Lettre n° 48 de Mgr Bernard Fellay aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX d’avril 1995

Chers Amis et Bienfaiteurs,

vant de vous don­ner quelques brèves nou­velles sur les déve­lop­pe­ments de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X, nous aime­rions appe­ler vos âmes de catho­liques à la vigilance.

La fausse paix dans laquelle vit l’Eglise aujourd’­hui éta­blit un cli­mat d’anes­thé­sie géné­ra­li­sée. Le scan­dale contre la foi, deve­nu de plus en plus habi­tuel, ne choque plus, et pen­dant ce temps, les enne­mis, car il faut les appe­ler par leur nom, assenent des coups ter­ribles à notre sainte mère l’Eglise ; outrages, injures, pleuvent sur celle que Jésus Notre-​Seigneur a aimée et pour laquelle il a ver­sé son sang.

La vio­lence s’est faite prin­ci­pa­le­ment spi­ri­tuelle : elle n’en est pas moins réelle, des­truc­trice des âmes dont elle cor­rompt la foi et souille les murs ; jour­naux, radios, télé­vi­sion dis­til­lent avec beau­coup d’ha­bi­le­té leur venin contre l’Eglise catho­lique, contre la papau­té, contre le céli­bat sacer­do­tal, etc. Leur agres­si­vi­té ne connaît plus de limite. Les médias applau­dissent, féli­citent, mettent sur le pié­des­tal tous ceux de ses fils qui la tra­hissent : Drewermann, Duquesne,. Gaillot, Kang, Boff… « Notre-​Seigneur est en ago­nie dans son Eglise … Il est en ago­nie parce que son Eglise est entra­vée, bafouée, contre­car­rée, com­bat­tue de l’in­té­rieur dans son office pri­mor­dial de dis­pen­sa­trice de la Rédemption. Non qu’elle soit près de dis­pa­raître, puisque les portes de l’en­fer ne pré­vau­dront pas, mais ses propres fils, et par­mi ses fils, des chefs hié­rar­chiques, la mal­traitent avec tant de vile­nie et de méchan­ce­té qu’elle n’a­vance plus qu’en retom­bant à chaque pas, épui­sée et lan­guis­sante (F. Calmel, Brève apo­lo­gie pour l’Eglise de tou­jours », Difralivre 1987 p. 74).

Ces paroles sont-​elles assez sévères pour décrire la dure réa­li­té ? Ce que pres­sen­tait le Père Calmel il y a déjà vingt-​cinq ans ne s’accomplit-​il pas lit­té­ra­le­ment sous nos yeux ? « Si quelque pape venait à prendre des allures de faux messie…il mélan­ge­rait à s’y méprendre deux mes­sages qui s’opposent dans leur essence même : d’une part le mes­sage de domi­na­tion pro­mé­théenne du monde, confor­mé­ment aux Trois Tentations, et sans tenir compte pra­ti­que­ment de la sou­ve­rai­ne­té de Dieu ni du péché de l’homme, et d’autre part le mes­sage de la foi chré­tienne qui annonce la Rédemption par la seule Croix du Seigneur Jésus. Par l’ef­fet de cette imbri­ca­tion contre nature, le scan­dale serait près d’at­teindre sans doute ses limites ultimes ; il serait por­té à un point de séduc­tion extra­or­di­nai­re­ment dan­ge­reux. Il ne serait pas assez fort, mal­gré tout, pour perdre des élus, ni abo­lir l’Eglise ».

N’est-​ce pas ce que nous trou­vons dans la lettre « Tertio mil­le­nio adve­niente » qui décrit le pro­gramme des cinq années à venir en pré­pa­ra­tion de l’an­née sainte jubi­laire, l’an 2000. En par­faite cohé­rence et confor­mi­té avec « Redemptor homi­nis », pre­mière ency­clique de Jean-​Paul II et avec tout son pon­ti­fi­cat, il s’y des­sine la ten­ta­tive de sub­sti­tuer à la Religion du Dieu fait homme la reli­gion de l’homme deve­nu Dieu en pre­nant Notre-​Seigneur, l’Homme-​Dieu, comme inter­mé­diaire : une reli­gion dont la pré­oc­cu­pa­tion est la com­mu­nion des peuples mais sans conver­sion à Jésus cru­ci­fié et sans sou­mis­sion à l’Eglise fon­dée par lui. Est-​ce cela l’a­vè­ne­ment qui ter­mi­ne­ra l’Avent dans lequel nous serions jus­qu’à l’an 2000 ?

Le mélange entre la vie, les droits et les exi­gences de l’ordre de la nature créée et de l’ordre sur­na­tu­rel devient évi­dence dans la récente ency­clique Evangelium vitae où sont (Dieu mer­ci !) condam­nés avor­te­ment et eutha­na­sie ! Le résul­tat : une immense confu­sion dans le peuple chré­tien, la perte de la foi qui s’é­va­nouit dans l’in­dif­fé­ren­tisme. Indifférentisme qui ne signi­fie pas que les hommes consi­dèrent la reli­gion ou la ques­tion reli­gieuse avec indif­fé­rence, mais bien qu’il est indif­fé­rent d’ap­par­te­nir à telle ou telle reli­gion, car toutes indif­fé­rem­ment, plus ou moins par­fai­te­ment, auraient les moyens de conduire et condui­raient au salut. Cela est tota­le­ment oppo­sé à la foi catho­lique. Par exemple l’en­cy­clique de Pie XI « Mortalium ani­mos », écho de la foi et de la dis­ci­pline mil­lé­naire de l’Eglise dit : « L’union des chré­tiens ne peut être pro­cu­rée autre­ment qu’en favo­ri­sant le retour des dis­si­dents à la seule et véri­table Eglise du Christ qu’ils ont eu jadis le mal­heur d’a­ban­don­ner, seule et véri­table Eglise du Christ comme telle et bien visible à tous les regards, des­ti­née enfin, par la volon­té de Son auteur, à demeu­rer telle qu’il l’a lui-​même ins­ti­tuée pour le salut com­mun des hommes ». En cela Pie XI ne dit rien d’autre que le sym­bole de saint Athanase qui com­mence par ces mots : « qui­conque veut être sau­vé doit avant tout tenir la foi catho­lique celui qui ne la garde pas inté­grale et pure ira sans aucun doute à sa peine éternelle ».

Or, le contraire est deve­nu aujourd’­hui pen­sée cou­rante : le docu­ment de Balamand (juin 93) n’a sus­ci­té pra­ti­que­ment aucune pro­tes­ta­tion de fond. Il règle les rap­ports entre l’Eglise catho­lique et les ortho­doxes en « excluant à l’a­ve­nir tout pro­sé­ly­tisme et toute volon­té d’ex­pan­sion des catho­liques aux dépens de l’Eglise ortho­doxe » (n° 35) et cela au nom du « rejet de la pré­misse selon laquelle seule l’une de nos Eglises serait l’u­nique pro­prié­taire des moyens de grâce, de manière telle que la conver­sion à cette Eglise à par­tir de l’autre soit néces­saire au salut ». (Déclaration de la Consultation ortho­doxe catho­lique romaine des Etats-​Unis, Doc. n° 2112 p. 285).

Cette idée, extrê­me­ment grave, ne concerne pas seule­ment les ortho­doxes, mais au moins toutes les confes­sions pro­tes­tantes, sinon toutes les reli­gions mono­théistes et peut-​être plus ! Cette pen­sée ruine de fond en comble l’Eglise catho­lique, elle détruit la foi, « foi sans laquelle il est impos­sible de plaire à Dieu (Heb 11, 6) et d’être sau­vé » (Vat. I, Dei Filius).

Certes « le faux mes­sia­nisme ne pré­vau­dra ni contre l’Eglise ni contre la papau­té. Jusqu’à la fin, l’Eglise fon­dée sur Pierre gar­de­ra dans son cœur et répan­dra par­mi les hommes le seul mes­sia­nisme véri­table, celui de Jésus-​Christ : mes­sia­nisme de la grâce, de la conver­sion et des béa­ti­tudes ; mes­sia­nisme qui réside en plé­ni­tude dans le royaume qui n’est pas de ce monde, et qui, de là, fait sen­tir son influence sur les royaumes de ce monde, si du moins ils reçoivent la Loi évan­gé­lique et s’ef­forcent d’ac­com­plir leur œuvre tem­po­relle de par le Roi du ciel » (P. Calmel p. 72).

Puisqu’on nous annonce la péni­tence pour les péchés des fils de l’Eglise que celle-​ci devrait assu­mer, efforçons-​nous, par des mani­fes­ta­tions publiques : confé­rences, messes, de mon­trer toute la beau­té de l’Eglise et de son his­toire, de défendre son hon­neur et celui de ses saints. « Ma Mère, l’Eglise, serait un tyran ! Je vais la défendre et je rétorque : au contraire de l’Eglise, qui a été fon­dée sur l’a­pos­to­lat et le mar­tyre, les fausses reli­gions ont été intro­duites par la vio­lence de la puis­sance enne­mie et par l’op­pres­sion de la conscience catho­lique des peuples… Où est le ber­ceau de l’Eglise ? Dans le sang, mais dans le sang de ses mar­tyrs… Où est le ber­ceau de l’hé­ré­sie ? Dans le sang., non dans le sang de ses confes­seurs, mais le sang de ses oppo­sants » (Rob. MNder Ich bleibe Katholisch p. 36 Goldach 1975).

On trouve cer­taines constantes dans l’his­toire, tels les châ­ti­ments des peuples qui ont « trop » offen­sé Dieu. Préparons-​nous, fortes in fide. Les jours sont mau­vais. « Pendant que nous avons du temps, fai­sons le bien à tous, sur­tout à ceux qui par­tagent notre foi » (Gal 6, 10).

*

Soyez remer­ciés pour votre aide géné­reuse, sur laquelle nous comp­tons tou­jours pour réa­li­ser de nou­veaux projets :

1. Après vingt ans de démarches admi­nis­tra­tives et d’at­tente, nous avons enfin reçu l’au­to­ri­sa­tion de construire l’é­glise du sémi­naire d’Ecône. Celle-​ci per­met­tra de don­ner à Notre-​Seigneur la place d’hon­neur qu’il mérite et aux sémi­na­ristes de le ser­vir dans un lieu plus digne. Ainsi le sémi­naire trou­ve­ra son achè­ve­ment : car la cha­pelle est bien le centre du sémi­naire, le centre de la vie sacer­do­tale. Ce pro­jet très impor­tant ne pour­ra cepen­dant pas voir le jour sans votre grande géné­ro­si­té. Vu le rôle qu’a joué le sémi­naire d’Ecône, ber­ceau de la Fraternité Saint-​Pie X et vu que l’é­glise abri­te­ra le tom­beau de Mgr Marcel Lefebvre, notre véné­ré fon­da­teur, nous osons deman­der à tous les fidèles du monde entier de col­la­bo­rer à son édi­fi­ca­tion. Oserons-​nous consi­dé­rer cet évé­ne­ment comme un heu­reux pré­sage de la « recons­truc­tion de la chrétienté » ?

A peu près dans le même temps, notre sémi­naire de La Reja, qui pour l’ins­tant peut rece­voir une cin­quan­taine de sémi­na­ristes, va com­men­cer la construc­tion de sa chapelle.

2. Nous espé­rons pour les années à venir une moyenne de 25 ordi­na­tions sacer­do­tales par an pour l’en­semble de nos sémi­naires ; en plus, ces der­nières années, nous avons pu voir s’ap­pro­cher de nous des jeunes prêtres, fraî­che­ment sor­tis de leur sémi­naire dio­cé­sain. Phénomène nou­veau, signe que la grâce de
Dieu tra­vaille tou­jours ! Espérons que le mou­ve­ment s’ac­croisse et qu’il gagne fina­le­ment quelques évêques.

3. L’apostolat à l’Est se déve­loppe. Les contacts se mul­ti­plient et nos abbés, qui entre-​temps com­mencent à par­ler russe et polo­nais, ont fort à faire pour visi­ter régu­liè­re­ment les groupes qui se forment, spé­cia­le­ment en Pologne et Biélorussie, sans oublier les pays baltes, la Russie, l’Ukraine.

Nous devons agran­dir les locaux de Jaidhof afin de pou­voir rece­voir, pour un temps de pré­pa­ra­tion, les jeunes gens de ces pays qui s’in­té­ressent au sacerdoce.

4. En Asie et Amérique latine, l’a­pos­to­lat se ren­force, les groupes se soli­di­fient. Du Mexique, nos prêtres visitent régu­liè­re­ment le Guatemala, San Salvador, Costa Rica ; de l’Argentine, le Pérou, le Paraguay, l’Uruguay ; de la Colombie, Saint-​Domingue. Tant de pays, tant d’âmes, si peu de prêtres, si peu
de moyens ! Et pour­tant un peu par­tout s’é­lèvent de terre les murs d’une future cha­pelle et qui sait (?) d’un futur prieuré.

5. Notre effort prin­ci­pal, reste cepen­dant par­tout, la fon­da­tion et le sou­tien de nos écoles.

Tous ces pro­jets, tous ces sou­cis, nous les confions à vos prières et à votre géné­ro­si­té. Que les mérites de votre cha­ri­té obtiennent du Sacré-​Cœur tant le déve­lop­pe­ment de la tra­di­tion catho­lique que la conver­sion de ceux qui s’é­loignent de l’Eglise.

Qu’en ce temps de la Passion, Notre-​Dame nous aide à péné­trer davan­tage le grand mys­tère des souf­frances de son Fils qui conti­nuent dans le Corps Mystique si dou­lou­reu­se­ment meur­tri sous nos yeux.

Stabat mater.

Que Dieu vous bénisse.

Menzingen, le 2 avril 1995
dimanche à la Passion

+ Bernard Fellay

Supérieur géné­ral

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FSSPX Premier conseiller général

De natio­na­li­té Suisse, il est né le 12 avril 1958 et a été sacré évêque par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Mgr Bernard Fellay a exer­cé deux man­dats comme Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X pour un total de 24 ans de supé­rio­rat de 1994 à 2018. Il est actuel­le­ment Premier Conseiller Général de la FSSPX.