramentelle du mariage n’exclut pas la possibilité de reconnaître des éléments positifs également dans les formes imparfaites qui se trouvent en dehors de cette réalité nuptiale mais dans tous les cas ordonnées à celle-ci. La doctrine des degrés de communion, formulée par le concile Vatican II, confirme la vision d’une manière articulée de participer au Mysterium Ecclesiae de la part des baptisés. Dans cette même perspective, que nous pourrons qualifier d’inclusive, le Concile ouvre également l’horizon dans lequel s’apprécient les éléments positifs présents dans les autres religions (cf. Nostra Aetate, 2) et cultures, malgré leurs limites et leurs insuffisances (cf. Redemptoris Missio, 55). » (Rapport Cal Erdö, n°17–19)
Dans un entretien accordé à DICI le 3 octobre, Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, avait démonté le raisonnement spécieux du cardinal Kasper : « Il propose une application pastorale au mariage des nouveaux principes sur l’Eglise énoncés au concile Vatican II au nom de l’œcuménisme : il y a des éléments d’ecclésialité en dehors de l’Eglise. Il passe logiquement de l’œcuménisme ecclésial à l’œcuménisme matrimonial : il y aurait ainsi, selon lui, des éléments du mariage chrétien en dehors du sacrement. – Pour voir les choses concrètement, demandez donc à des époux ce qu’ils penseraient d’une fidélité conjugale ‘œcuménique’ ou d’une fidélité dans la diversité ! »
Dans Il Foglio du 15 mars 2014, le cardinal Carlo Caffarra, archevêque de Bologne, avait répondu aux propositions du cardinal Kasper sur la communion donnée aux divorcés remariés, lors du Consistoire du 20 février précédent, en termes vigoureux : « Il y aurait (ainsi) un exercice de la sexualité humaine extra-conjugale que l’Eglise considérerait comme légitime. Mais avec cela on ruine le pilier de la doctrine de l’Eglise sur la sexualité. A ce point on pourrait se demander : pourquoi n’approuve-t-on pas l’union libre ? Et pourquoi pas les rapports entre homosexuels ? ».
Le rapport du cardinal Erdö ouvre des perspectives prétendument « pastorales » dans cette double direction : « Une nouvelle sensibilité de la pastorale d’aujourd’hui consiste à comprendre la réalité positive des mariages civils et, en tenant compte des différences, des concubinages. (…) Dans ces unions aussi (unions de fait, ndlr), on peut voir des valeurs familiales authentiques, ou du moins le désir de celles-ci. Il faut que l’accompagnement pastoral commence toujours par ces aspects positifs. (…) Les personnes homosexuelles ont des dons et des qualités à offrir à la communauté chrétienne : sommes-nous en mesure d’accueillir ces personnes en leur garantissant un espace de fraternité dans nos communautés ? Souvent elles souhaitent rencontrer une Eglise qui soit une maison accueillante. Nos communautés peuvent-elles l’être en acceptant et en évaluant leur orientation sexuelle, sans compromettre la doctrine catholique sur la famille et le mariage ? » (Rapport Cal Erdö, n°36, n°38, n°50)
Ces propositions – qui se prétendent uniquement « pastorales », sans aucune implication doctrinale, comme lors du concile Vatican II –, seront débattues par les membres du Synode extraordinaire cette semaine et dans tous les diocèses pendant l’année 2014–2015, avant la réunion du Synode ordinaire qui doit se tenir en octobre 2015.
Mais d’ores et déjà, de l’aveu même des cardinaux Kasper et Erdö, on peut affirmer que, comme Vatican II a introduit l’œcuménisme avec sa notion de communion plus ou moins parfaite, le Synode s’emploie à proposer le mariage œcuménique avec une notion d’indissolubilité modulable, c’est-à-dire plus ou moins soluble dans la « pastorale ».
Le 3 octobre Mgr Fellay affirmait : « Nous reprochons au Concile cette distinction artificielle entre la doctrine et la pastorale, parce que la pastorale doit nécessairement découler de la doctrine. C’est par de multiples ouvertures pastorales que des mutations substantielles ont été introduites dans l’Eglise, et que la doctrine a été affectée. C’est ce qui s’est passé pendant et après le Concile, et nous dénonçons la même stratégie utilisée aujourd’hui contre la morale du mariage. »
Source : FSSPX/MG – DICI du 14/10/14
(2) Commentaires de VIS sur le rapport du Cardinal Peter Erdö, rapporteur du Synode sur la famille
(1) Cité du Vatican, 13 octobre 2014 (VIS). Le « Rapport après la discussion » du Synode extraordinaire sur la famille a été présenté par le Rapporteur général de l’Assemblée, le Cardinal Peter Erdö. Ce document rassemble les principales réflexions des pères synodaux faites au cours de congrégations générale ces jours-ci et sert de matériau aux documents finaux du Synode.
Ce rapport donne, principalement, trois idées directrices : écouter le contexte socio-culturel dans lequel vivent les familles aujourd’hui ; se confronter aux perspectives pastorales à envisager et surtout regarder le Christ, son Evangile de la famille. La famille, réalité décisive et précieuse, lieu intime de joie et d’épreuves, d’affections profondes et de relations parfois blessées, école d’humanité, doit surtout être écoutée dans sa complexité. L’individualisme exacerbé, la grande épreuve de la solitude, l’affectivité narcissique liée à la fragilité des sentiments, le cauchemar de la précarité du travail, ainsi que la guerre, le terrorisme, les migrations, détériorent, en effet, toujours plus les situations familiales. C’est donc que l’Eglise doit donner espérance et sens à la vie de l’homme contemporain, en lui faisant connaître davantage la doctrine de la foi, mais en la proposant avec la miséricorde.
Ensuite, le regard vers le Christ, qui réaffirme l’union indissoluble entre l’homme et la femme, mais qui permet aussi de lire en termes de continuité et nouveauté l’alliance nuptiale. Le principe doit être celui de la gradualité pour les conjoints dont le mariage est un échec, dans une perspective inclusive pour les formes imparfaites de la réalité nuptiale : Ainsi, une nouvelle dimension de la pastorale familiale est nécessaire, qui sache nourrir ces semences qui germent, comme ces mariages civils caractérisés par la stabilité, l’affection profonde, la responsabilité à l’égard des enfants et qui peuvent conduire au lien sacramentel. Aussi, parce que souvent les cohabitations ou unions de fait ne sont pas dictées par un rejet des valeurs chrétiennes, mais par des exigences pratiques, comme l’attente d’un travail fixe. Véritable maison paternelle, lumière au milieu des gens, l’Eglise doit alors accompagner avec patience et délicatesse, avec attention et sollicitude ses enfants les plus fragiles, ceux marqués par l’amour blessé et perdu, en leur donnant confiance et espérance.
En troisième lieu, le Rapport après la discussion traite des instances pastorales les plus urgentes à confier à la concrétisation des Eglises locales, toujours en communion avec le Pape. A la première place, il y a l’annonce de l’Evangile de la famille, qui doit être mise en œuvre non pour condamner, mais pour guérir la fragilité humaine. Une telle annonce concerne aussi les fidèles : Evangéliser est une responsabilité partagée par le peuple de Dieu tout entier, chacun selon son propre ministère et charisme. Sans le témoignage joyeux des époux et des familles, l’annonce, même si elle est correcte, risque de ne pas être comprise ou de se noyer dans le flot de paroles qui caractérise notre société. Les familles catholiques sont appelées à être elles-mêmes les sujets actifs de toute la pastorale familiale. L’Evangile de la famille étant joie, elles impliquent une conversion missionnaire, qui ne se limite pas à une annonce purement théorique, détachée des problèmes réels des personnes. En même temps, il est nécessaire d’agir aussi sur le langage : La conversion doit porter sur le langage pour qu’il soit effectivement significatif. Il ne s’agit pas seulement de présenter des règles mais de proposer des valeurs, en répondant ainsi à un besoin que l’on constate aujourd’hui dans les pays les plus sécularisés.
Ensuite, une préparation adéquate au mariage chrétien est essentielle, parce que celui-ci n’est pas seulement une tradition culturelle ou une exigence sociale mais bien une décision vocationnelle. Sans compliquer les cycles de formation, l’objectif est donc d’aller en profondeur, sans se limiter à des orientations générales, mais en renouvelant aussi la formation des prêtres et des autres agents pastoraux sur le sujet, grâce à l’implication de ces familles dont le témoignage est privilégié. L’accompagnement de l’Eglise est suggérée aussi pour après le mariage, période vitale et délicate dans laquelle les conjoints mûrissent la conscience du sacrement, son sens et les défis que celui-ci comporte. De la même façon, l’Eglise doit encourager et soutenir les laïcs qui s’engagent dans les domaines culturel et socio-politique, pour que l’on n’oublie pas de dénoncer ces facteurs qui empêchent une vie familiale authentique, entraînant la discrimination, la pauvreté, l’exclusion et la violence.
En ce qui concerne donc les séparés, divorcés et divorcés remariés, il n’est pas sage de penser à des solutions uniques ou inspirées de la logique du tout ou rien ; le dialogue doit donc continuer dans les Eglises locales, avec respect et amour pour chaque famille blessée, en pensant à qui a injustement subi l’abandon du conjoint, en évitant des attitudes discriminatoires et en protégeant les enfants : Il est indispensable de prendre en charge de manière loyale et constructive les conséquences de la séparation ou du divorce sur les enfants : Ceux-ci ne peuvent pas devenir un objet de dispute et il faut chercher les meilleures moyens pour qu’ils puissent surmonter le traumatisme de la scission familiale et grandir le plus possible dans la sérénité. En ce qui concerne l’allègement des procédures pour la reconnaissance de la nullité matrimoniale, il faut rappeler les propositions avancées en Salle du Synode : dépasser l’obligation de la double sentence conforme, déterminer la voie administrative au niveau diocésain, entamer un procès sommaire dans les cas de nullité notoire, mais aussi considérer l’importance de la foi des futurs époux pour reconnaître ou non la validité du lien. Le tout requiert du personnel, clercs et laïcs, adéquatement préparé, et une plus grande responsabilité des évêques locaux.
Quant à l’accès au sacrement de l’Eucharistie pour les divorcés remariés, le Rapport dresse la liste des principales suggestions qui sont ressorties du Synode : Maintenir la discipline actuelle ; mettre en œuvre une plus grande ouverture pour les cas particuliers, insolubles sans entraîner de nouvelles injustices et souffrances ; ou bien opter pour un chemin pénitentiel : L’éventuel accès aux sacrements devrait être précédé d’un chemin pénitentiel – sous la responsabilité de l’évêque diocésain –, et avec un engagement évident en faveur des enfants. Il s’agirait d’une situation non généralisée, fruit d’un discernement réalisé au cas par cas, suivant une règle de gradualité qui tienne compte de la distinction entre état de péché, état de grâce et circonstances atténuantes. La question de la communion spirituelle, pour laquelle est sollicitée un plus grand approfondissement théologique, reste encore ouverte, de même qu’est demandée une plus grande réflexion sur les mariages mixtes et sur les problèmes graves liés à la discipline matrimoniale différente des Eglises orthodoxes.
Quant aux homosexuels, il est souligné qu’ils ont des dons et des qualités à offrir à la communauté chrétienne, que l’Eglise soit donc pour eux, une maison accueillante, bien que ces unions ne puissent pas être assimilées au mariage entre un homme et une femme, et que l’Eglise juge inacceptables les pressions d’organismes internationaux soumettant les aides financières à la condition d’introduire des lois s’inspirant de l’idéologie du gender. Sans nier les problématiques morales liées aux unions homosexuelles, on prend acte qu’il existe des cas où le soutien réciproque jusqu’au sacrifice constitue une aide précieuse pour la vie des partenaires. De plus, l’Eglise prête une attention spéciales aux enfants qui vivent avec des couples du même sexe, en insistant que les exigences et les droits des petits doivent toujours être au premier rang.
Dans la dernière partie, le document reprend les thèmes de l’encyclique Humanæ Vitæ de Paul VI et se concentre sur la question de l’ouverture à la vie, en la définissant comme une exigence intrinsèque de l’amour conjugal. D’où la nécessité d’un langage réaliste qui sache expliquer la beauté et la vérité de s’ouvrir au don d’un enfant, grâce aussi à un enseignement adéquat sur les méthodes naturelles de régulation de la fertilité et à une communication harmonieuse et consciente entre les époux dans toutes ses dimensions. En outre, le défi éducatif est fondamental et l’Eglise a un rôle précieux de soutien aux familles, dans leurs choix et leurs responsabilités. Enfin, le Cardinal Erdö souligne que le dialogue synodal s’est déroulé en toute liberté et dans un mode d’écoute réciproque et rappelle que les réflexions proposées jusqu’ici ne sont pas des décisions déjà prises : le chemin se poursuivra, en effet, avec le Synode générale ordinaire, toujours sur le thème de la famille, prévu en octobre 2015.
(3) Entretien donné par le cardinal Burke en anglais
Donné à The Catholic World Report : Cardinal Burke : Synod’s mid-term report « lacks a solid foundation in the Sacred Scriptures and the Magisterium »
(4) Interview du Président de la Conférence des évêques polonais, Mgr Stanislaw Gadecki
Dooné à Radio Vatican : The Great Division – Wojtyla Nation to the Rescue. President of the Polish Bishops” Conference : « Synod Document Unacceptable »