Un pasteur pour les Chaldéens traditionalistes du Val d’Oise (95) – L’histoire de l’Eglise chaldéenne

M. l’ab­bé Daniel SABUR lors de son ordian­tion sacer­do­tale , le 2 juillet 2016, par Mgr de Galarreta

Le 2 juillet der­nier, une céré­mo­nie d’ordination se dérou­lait à Saint-​Nicolas du Chardonnet, celle de mon­sieur l’Abbé Daniel Sabur, par les soins de Mgr de Galarreta. Petite par­ti­cu­la­ri­té : d’origine chal­déenne, le nou­vel ordon­né peut célé­brer aus­si bien dans le rite latin que chal­déen. Et le 14 juillet, il nous fit l’honneur de venir chan­ter une pre­mière messe au Bois (en rite latin). L’après-midi, il nous par­la de sa com­mu­nau­té, de son rite et du minis­tère qu’il allait rem­plir. Puisqu’il nous l’a per­mis, nous allons donc rela­ter en quelques lignes l’histoire de cette com­mu­nau­té chal­déenne ins­tal­lée en France, avant de pré­sen­ter un peu ce rite si ancien dont les fidèles com­mencent aus­si, mal­heu­reu­se­ment, à être tou­chés par les déviances modernistes.

Il existe donc en région pari­sienne un groupe de chré­tiens venus du sud de la Turquie, dans les années 1970–1980, avec leurs prêtres, pour fuir les per­sé­cu­tions. Les Chaldéens sont aujourd’hui 15 000 en France, dont 5 000 plus ou moins pra­ti­quants, répar­tis à Paris, Lyon, Marseille et Pau. Certains sont « pra­ti­quants », mais non « croyants » ; il s’agit alors d’une simple néces­si­té sociale, ou d’une tra­di­tion fami­liale, cultu­relle. Comme chez beau­coup de catho­liques latins, on remarque une dicho­to­mie entre la pra­tique reli­gieuse et la vie vrai­ment chré­tienne au quo­ti­dien. Les familles comptent en moyenne six enfants, pour l’instant, grâce à l’influence de la géné­ra­tion pré­cé­dente. Mais le libé­ra­lisme et le maté­ria­lisme com­mencent à les gagner, elles aus­si. Les anciens son­geaient à retour­ner dans leur pays dès que pos­sible, mais la nou­velle géné­ra­tion en montre moins de désir, à la pers­pec­tive des pri­va­tions qui s’ensuivraient.

Une cen­taine de ces Chaldéens, situés dans le Val d’Oise, s’accrochent à la Tradition et ont deman­dé à mon­sieur l’Abbé Bouchacourt la litur­gie tra­di­tion­nelle dans leur rite. L’Abbé Sabur, né en France d’une famille de onze enfants et ayant fait son sémi­naire à Ecône, a donc été dési­gné pour la célé­brer tous les dimanches dans la cha­pelle de la Fraternité St-​Pie X à Pontoise.

Etant enfant, il ser­vait la messe chal­déenne, et sa bonne mémoire lui per­mit de rete­nir les gestes du prêtre. Cependant, il s’appuie prin­ci­pa­le­ment sur les com­men­taires et écrits qui ont été faits sur la litur­gie tra­di­tion­nelle chal­déenne, mais aus­si sur les vidéos qui montrent de façon pré­cise les gestes du prêtre. Par ailleurs, il a pu se pro­cu­rer un rituel pour les sacre­ments. Pour l’instant, il prêche en chal­déen cou­rant (ou sou­reth). Sa dif­fi­cul­té reste le chant, car il n’y a pas de livres pour cela, tout se trans­met­tait par oral. Heureusement, il y a quelques années, un fidèle avait eu la bonne idée de faire des enregistrements.

Le cler­gé chal­déen, quant à lui, est très moder­niste, à l’exemple du patriarche de Bagdad, avec une men­ta­li­té assez fonc­tion­naire, tenant à sa place et rebu­tant même d’éventuelles voca­tions. A Paris, ils sont cinq prêtres, dont deux d’environ 60–70 ans, et un ordon­né en 2015. Ils n’ont pas hési­té à mener une cam­pagne contre l’Abbé Sabur, le trai­tant de schis­ma­tique, et fai­sant pres­sion sur les fidèles pour qu’ils n’assistent pas à son ordi­na­tion et ne le suivent pas. 2 000 Chaldéens, au moins, étaient atten­dus à Saint-​Nicolas le 2 juillet der­nier ; fina­le­ment « seule » la nef fut rem­plie. La télé­vi­sion assy­rienne (les « nes­to­riens », qui se sont don­né la déno­mi­na­tion d’ « Église assy­rienne » depuis la 1ère guerre mon­diale) aurait vou­lu être pré­sente, mais le nou­veau prêtre a refu­sé afin d’éviter toute confu­sion ; en effet, lui comme eux s’opposent à la Rome actuelle, mais pas pour les mêmes rai­sons, et il s’agit de ne pas faire de rap­pro­che­ment entre ces deux groupes qui divergent tota­le­ment dans le fond : l’un se trouve dans la seule véri­table Eglise, l’autre en est sépa­ré par le schisme et l’hérésie, comme expli­qué ci-dessous.

Voyons donc briè­ve­ment l’histoire de cette chré­tien­té si véné­rable par son anti­qui­té et le déve­lop­pe­ment brillant qu’elle a connu.

Dès son ori­gine, et pro­ba­ble­ment avec saint Thomas et son dis­ciple Addaï, le chris­tia­nisme péné­tra en Chaldée par la Mésopotamie, mais ne s’adressa guère, au début, qu’aux nom­breuses colo­nies juives éta­blies dans la région. L’évangélisation com­plète de la Chaldée ne com­men­ça vrai­ment qu’au IIIe siècle, peut-​être avec les saints Aggaï et Mari. Les liens avec Antioche et l’Église uni­ver­selle furent rom­pus en 424 et l’Eglise chal­déenne de Perse devint indé­pen­dante au point de vue admi­nis­tra­tion ecclé­sias­tique. La civi­li­sa­tion chré­tienne y était d’ailleurs riche ; les Pères apos­to­liques, les Pères grecs, les phi­lo­sophes comme Aristote et Platon furent tra­duits en langue syriaque. Un séminaire-​université fut fon­dé à Nisibe, ville dont Saint Ephrem, la « cithare du Saint-​Esprit », fut la gloire.

Malheureusement, beau­coup de jeunes chré­tiens fré­quen­taient l’école de théo­lo­gie d’Edesse où les erreurs de Nestorius étaient publi­que­ment ensei­gnées. C’est ain­si que le « nes­to­ria­nisme » comme on l’appela, péné­tra en Perse et y devint la doc­trine offi­cielle. Vers 498, la rup­ture fut com­plète avec l’Eglise catho­lique. Malgré les per­sé­cu­tions qu’elle eut à subir des Perses, l’Eglise chal­déenne sépa­rée de Rome se déve­lop­pa vigou­reu­se­ment, et au XIIIe siècle elle avait près de 50 mil­lions de fidèles répar­tis en 230 dio­cèses, s’étendant jusqu’en Mongolie, en Chine et au sud de l’Inde. Mais, au siècle sui­vant, l’invasion de Tamerlan, musul­man zélé et grand per­sé­cu­teur, la rui­na presque totalement. 

Au XIIIe siècle déjà, plu­sieurs patriarches de Bagdad avaient ral­lié l’Eglise catho­lique, grâce aux mis­sions des Dominicains. En 1553, devant les dérives d’un patriarche, un groupe de nes­to­riens fit appel à Rome et une Eglise chal­déenne catho­lique fut consti­tuée, avec son propre patriarche por­tant le titre de « patriarche de Babylone » et rési­dant à Bagdad, puis à Mossoul. Actuellement, il se trouve de nou­veau à Bagdad. Les deux der­niers siècles ont vu de nom­breux retours à Rome, mais le Concile Vatican II a stop­pé ce mou­ve­ment, et, par ailleurs, beau­coup de Chaldéens, catho­liques ou non, ont péri dans les per­sé­cu­tions turques de 1914–1918.

Aujourd’hui, pour résu­mer la situa­tion, il existe deux Eglises assy­riennes (ou « nes­to­riennes ») : l’une (« Église apos­to­lique assy­rienne de l’Orient ») dont le patriarche, exi­lé aux Etats-​Unis depuis 1933, vient avec cou­rage d’opérer son retour en Irak, et l’autre demeu­ré en Irak (« Ancienne Église de l’Orient ») ; et il y a l’ « Église catho­lique chal­déenne » dont les fidèles sont fixés sur­tout en Irak, près de Mossoul. Tous ces chré­tiens forment l’ensemble des Assyro-​Chaldéens et ont pour langue litur­gique l’araméen-syriaque, langue la plus proche de l’araméen par­lé par Notre-​Seigneur. On trouve éga­le­ment en Inde des chré­tiens de rite chal­déen, appe­lés Malabares, les uns catho­liques, les autres mono­phy­sites et rat­ta­chés à Antioche. Ce rite y par­vint vrai­sem­bla­ble­ment à la faveur de l’émigration des chré­tiens fuyant les per­sé­cu­tions des Perses, au IVe siècle.

Trois litur­gies sont uti­li­sées dans le rite chal­déen, celle des apôtres, la plus grande par­tie de l’année, celle de Théodore et celle dite de Nestorius. Le prêtre chante tout, même les paroles de la consé­cra­tion. Si celles-​ci ne sont pas écrites dans le mis­sel, c’est à cause de la loi de l’arcane (= fait de gar­der plus ou moins secrets cer­tains élé­ments de la foi ou du culte, en temps de per­sé­cu­tion), qui a pu se conser­ver. Mais les Assyriens, eux, uti­lisent l’ana­phore d’Addaï et Mari sans les paroles de la consé­cra­tion, ce qui la rend inva­lide. On remarque une atti­tude propre à cette litur­gie : à l’anaphore, notam­ment, le prêtre s’incline pro­fon­dé­ment en éten­dant les mains, sup­pliant et humble. Par ailleurs, les icônes ne sont pas néces­saires à la litur­gie, contrai­re­ment à d’autres rites d’Orient, et servent plu­tôt à orner le sanctuaire. 

Si la litur­gie chal­déenne, dans son ensemble, n’a pas subi de bou­le­ver­se­ments après le der­nier concile, on note cepen­dant quelques chan­ge­ments qui ne vont guère dans le bon sens. Ainsi, en 1971, on a rac­cour­ci des prières de la messe pour sup­pri­mer des temps de silence et, sur­tout, on a sup­pri­mé toutes les génu­flexions, ne lais­sant que celles autour de la Consécration. Depuis 2015, les prêtres célèbrent face au peuple et la litur­gie nou­velle laisse le prêtre nom­mer à son gré Marie, Mère de Dieu ou Mère du Christ afin de se rap­pro­cher des Assyriens (Nestorius niait l’unicité de per­sonne en Notre-​Seigneur, et donc la mater­ni­té divine de Notre-​Dame). Et le patriarche annonce de nou­veaux chan­ge­ments pour 2020… Ce digne pré­lat a d’ailleurs des pro­pos éton­nants : selon lui, la trans­sub­stan­tia­tion a lieu non au moment des paroles de la consé­cra­tion, mais quand le prêtre récite l’épiclèse (invo­ca­tion au Saint-​Esprit), erreur dénon­cée par les papes Pie VII et saint Pie X, et qui est jus­te­ment com­mune à tous les Orientaux dis­si­dents ! Il déclare aus­si que le rôle de l’Eglise est de for­mer des imams… et, lors d’une confé­rence en France, il a récla­mé de l’argent, qui sert aus­si bien aux catho­liques qu’aux musulmans.

Bref, la situa­tion de cette Eglise chal­déenne n’est pas plus brillante que celle de l’Eglise romaine. Et nous ne pou­vons que nous réjouir et rendre grâce à Dieu que quelques-​uns de ses membres aient gar­dé toute la Tradition, tant litur­gique que doc­tri­nale, et qu’ils aient désor­mais un pasteur. 

Avec les com­mu­nau­tés de Lettonie et d’Ukraine, qui emploient toutes deux la litur­gie byzan­tine, ce sont les seuls catho­liques orien­taux qui conservent la pure­té de la foi. Prions donc pour leur per­sé­vé­rance et leur déve­lop­pe­ment, en n’oubliant pas ce que disait Léon XIII, à la suite de bien des papes : « Il importe de conser­ver des rites orien­taux, dont la glo­rieuse anti­qui­té, qui les rend si res­pec­tables, jette sur l’Eglise entière un lustre remar­quable et atteste la divine uni­té de la foi catholique. »

Sources : La Simandre (1) de novembre 2016 /​La Porte Latine du 25 novembre 2016

(1) La Simandre, bul­le­tin de la Fraternité de la Transfiguration ; voir infra.

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