Lettre n° 43 de l’abbé Franz Schmidberger aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX d’octobre 1992

Chers Amis et Bienfaiteurs,

e vous adresse ces lignes à mon retour d’Argentine, où le dis­trict de la Fraternité Saint-​Pie X a orga­ni­sé un congrès gran­diose pour célé­brer le cinq-​centième anni­ver­saire de la décou­verte de l’Amérique par Christophe Colomb (12 octobre 1492). Ces solen­ni­tés, uniques en leur genre dans tout le nou­veau monde, font hon­neur à notre œuvre et par elle à toute l’Eglise.

L’exploit de la reine Isabelle et de Christophe Colomb, l’exploit de l’Espagne et du Portugal ont été le fait de la foi catho­lique tout sim­ple­ment, de cette foi qui pense en mis­sion­naire et agit en apôtre. Elle prêche et érige par­tout, jusqu’au der­nier recoin de la terre, la Croix rédemp­trice de Jésus-​Christ ; c’est elle aus­si qui bâtit en tous les pays et par­mi toutes les nations les autels du Sacrifice conti­nuant cette Passion sal­va­trice. Et à par­tir de ceux-​ci, c’est la foi encore qui éta­blit l’empire du Christ-​Roi sur les indi­vi­dus, les familles et les nations : « Regnavit a ligno Deus » : « Dieu règne par le bois de la Croix ».

La nature et la grâce, l’héroïsme et la sain­te­té, l’exploit cou­ra­geux et la prière confiante, le pou­voir humain de l’homme d’Etat ont trou­vé en Isabelle et Colomb leur syn­thèse achevée.

La nais­sance spi­ri­tuelle de l’Amérique, la nais­sance de tout un conti­nent à la foi catho­lique est, outre cette heu­reuse har­mo­nie bien catho­lique, le fruit de 800 ans de souf­frances subies par les peuples de la pénin­sule ibé­rique sous la domi­na­tion du Croissant anti-​chrétien. C’est pour­quoi la libé­ra­tion de la der­nière ville de la pénin­sule, Grenade, le 2 jan­vier 1492, sonne la libé­ra­tion de l’Amérique, libé­ra­tion du paga­nisme et de l’idolâtrie avec ses sacri­fices humains et son culte de Satan. Pour aucun conti­nent, Dieu n’a fait quelque chose de com­pa­rable à ce qu’il a fait pour l’Amérique latine : « Non fecit tali­ter omni natio­ni ». Le Pape Benoît XV applique ces mots du psaume spé­cia­le­ment à Notre-​Dame et au Mexique.

Comme les voies de Dieu sont inson­dables ! Au moment même où de larges régions d’Europe sont arra­chées à la foi par l’hérésie pro­tes­tante, l’Amérique latine est engen­drée à la foi. La plus grande apos­ta­sie est ain­si com­pen­sée par la plus grande expan­sion du Royaume de Dieu.

Aujourd’hui, l’Espagne et le Portugal ne cor­res­pondent plus à la mis­sion que la Providence divine leur a confiée, de même que toutes les nations euro­péennes : France, Allemagne, Angleterre, Italie négligent cou­pa­ble­ment la mis­sion dont Dieu les a char­gée au cours de l’histoire : de répandre la foi catho­lique, d’œuvrer à la construc­tion du règne de Dieu, de pro­té­ger et défendre l’Eglise catho­lique et ain­si de don­ner aux nations la paix du Christ dans le royaume du Christ. Et pour­quoi ce refus et cette tra­hi­son ? Surtout parce que l’Eglise en ses repré­sen­tants actuels n’est plus la conscience des peuples, mais qu’elle mène plu­tôt à l’apostasie, par la décla­ra­tion sur la liber­té reli­gieuse. Bien élo­quent est dans ce contexte l’obstacle oppo­sé à la béa­ti­fi­ca­tion d’Isabelle la Catholique par la loge maçon­nique des B’nai B’rith.

Trois autres évé­ne­ments de ces der­niers temps doivent être mentionnés.
Le 18 août, nos deux mis­sion­naires anglais ont débar­qué aux Philippines et y ont ouvert notre prieu­ré. Après deux mois de tra­vail, l’assistance à la messe domi­ni­cale se monte à cent fidèles : quatre jeunes gens vivent au prieu­ré et se pré­parent à entrer en mars au sémi­naire d’Australie. Diverses confé­rences don­nées der­niè­re­ment à quelques cen­taines d’étudiants ain­si que les pre­miers exer­cices spi­ri­tuels carac­té­risent ce fruc­tueux apostolat.

Ensuite, à la fête du Cœur Immaculé de Marie, quatre Sœurs de la Fraternité Saint-​Pie X venant de leur maison-​mère de Saint-​Michel-​en-​Brenne sont arri­vées dans le sud de l’Allemagne pour y fon­der leur novi­ciat de langue alle­mande et four­nir ain­si une contri­bu­tion effi­cace au renou­veau de la vie religieuse.

Enfin, le 13 sep­tembre à Bruxelles, 2.000 fidèles ont offert péni­tence et répa­ra­tion pour le nou­vel outrage cau­sé à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ par la ren­contre des reli­gions qui s’y tenait, la sixième en son genre. Après la messe pon­ti­fi­cale et le che­min de croix de l’après-midi, nous sup­pliâmes le Seigneur dans sa mons­trance : « ut inimi­cos Sanctæ Ecclesiæ humi­liare digne­ris, te roga­mus audi nos – afin que vous dai­gniez humi­lier les enne­mis de la Sainte Eglise, nous vous en sup­plions, exaucez-​nous ! » La visite finale à la cathé­drale avec le chant du Credo mon­tre­ra qu’il se trouve encore en Israël des hommes qui ne ploient pas le genou devant Baal, mais qui recons­truisent spi­ri­tuel­le­ment les sanc­tuaires démolis.

Chers amis, avec les 64 nou­veaux sémi­na­ristes de cette année – à Zaitkofen sont entrés le pre­mier polo­nais et le deuxième tchèque, à Flavigny le pre­mier rou­main – la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X compte dans l’ensemble – prêtres, sémi­na­ristes, frères et oblates – 600 membres de 32 pays, aux­quels il faut assu­ré­ment ajou­ter les quelque 100 Sœurs de Saint-​Michel-​en-​Brenne. Voilà donc 700 âmes qui luttent quo­ti­dien­ne­ment pour leur propre per­fec­tion­ne­ment, qui tra­vaillent dans 24 pays au relè­ve­ment intel­lec­tuel, spi­ri­tuel, moral et reli­gieux des peuples : 700 esprits pro­fon­dé­ment unis dans la foi et la cha­ri­té du Christ. Il convient à ce pro­pos de men­tion­ner aus­si les 2.500 enfants qui, dans nos 45 écoles, reçoivent quotidien- nement une édu­ca­tion chré­tienne. Bien sûr, nous n’oublions pas toutes les com­mu­nau­tés et leurs ins­ti­tu­tions qui nous sont étroi­te­ment unies par l’amitié, ni l’armée d’amis et bien­fai­teurs que vous consti­tuez, menant chaque jour avec nous le com­bat spi­ri­tuel de Dieu. C’est avec une pro­fonde gra­ti­tude que nous nous savons unis à vous dans le Saint Sacrifice et la prière quotidiens.

Mais que sommes-​nous en nombre par rap­port à l’Eglise entière ? Que sommes-​nous en com­pa­rai­son de la puis­sance et du nombre de nos adver­saires ? Quelle infime mino­ri­té nous consti­tuons par rap­port à la popu­la­tion mondiale !
Pourtant c’est peut-​être à nous pré­ci­sé­ment que s’applique aujourd’hui le mot du Seigneur : « Ne crains point, petit trou­peau, car c’est à toi qu’il a plu à votre Père de don­ner le Royaume » (Lc 12, 32).
Entre-​temps, devant la récente mala­die du Pape, les spé­cu­la­tions concer­nant sa suc­ces­sion ont com­men­cé à Rome et ailleurs et cer­tains digni­taires ne manquent pas d’avancer leur pres­tige aux yeux du peuple de Dieu, tel le car­di­nal Martini, arche­vêque de Milan, qui vient d’inviter les repré­sen­tants des reli­gions de Bruxelles à venir l’année pro­chaine dans son dio­cèse. Une des grandes inten­tions de toute la chré­tien­té doit donc être d’obtenir par une prière ins­tante un pape véri­ta­ble­ment catho­lique, qui renou­velle tout dans le Christ. Car l’Eglise est et demeure fon­dée sur Pierre. Dieu veuille que notre œuvre et notre tra­vail soient le chant du coq qui reproche à Pierre son actuel renie­ment du Seigneur par l’œcuménisme, la liber­té reli­gieuse et le culte de l’homme, afin qu’il se conver­tisse et que dans la foi il confirme ses frères (Lc 22, 31–32).

Le 19 octobre 1992, en la fête de saint Pierre d’Alcantara,

Abbé Franz Schmidberger

Supérieur géné­ral

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