Une âme de feu : Auguste Marceau

Officier de la marine royale, il n’au­ra à la fin de sa vie plus qu’une seule pré­oc­cu­pa­tion : ser­vir Dieu et répa­rer la malice de sa vie pas­sée en sou­te­nant les mis­sion­naires fran­çais envoyés en Océanie.

Auguste Marceau ne pou­vait devi­ner qu’il pas­se­rait la fin de sa vie à sou­te­nir les mis­sion­naires fran­çais envoyés en Océanie. Nous sommes dans les années 1830. Né en 1806, étu­diant brillant issu d’un milieu indif­fé­ren­tiste et volon­tiers anti­clé­ri­cal – il est le neveu du géné­ral Marceau qui com­bat­tit contre les Vendéens – poly­tech­ni­cien qui choi­si­ra la marine dont il devien­dra offi­cier pour exer­cer ses talents, Marceau mena d’abord une vie débau­chée et se fit craindre de ses subor­don­nés, en rai­son de son auto­ri­ta­risme qu’il alliait à un réel savoir-​faire en matière mari­time. Séduit par le saint-​simonisme qui don­nait un ton altruiste à sa vie, il cherche désor­mais dans une nou­velle direc­tion pour don­ner un sens à sa vie, au-​delà de son suc­cès professionnel.

Coup sur coup, plu­sieurs conver­sions d’officiers au sein de la marine royale qu’il sert lui-​même avec pas­sion l’impressionnent dura­ble­ment. Marqué ensuite par la lec­ture d’un livre d’apologétique, Marceau finit par dou­ter de son incré­du­li­té et cherche hon­nê­te­ment la véri­té. Au début des années 1840, sa conver­sion au catho­li­cisme est ache­vée. Elle le trans­forme radi­ca­le­ment, y com­pris dans son atti­tude vis-​à-​vis de ses proches. Sa décou­verte de Notre-​Dame des Victoires et de son curé de l’époque, l’abbé Desgenettes, sera déci­sive. Il devient l’ami de M. Léon Papin-​Dupont, le « saint homme de Tours ».

Il n’a dès lors qu’une seule pré­oc­cu­pa­tion : ser­vir Dieu et répa­rer la malice de sa vie pas­sée, met­tant toute sa confiance en la Vierge Marie. L’idée lui vient d’organiser un ser­vice mari­time qui per­met­trait aux prêtres et reli­gieux mis­sion­naires de se rendre dans les contrées loin­taines qu’ils ont mis­sion d’évangéliser, dans des condi­tions maté­rielles et spi­ri­tuelles plus favo­rables que celles habi­tuel­le­ment ren­con­trées sur les navires de commerce.

Louis-​Victor Marziou, autre catho­lique convain­cu lui emboîte le pas et lui pro­pose de lan­cer une socié­té qui affré­te­rait des navires, moyen­nant l’installation dans les terres évan­gé­li­sées de moyens de com­merce ou d’exploitation de pro­duc­tions locales, afin de recou­vrer les frais enga­gés par les expé­di­tions. En 1845, sur un navire bap­ti­sé L’Arche d’Alliance, il s’embarque avec à son bord une dou­zaine de prêtres et reli­gieux maristes, sans comp­ter le per­son­nel navi­gant trié sur le volet.

C’est l’histoire mou­ve­men­tée de ce pro­jet inédit que raconte avec pré­ci­sion Agnès Brot, dans un récit bien docu­men­té qui n’omet pas de peser les res­pon­sa­bi­li­tés de cha­cun dans ce qui s’avérera un échec finan­cier, aggra­vé par les consé­quences éco­no­miques de la Révolution de 1848. L’expédition qui dure fina­le­ment 44 mois signe­ra la faillite de l’entreprise mais Auguste Marceau n’en retien­dra que l’extraordinaire épo­pée au ser­vice de l’Église et l’évangélisation des terres océa­niennes, dont en pre­mier lieu la Nouvelle-Calédonie.

Ce beau récit révèle l’âme de feu et le ser­vi­teur de la Vierge Marie que fut Auguste Marceau, mort pré­ma­tu­ré­ment en 1851. Il donne un témoi­gnage tou­chant d’une figure bien mécon­nue de ce XIXe siècle pour­tant si catho­lique sous bien des aspects.

Abbé Philippe Bourrat

Source : Le Chardonnet n°365

Livre : Auguste Marceau – Le mis­sion­naire des mis­sion­naires, Agnès Brot, Saint-​Léger Éditions – 2019, 218 pages – 16 €