Lettre n° 20 de Mgr Lefebvre aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX d’avril 1981

Bien chers Amis et Bienfaiteurs,

ons­ta­tant avec dou­leur que les consé­quences de la Révolution conci­liaire semblent vou­loir s’institutionnaliser et sup­plan­ter les véri­tables ins­ti­tu­tions catho­liques, ris­quant d’en arri­ver aux mêmes résul­tats que dans la socié­té poli­tique qui sombre dans la Révolution per­ma­nente, notre réso­lu­tion de main­te­nir à tout prix les ins­ti­tu­tions divines de l’Eglise, de les étendre, de les déve­lop­per doit être plus ferme que jamais : car si les socié­tés poli­tiques peuvent dis­pa­raître, l’Eglise ne le peut pas.

D’autre part nous consta­tons avec joie, et nous en ren­dons grâces à Dieu, que les œuvres tra­di­tion­nelles tant de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X que des autres socié­tés sont en expan­sion humai­ne­ment inex­pli­cable. Une autre conso­la­tion et un autre encou­ra­ge­ment est celui de voir se res­ser­rer les liens de toutes ces cou­ra­geuses ini­tia­tives avec la Fraternité.

Vous le savez, nous n’avons jamais vou­lu nous consi­dé­rer comme les chefs de file de ce renou­veau de l’Eglise et de cette résis­tance à la Révolution dans l’Eglise. Mais à mesure que nos grands Séminaires se mul­ti­plient, comme nos Prieurés, nos écoles, nos mai­sons d’exercices spi­ri­tuels, puisque, grâce à Dieu, nos prêtres se mul­ti­plient et se mul­ti­plie­ront sur­tout à par­tir de 1983, il est nor­mal que cette grande espé­rance que repré­sente cette jeu­nesse sacer­do­tale attire la confiance de toutes les ini­tia­tives tra­di­tio­na­listes : reli­gieux, reli­gieuses actifs et contem­pla­tifs, prêtres sécu­liers sentent le besoin de se rat­ta­cher à ce cep vigou­reux plein de foi, de véri­té et de grâce, for­te­ment enra­ci­né dans la Tradition de vingt siècles de l’Eglise.

Ces liens plus étroits dans la foi et dans l’apostolat me paraissent très impor­tants pour l’avenir de l’Eglise. Car nous vou­lons tra­vailler dans la confiance abso­lue dans la Providence qui per­met­tra qu’un jour, dési­gné et connu d’elle-même, le Souverain Pontife recon­naî­tra le bien­fait incom­pa­rable de toutes ces œuvres et en ren­dra grâces à Dieu. Aucun argu­ment valable ne nous oblige de rompre les liens avec le Pape. Au contraire de nom­breux motifs irré­fu­tables nous obligent à demeu­rer unis à lui comme Successeur de Pierre, ce qui d’ailleurs rend nos pro­tes­ta­tions et nos refus plus effi­caces et plus justes. Cela ne dimi­nue en rien notre atta­che­ment à la Tradition. C’est par estime pour le Successeur de Pierre que nous conce­vons comme impos­sible toute contra­dic­tion dans le Magistère de Pierre.

Ainsi au milieu de cette grande tour­mente, qui attire la malé­dic­tion de Dieu sur l’humanité, conti­nuons avec séré­ni­té, confiance en Dieu, notre tra­vail de res­tau­ra­tion de l’Eglise, en exten­sion sans doute, en mul­ti­pliant les heu­reuses ini­tia­tives de recons­truc­tion, mais sur­tout en pro­fon­deur par la sanc­ti­fi­ca­tion qui est cette « bonus odor Christi », cette « bonne odeur du Christ » qui monte droit vers Dieu comme le sacri­fice d’Abel, et qui nous atti­re­ra les béné­dic­tions de Dieu.

A l’occasion de la visite au Mexique, ceux qui m’accompagnaient et moi-​même avons pu consta­ter la situa­tion tra­gique de ce peuple de 77 mil­lions d’âmes presque toutes catho­liques. Les pas­teurs ont aban­don­né leur peuple pour s’adonner à la poli­tique de la Révolution, débor­dant sur sa gauche le Gouvernement pour­tant très lié à Fidel Castro. Un cer­tain nombre de fidèles ont chas­sé de leurs églises les prêtres pro­gres­sistes et nous sup­plient de prendre la relève. A Cordoba un vicaire encore bien jeune, dans une tenue qui n’avait rien d’ecclésiastique, est venu me voir pour me faire part de ses sen­ti­ments dans ces termes : « Monseigneur, c’est vous qui avez rai­son, vous avez avec vous l’Esprit Saint, la grâce, chez nous il n’y a plus qu’un masque reli­gieux der­rière lequel il n’y a plus rien. Je tenais à vous dire ces choses à l’occasion de votre pas­sage. Monseigneur, bénissez-​moi. » Et il par­tit. Je res­tais stu­pé­fait, mais une fois de plus confir­mé dans la néces­si­té de conti­nuer notre action pour le salut des âmes. Nous avons, par la grâce de Dieu, déjà 14 sémi­na­ristes mexi­cains, alors qu’il n’y aurait eu que deux jeunes prêtres ordon­nés pour tout le Mexique l’an der­nier. Que Notre Dame de Guadeloupe pro­tège son peuple bien aimé !

Nous recom­man­dons donc à nou­veau toutes nos œuvres à vos prières, à votre géné­ro­si­té. Nous construi­sons le grand Séminaire de Buenos Aires, nous agran­dis­sons le grand Séminaire de Ridgefield aux USA, et bien­tôt nous serons obli­gés de dédou­bler Ecône deve­nu trop étroit. Il nous fau­dra faire quelque chose en France. Que saint Joseph nous vienne en aide. Nous lui devons une immense recon­nais­sance pour tout ce qu’il nous a aidé à réaliser.

En vous sou­hai­tant une bonne semaine sainte et d’heureuses fêtes de Pâques, nous deman­dons à Jésus, Marie et Joseph de vous com­bler de bénédictions.

+ Marcel Lefebvre

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Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.