Dimanche prochain débutera une nouvelle année liturgique, abbé Christian Bouchacourt – 25 novembre 2016

Dimanche pro­chain débu­te­ra une nou­velle année litur­gique dans laquelle nous com­men­ce­rons à célé­brer, comme l’Église le pré­voit depuis les pre­miers siècles, le mys­tère de l’Incarnation à tra­vers le cycle de Noël. La struc­ture du calen­drier litur­gique est élo­quente : elle com­mence tou­jours par pré­voir un temps de pré­pa­ra­tion à la fête, puis la fête elle-​même, qu’elle pro­longe ensuite par une fête secon­daire qui lui est asso­ciée. Nous connais­sons bien ce dérou­le­ment tra­di­tion­nel du cycle de Noël : d’abord le temps de l’Avent qui nous pré­pare à la fête de la Nativité de Notre-​Seigneur, pro­lon­gée elle-​même par la fête de l’Épiphanie. Mais, arri­vés au seuil de ce temps de l’Avent, pouvons-​nous dire que nous en avons bien com­pris toute l’importance et toute la por­tée péda­go­gique que la sainte Église y a mis pour le bien de nos âmes ? Sommes-​nous au fait de l’esprit dans lequel l’Église sou­haite que nous abor­dions ce temps de pénitence ?

Un bref rap­pel his­to­rique s’impose pour nous per­mettre de sai­sir la vraie dimen­sion de l’Avent. Primitivement, le mot avent se pre­nait pour le jour même de Noël, qui est l’avènement du Seigneur : adven­tus Domini. Par exemple les hymnes que saint Ambroise a com­po­sées pour la fête de Noël portent le titre : De adven­tu Domini. C’est depuis le viie siècle seule­ment qu’on l’a employé pour dési­gner le temps que l’on consacre à se dis­po­ser à la célé­bra­tion de cette fête. On sup­pose que le temps de l’Avent tel que nous le connais­sons a com­men­cé à Rome, et qu’il n’a été admis en France que lorsqu’on y a reçu le rit romain, c’est-à-dire au viiie ou au ixe siècle. Cependant le concile de Mâcon de 581 atteste qu’il était deman­dé à tous les fidèles de jeu­ner trois fois par semaine depuis la fête de saint Martin (11 novembre) jusqu’à Noël. Cette cou­tume, sui­vie seule­ment dans les Gaules, est confir­mée par Grégoire de Tours. Ceci nous per­met de com­prendre que le temps de l’Avent n’a été ajou­té que pour aider les fidèles à se dis­po­ser à la venue du Seigneur, pour leur per­mettre de prendre le temps d’exciter dans leur âme le désir de cette venue. Nous en avons pour preuve cet usage tou­chant et fort ancien de l’église de Marseille qui pré­voyait que, pen­dant l’Avent, le chœur inter­rom­pait le chant de l’Office divin entre les Matines et les Laudes pour se mettre à genoux et « sou­pi­rer après l’attente du salut ». N’est-ce pas d’ailleurs ce que dit le Martyrologe romain au pre­mier dimanche de l’Avent, quand il fait annon­cer au chantre : « Le pre­mier dimanche du temps de pré­pa­ra­tion à la venue de Notre-​Seigneur Jésus-Christ. »

Bien évi­dem­ment, il ne s’agit pas d’attendre la venue his­to­rique du Messie puisqu’elle a déjà eu lieu il y a plus de 2000 ans, ni de nous pré­pa­rer expli­ci­te­ment à son retour pour la parou­sie. Mais il s’agit de se pré­pa­rer à la venue de sa grâce. L’Avent est net­te­ment un temps de désir, d’aspirations, d’attente. Pour que la nour­ri­ture soit pro­fi­table, il faut que le corps ait la sen­sa­tion de la faim. Dieu non plus ne veut pas impo­ser sa grâce à des âmes ras­sa­siées. « Ceux qui ont faim, il les rem­plit de biens ; quant aux riches, il les ren­voie les mains vides » affirme la sainte Vierge dans son Magnificat. C’est là une des plus anciennes lois du royaume de Dieu. C’est pour­quoi, pen­dant quatre semaines, l’Église nous fait res­sen­tir la faim spi­ri­tuelle, le besoin de Rédemption, afin de nous rendre dignes de rece­voir la grâce de l’Incarnation puis de la Rédemption. Pour ce faire, elle nous repré­sente dra­ma­ti­que­ment le pre­mier avè­ne­ment du Christ et, dans ce drame sacré, elle nous fait par­ta­ger la faim spi­ri­tuelle, l’ardent désir des saints patriarches qui ont atten­du le Messie dans l’Ancien Testament. En même temps, elle nous fait entre­voir la mer­veilleuse méthode édu­ca­tive dont Dieu s’est ser­vi pour pré­pa­rer l’humanité à la venue du Rédempteur : plus de 4000 ans d’épreuves natu­relles et sur­na­tu­relles qui ont contraint l’humanité à réa­li­ser sa pro­fonde misère et son inca­pa­ci­té à se pro­cu­rer le salut par elle-​même. Combien il importe, à nous pour qui la venue du Messie est deve­nue une évi­dence his­to­rique depuis 2000 ans, évi­dence qui nous rend banal cet évè­ne­ment pour­tant si extra­or­di­naire, que nous nous replon­gions dans ces dis­po­si­tions d’attente sou­cieuse et de sainte impa­tience afin d’apprécier le don mer­veilleux du salut et son entière gratuité.

Nous pour­rions même dire que ces dis­po­si­tions de sainte espé­rance, propres au temps de l’Avent, sont encore plus néces­saires dans notre vie chré­tienne actuelle. En effet nous sommes obli­gés de consta­ter, dans ces mal­heu­reux temps qui sont les nôtres, les défec­tions des hommes d’Église de toutes ten­dances et de leurs fidèles, les tra­hi­sons à l’encontre de Notre-​Seigneur comme le décrit saint Louis-​Marie Grignion de Montfort dans sa Prière embra­sée : « Votre divine loi est trans­gres­sée, votre Évangile est aban­don­né, les tor­rents d’iniquité inondent toute la terre et entraînent jusqu’à vos ser­vi­teurs, toute la terre est déso­lée, l’impiété est sur le trône, votre sanc­tuaire est pro­fa­né et l’abomination est jusque dans le lieu saint… Tout deviendra-​t-​il à la fin comme Sodome et Gomorrhe ? » Par ces cir­cons­tances tra­giques, nous expé­ri­men­tons plus que jamais la véra­ci­té de ce pas­sage du pro­phète Jérémie : « Ainsi parle l’Éternel : Maudit soit l’homme qui se confie en l’homme, qui prend la chair pour son appui, et dont le cœur se détourne de l’Éternel ! » (Jér., XVII, 5). Dans ces épreuves que nous tra­ver­sons, Dieu éprouve notre ver­tu sur­na­tu­relle d’espérance. Il per­met les défec­tions de ses ministres, pour nous rap­pe­ler qu’il est le seul auteur de notre salut. Cette grande véri­té nous est aus­si rap­pe­lée par un pro­phète sou­vent cité dans la litur­gie de l’Avent : le pro­phète Isaïe, aux chapitresXXXI et XXXII.

Faisons en sorte que le grand mérite de cet Avent que nous nous apprê­tons à vivre soit de nous affer­mir dans l’espérance. Cette ver­tu théo­lo­gale, vitale à notre orga­nisme sur­na­tu­rel, nous fait tendre vers la béa­ti­tude éter­nelle aper­çue comme un bien futur qui nous est ren­du pos­sible, mais non sans dif­fi­cul­tés. L’Avent nous dis­pose pré­ci­sé­ment à accueillir ce Sauveur qui vient nous rou­vrir les portes du Ciel, qui après le péché ori­gi­nel nous rend à nou­veau le salut pos­sible, et par la grâce de qui nous pour­rons vaincre toutes les embûches qui s’interposent entre nous et notre salut. Quoi qu’il arrive, quelles que soient les épreuves ou les chutes, quelles que soient les tri­bu­la­tions ou les scan­dales, nous ne nous lais­se­rons jamais décou­ra­ger ni abattre, car notre force est dans le nom du Seigneur, lui qui a créé le ciel et la terre, lui le Tout-​puissant qui a rache­té son peuple. C’est de ce petit enfant-​Dieu dans la crèche, si fra­gile en appa­rence, que nous atten­dons notre salut et notre force, pas des hommes ni de leurs ins­ti­tu­tions. Et plus les obs­tacles s’accumulent pour nous empê­cher de gagner le Ciel, plus la ver­tu d’espérance doit être là pour nous fait attendre de l’aide toute puis­sante de Dieu les secours qui nous per­met­tront de les surmonter.

Abordons le temps de l’Avent avec ces dis­po­si­tions et ce dyna­misme sur­na­tu­rel. Demandons à la Mère du Messie de dis­po­ser nos âmes à rece­voir sa grâce. Elle qui l’a don­né au monde une pre­mière fois dans sa chair, le donne une deuxième fois à l’âme des fidèles par sa média­tion de grâce. 

Notre-​Dame de la Sainte-​Espérance, convertissez-nous.

Abbé Christian BOUCHACOURT, Supérieur du District de France de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Suresnes, le 25 novembre 2016, fête de sainte Catherine – Vierge et Martyre

Source : La Porte Latine du 25 novembre 2016

FSSPX Second assistant général

Né en 1959 à Strasbourg, M. l’ab­bé Bouchacourt a exer­cé son minis­tère comme curé de Saint Nicolas du Chardonnet puis supé­rieur du District d’Amérique du Sud (où il a connu le car­di­nal Bergoglio, futur pape François) et supé­rieur du District de France. Il a enfin été nom­mé Second Assistant Général lors du cha­pitre élec­tif de 2018.