Un cardinal indésirable – Biographie de son Eminence Josef Beran (1888–1969)

Nommé par Pie XII arche­vêque de Prague au len­de­main de la Deuxième guerre mon­diale pour récom­pen­ser sa fidé­li­té envers l’Eglise catho­lique durant la per­sé­cu­tion nazie, Josef Beran n’en a pour­tant pas fini avec la pri­son. Après trois ans d’internement en camp de concen­tra­tion alle­mand à Da­chau, il subi­ra durant 14 ans les geôles communistes.

Né en Bohème, fils d’un en­seignant, Josef est édu­qué dans la reli­gion catho­lique et gran­dit dans l’amour de Dieu. Muni de son bac­ca­lau­réat, il se rend à Rome pour y com­mencer des études de théolo­gie. Ordonné prêtre en juin 1911, il passe avec suc­cès un doc­to­rat de théo­lo­gie en 1912. Il est nom­mé dans son pays dans une paroisse alle­mande com­por­tant une mino­ri­té de tchèques. Du­rant la Première guerre, il est nom­mé aumô­nier d’un asile de sourdes et muettes diri­gé par des Sœurs. Au len­de­main de la guerre, la créa­tion de la Tchécoslovaquie entraîne dans le cou­rant des années 1920 une ré­forme pro­gres­siste de ten­dance schisma­tique dans l’Église du nou­veau pays con­fronté au pro­tes­tan­tisme. Durant cette pé­riode, le père Beran publie plu­sieurs livres de péda­go­gie et des ouvrages uni­ver­si­taires. A par­tir de 1933, il devient rec­teur du sémi­naire archi­épis­co­pal de Prague. La mon­tée du nazisme entraîne des pro­blèmes internes entre alle­mands et tché­co­slo­vaques. Après l’invasion alle­mande, les évé­ne­ments s’ac­célèrent. Le père Beran est arrê­té en juin 1942. Le cal­vaire com­mence pour lui dans plu­sieurs lieux de déten­tion, sup­por­tant chré­tien­ne­ment des vio­lences inouïes et des pri­va­tions quotidiennes.

La bio­gra­phie de ce héros de l’Église catho­lique consti­tue le conden­sé d’une monogra­phie publiée en tchèque par la spé­cia­liste des régimes tota­li­taires Stanislava Vodickovâ. Celle-​ci met en valeur la fidé­li­té à la foi catho­lique mais aus­si le rôle que celui qui sera nom­mé car­di­nal et fina­le­ment con­traint de s’exiler à Rome pour le main­tien de rela­tions diplo­ma­tiques de son pays avec le Vatican eut au Con­cile Vatican II pour témoi­gner en faveur de la liber­té reli­gieuse et de la déclara­tion Dignitatis huma­nae, pré­sen­tée comme une dé­fense des droits de la per­sonne humaine à ne pas être inquié­tée en matière reli­gieuse. Honoré dans de nom­breux pays pour cette cause, le car­di­nal Beran trou­va en Paul VI un sou­tien sérieux durant ses der­nières années.

La vie du car­di­nal est inté­res­sante pour com­prendre les méca­nismes des persécu­tions nazie et com­mu­niste. Elle apporte un éclai­rage sur l’utilisation des per­sé­cu­tions subies au pro­fit de la pro­mo­tion de la nou­velle doc­trine sur la liber­té reli­gieuse source d’indifférentisme et d’œcuménisme. La per­sonnalité du car­di­nal n’était en rien oppo­sée à ces nou­velles ten­dances prises par l’Église catho­lique au Concile. C’est là toute l’ambi­valence de cette figure ecclé­sias­tique pour­tant cou­ra­geuse et édi­fiante à bien des égards.

Stanislava Vodickova, Un car­di­nal indé­si­rable – Biographie de son Eminence Josef Beran (1888–1969), Editions du Cerf 2020, 170 pages, 15 €.

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