Marthe Robin était considérée jusque-là comme une mystique favorisée d’apparitions, de stigmates, de communications multiples du Christ. On la disait paralysée et aveugle depuis le début des années 1930, ne se nourrissant que de la Sainte Eucharistie.
Née en 1902 et morte le 6 février 1981 à Châteauneuf-de-Galaure, dans la Drôme, elle est à l’origine des Foyers de Charité qui se sont multipliés à travers le monde. Ils sont connus pour les retraites spirituelles qu’ils organisent et que des dizaines de milliers de personnes ont suivies. On estime par ailleurs à 100 000 le nombre de personnes qui sont venues visiter Marthe Robin pour la voir ou lui demander conseil. De nombreuses communautés nouvelles, surtout charismatiques, sont nées dans son sillage après le Concile Vatican II.
Le père carme Conrad De Meester était quant à lui spécialiste des grandes mystiques des XIXème et XXème siècles : sainte Thérèse de Lisieux, Élisabeth de la Trinité ou encore Édith Stein. On lui demanda logiquement d’examiner les lettres et autres écrits de Marthe Robin dans le cadre de l’enquête lancée en 1988 par l’évêque de Valence pour faire avancer une éventuelle béatification.
Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il examina attentivement le contenu et la calligraphie des milliers de textes manuscrits ou dictés et imprimés ! Élargissant son enquête en visitant les lieux de vie de Marthe Robin qu’il n’a pas connue personnellement, le père De Meester en arrive à la conclusion que Marthe Robin n’était ni aveugle ni paralysée, qu’elle inventa 5 écritures différentes pour ses correspondants épistolaires à qui elle faisait croire qu’une personne dévouée recueillait la dictée de ses lettres. Handicapée des jambes seulement, rien ne l’empêchait de lire des ouvrages qui paraissaient sur différentes mystiques. Elle en a copieusement plagié des dizaines, s’attribuant les phrases et les états mystiques empruntés à d’authentiques âmes favorisées.
D’autre part, rien ne l’empêchait non plus de se rendre dans la cuisine attenant à sa chambre. Une femme l’aidant dans la maison, présente à des heures tardives et inhabituelles, a aperçu plusieurs fois une forme mystérieuse au sol, ressemblant à Marthe Robin qui s’empressait de rejoindre sa chambre en rampant, lorsqu’elle était manifestement surprise par la présence inopinée de son aide-soignante.
L’enquête que l’auteur a menée en toute bonne foi l’amène à un constat sévère de supercherie totale qui lui fait ne rien garder de la mystique de la Drôme. Il n’était pas le seul à avoir des doutes sur l’authenticité des phénomènes supposés mystiques : des mémoires inachevés, remontant à 1943, du père capucin Marie-Bernard, qui avait un moment suivi et guidé Marthe Robin, manifestent son admiration puis ses doutes et enfin sa certitude de l’absence de phénomènes surnaturels concernant la soi-disant mystique. Par ailleurs l’enquête médicale exigée par Mgr Pic en 1942 est entachée de méthodes peu convaincantes et reporte à une période ultérieure la vérification sous contrôle permanent de l’absence de prise de nourriture et de sommeil qu’invoquait Marthe Robin pour caractériser son mode de vie.
L’ouvrage du père De Meester a provoqué depuis sa parution en octobre 2020 de gros remous que les défenseurs de Marthe Robin et de toute l’œuvre qui en est issue ont cherché à minimiser et contre-carrer. Il n’en reste pas moins que l’enquête, même si elle a été publiée de façon posthume et qu’elle aurait mérité d’être relue et parfois remaniée, apporte des jugements qui sont, pour la plupart, imparables. Quant aux hypothèses et aux parts d’incertitude qui demeurent et que l’auteur avance, notamment sur les pistes d’interprétation de l’origine psychologique de la mystification, elles peuvent faire l’objet de correctifs ou de discussions, mais la crédibilité de Marthe Robin se trouve définitivement anéantie par les faits avérés. Une fois de plus, une œuvre que l’Église postconciliaire a encensée et qui a servi de caution à bon nombre de communautés nouvelles fidèles au Concile Vatican II s’effondre avec le temps et révèle son vrai visage.
Abbé Philippe Bourrat
Livre : La fraude mystique de Marthe Robin, Conrad De Meester, Éditions du Cerf – 2020, 416 pages – 22 €
Source : Le Chardonnet n°368