Lettre aux mamans n° 29 d’avril 2011

N° 29 – Avril 2011

hère Madame,

Précédemment, je vous écri­vais que l’amour, même humain, n’est pas un sen­ti­ment ; il est une volon­té qui tend vers le bien. Aimer, c’est « vou­loir du bien », c’est l’acte par lequel la volon­té se porte vers le bien. Mais de quel bien s’agit-il ? Comment savoir que c’est « bien » ?

Le corps a ses ins­tincts ; mais l’âme humaine en a, elle aus­si. Elle aime natu­rel­le­ment tout ce qui repré­sente l’idéal du beau, du bien et du vrai. Cette ten­dance doit être éveillée très tôt dans l’âme du petit, afin de dis­po­ser en elle tout ce qu’il peut y avoir de grand, de noble et de géné­reux. Et ceci grâce à l’éducation : elle va s’emparer de cette pré­dis­po­si­tion et la culti­ver. Notamment, je pense à la géné­ro­si­té. Le petit est natu­rel­le­ment géné­reux : à vous, Chère Madame, d’en­tre­te­nir cette ten­dance, en dévoi­lant à l’enfant com­ment tra­vailler sa géné­ro­si­té, en l’en­cou­ra­geant à accom­plir des actes. Donnons quelques exemples : ramas­ser un papier, même si ce n’est pas lui qui l’a fait tom­ber ! Rendre ser­vice en ran­geant sa chambre, faire son lit ; même si c’est moins bien fait que par vous : il faut accep­ter les petites imper­fec­tions pour faire avan­cer votre enfant, pour le sti­mu­ler dans cette voie. Certes, cela demande, de votre part, une cer­taine ingé­nio­si­té, une pré­voyance, et l’œil pour le suivre en l’encourageant, ain­si que la patience pour savoir attendre tout en sur­veillant ses hési­ta­tions, ses efforts : que de ver­tus à mettre en pra­tique aus­si du côté de l’éducatrice que vous êtes !

L’enfant doit, par votre com­por­te­ment et votre exemple, coopé­rer à l’œuvre de son édu­ca­tion que vous cher­chez à lui trans­mettre. Vous avez reçu et accep­té la mis­sion sacrée de for­mer un homme. Rien n’est petit de ce qui tient à la des­ti­née humaine ; aus­si une grande atten­tion vous est deman­dée pour mener à bien cette tâche.

Parfois, des mamans me disent que leurs enfants sont inca­pables d’obéir. Je reviens sur le sujet de l’o­béis­sance car celle-​ci me semble impor­tante, voire fon­da­men­tale dès la petite enfance. L’enfant ne peut pas obéir s’il n’a pas appris à écou­ter la voix de sa conscience, pour ensuite la suivre, c’est-à-dire en s’y sou­met­tant. Aussi, je vais vous par­ler de cette conscience qui est à for­mer très tôt avant qu’elle ne soit peu à peu « déformée ».

Cette conscience est le guide de tout être humain ; mais la maman est la pre­mière per­sonne qui va faire connaître à son enfant son exis­tence : en lui appre­nant à « écou­ter » cette voix toute inté­rieure et en l’incitant à la suivre, car là aus­si, l’enfant ren­contre des dif­fi­cul­tés pro­ve­nant des pen­chants de sa nature ; ce que nous ver­rons plus loin.

La conscience est une lumière car elle montre ce qu’il faut faire. Mais elle ne donne pas la force pour agir : cette der­nière regarde la volon­té, aidée de la grâce.

Elle est aus­si cette voix mys­té­rieuse qui, si elle ne pousse pas à faire le bien, le lui montre. Il ne peut pas la faire taire. Si elle n’est pas sui­vie, elle se mani­fes­te­ra par des reproches.

Mais à côté de cette voix qui agit sur la rai­son, il y a l’instinct ou cette ten­dance au plai­sir, qui attire vers ce qui est oppo­sé à cette voix. L’enfant se rend bien compte de cette lutte entre l’instinct qui l’invite à faire quelque chose et la rai­son qui lui dicte le contraire au tra­vers de cette « voix mys­té­rieuse ». Cette ten­dance au plai­sir pousse et entraîne : de là vient la lutte dans l’âme de l’enfant. C’est ce com­bat qui rend toute obéis­sance dif­fi­cile. Soyez bien consciente de cette lutte pour aider l’enfant à vaincre cette ten­dance et suivre la voix du devoir, du bien à accom­plir. Vous com­pre­nez sans peine com­bien se fâcher, crier après l’enfant est – pas tou­jours mais sou­vent – un non sens ! Au lieu de l’aider à sur­mon­ter, au lieu de le for­ti­fier pour se vaincre dans cette lutte, vous le décou­ra­gez : le résul­tat est tout à fait l’op­po­sé ! Et vous aurez beau crier, votre enfant devien­dra insen­sible et indif­fé­rent à ces cris répé­tés. Que de fois j’entends des mamans décou­ra­gées s’ex­cla­mer « mais que faire ? » Tout sim­ple­ment et sur­tout ne pas bais­ser les bras ! Je tente de vous démon­trer ici, la cause de ces déso­béis­sances…. et le remède… A vous de conclure.

Oui, mais com­ment chan­ger ? En repre­nant les rênes de l’éducation. Retenez cette maxime : « il faut tou­jours cher­cher à éton­ner l’enfant ». Donc essayez de chan­ger tota­le­ment votre façon d’agir avec votre enfant rebelle à l’obéissance ; il a l’habitude de vous entendre crier après lui ? Alors, répon­dez par un grand silence tout en le regar­dant fixe­ment dans les yeux… en invo­quant la Vierge Marie…. afin que la grâce des­cende dans l’âme de votre enfant et l’apaise. Ce n’est qu’une fois la paix retrou­vée que l’enfant sera récep­tif à votre parole et que le contact avec maman se réta­bli­ra. Alors, dou­ce­ment mais fer­me­ment, conti­nuez à réité­rer votre demande.

Nous venons de voir qu’il faut aider l’enfant à écou­ter la voix de sa conscience et à être atten­tif à cette lutte inté­rieure évo­quée par la pré­sence de cette recherche de la satis­fac­tion de son plaisir.

Il est donc impor­tant de « bien » for­mer cette conscience, car on peut la faus­ser. Pour cela, appre­nez à l’enfant à aimer le bien qui est à faire, à lui rendre ce bien plus atti­rant que ce plai­sir inné. D’autre part, s’il ne répond pas à cette attente, il ne fau­drait pas le mena­cer en lui disant par exemple au moment où il vient de cas­ser – acci­den­tel­le­ment et non volon­tai­re­ment – votre vase de cris­tal en jouant, que c’est « grave », mais lui faire com­prendre la peine occa­sion­née. Pour l’enfant (selon l’âge bien évi­dem­ment), le mot « grave » lui rap­pelle « péché mor­tel », parce qu’au caté­chisme il a appris que le péché mor­tel est un péché grave. L’adulte n’imagine pas suf­fi­sam­ment la por­tée des mots dans la tête de l’enfant. Apprenez à votre enfant à être vrai avec lui-​même, en étant vous-​même vraie avec lui. La véri­té rend libre, de la liber­té des enfants de Dieu que nous sommes.

Se fâcher pour un rien, c’est une autre manière de faus­ser la conscience : la mesure est de mise partout.

A l’inverse, que de fois des enfants disent, après avoir com­mis une bêtise : « je ne l’ai pas fait exprès ». Ne faut-​il pas leur incul­quer sou­vent et conti­nuel­le­ment le res­pect d’au­trui et du bien d’au­trui ? Souvent je leur dis : « Si Jésus était là, est-​ce que tu l’aurais fait ? » La réponse est immé­diate : « Oh Non ! » Oui, mais Dieu est par­tout et Il était là ! Mettons l’enfant devant la réa­li­té : Dieu est tou­jours là, Il est par­tout, Il voit tout, Il entend tout, et Il m’aime. Cette réa­li­té le frappe, l’impressionne plus que vous ne le pen­sez. Ce regard de Dieu qui se penche sur sa créa­ture : quel acte de foi vous appre­nez ain­si, à faire à votre enfant ; il s’en rap­pel­le­ra quand il sera seul avec sa conscience.

Laisser tou­jours l’enfant s’excuser avec un « je ne l’ai pas fait exprès », sans réagir, c’est lui don­ner une conscience « large » au lieu de lui apprendre à éva­luer – tou­jours selon son âge – l’im­por­tance de l’acte com­mis. Nous devons for­mer une conscience droite et déli­cate, et l’aider à pen­ser : « je ne veux pas faire de peine au Bon Dieu » plu­tôt que tou­jours dire : « c’est défen­du ». Ainsi vous lui appren­drez com­ment aimer Dieu en acte.

Pie XII nous dit que : « …for­mer la conscience chré­tienne d’un enfant(…) consiste avant tout à éclai­rer son esprit sur la volon­té du Christ, sa loi, le che­min qu’il indique, et en outre à agir sur son âme autant que cela peut se faire du dehors, afin de l’a­me­ner à accom­plir tou­jours libre­ment la volon­té divine. Voilà quelle est la tâche la plus haute de l’é­du­ca­tion. » (Journée de la famille en Italie, le 23 mars 1952)

Aidez votre enfant à voir cette lumière qui brille dans son cœur, à écou­ter cette voix qui lui signale où est le bien à accom­plir et le mal à évi­ter et trans­met­tez lui cet amour pour le bien.

Pour vous aider à appro­fon­dir ces quelques lignes, je vous invite à lire ou à relire, dans le livre cité plus bas, tout le cha­pitre 17 qui traite plus à fond ce sujet.

Bonnes et saintes fêtes de Pâques.

(à suivre)

Une Religieuse.

Adresse cour­riel de la Lettre aux mamans sur l’éducation

Conseil de lec­ture : L’éducation chré­tienne de l’abbé Alain Delagneau – « Marchons droit » Prieuré N‑D du Pointet.