Les contraintes sanitaires actuelles dissolvent la société, le gouvernement actuel du pape a tendance à dissoudre l’Église.
Les contraintes sanitaires décrétées par les gouvernements ont imposé à la population, volontairement ou non, une dissolution sociale. Les enfants désormais obligés d’étudier sans plus aller à l’école et leurs pères contraints de se fixer sur leur ordinateur ont dû trouver, sous le même toit, le bon mode de vie pour ne pas se gêner mutuellement. Tous ont dû trouver, dans le même temps et dans le même lieu, le moyen de vaquer à des occupations complètement disparates les unes des autres. Le repliement sur soi est devenu une nécessité et le sort de tous. Voilà le paradoxe : un isolement universel. Qui ne voit le dilemme terrible auquel nous sommes acculés – un totalitarisme s’érige face à une démocratie qui se délite ? Les penseurs modernes, rongés par le mode opératoire binaire favorisé par l’ordinateur, résolvent tout, à coup d’algorithme, et ne sortent pas de la vieille ambiguïté : le choix entre la multitude ou l’unité. Les uns veulent coûte que coûte privilégier l’unité, même au prix d’écraser la multitude, tandis que d’autres prétendent le contraire et laisser vivre la diversité au risque d’ébranler l’unité. Les pères de famille éprouvent tous les jours cette ambiguïté ! Chacun de ses enfants demande une attention particulière à laquelle il est attentif sans nuire pour autant à l’unité de sa famille tout entière. C’est le b. a.-ba de tout prince bien né : « Comme les hommes existent nombreux, chacun irait de son côté s’il n’y avait pas quelqu’un pour avoir soin du bien de la multitude. » (Saint Thomas d’Aquin) Le pouvoir a justement pour fonction d’ordonner une multitude, c’est-à-dire de l’unifier sans la détruire.
Le vice de la modernité consiste à voir une contradiction entre l’unité et la multitude. Dès lors la première s’oppose nécessairement à la seconde et l’instabilité devient endémique parce que cette opposition est contre nature. On bascule alors d’un excès de pouvoir à son absence. Retenir chacun chez soi donne à l’État un pouvoir quasiment direct sur tous. Le totalitarisme unitaire prend la place d’une démocratie plurielle déliquescente.
Malheureusement cette déviation révolutionnaire est entrée dans l’Église. La monarchie divine fondée par Jésus-Christ tend à devenir une pluralité appelée synodale au détriment du pouvoir du pape. On bascule de l’unité à la pluralité non seulement parce que le pouvoir du vicaire du Christ tend à se dissoudre en toutes sortes d’assemblées mais plus encore parce que l’Église catholique s’étiole par œcuménisme au milieu d’un ensemble de religions plus ou moins idolâtres. Cette gangrène de l’Église de Jésus-Christ qui la prive de son unité foncière la transforme en Église « conciliaire ». La catholicité est devenue une universalité vague et sans règle ou chacun trouve son compte appuyé sur son sentiment personnel. Voilà une autre forme d’isolement universel qui conduit subrepticement à un pouvoir fort outrancier.
Cette erreur est vraiment dangereuse d’abord parce qu’elle corrompt la foi en l’unité de l’Église qui est un article de foi, comme le signifiait Pie VII : « Le Rédempteur des hommes, après avoir acquis cette Église au prix de son sang, a voulu que ce joyau de l’unité fût pour elle un attribut propre et particulier qu’elle conservât jusqu’à la fin des siècles. » Mais en plus l’intelligence est corrodée au point de ne plus saisir que le pape, vicaire de Jésus-Christ, a un pouvoir direct sur chacun des chrétiens comme sur chacun des évêques et des prêtres, en même temps que chaque évêque a aussi un pouvoir direct sur chacune de ses ouailles et sur ses prêtres. Cette admirable composition fait de l’Église en même temps une famille, un diocèse et aussi une cité politique. C’est bien le seul cas où une amitié à la fois familiale, conjugale, politique et élective unifie parfaitement tous les membres d’une multitude de sociétés moindres. La sainte Écriture use souvent de ces analogies : « Si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers… » ou bien « moi, Jean, je vis la ville sainte… qui venait de Dieu parée comme une épouse » ou encore, « vous n’êtes plus des étrangers qui sont hors de la maison, mais vous êtes citoyens de la même cité que les saints et domestiques de la maison de Dieu ». Saint Jean dit encore : « Je ne vous appellerai plus serviteurs… mais je vous ai appelés mes amis parce que je vous ai fait savoir tout ce que j’ai appris de mon Père. » Même si les pouvoirs établis s’ingénient à corrompre ces vérités, gardons au cœur la charité qui est la seule vertu qui puisse unir parfaitement une diversité.
Abbé Benoît de Jorna, Supérieur du District de France
Source : Editorial de la revue Fideliter n° 259