Le Christ a‑t-​il vraiment blasphémé ?

Le Christ parmi les docteurs, Albrecht Dürer

Pour le com­prendre, rappelons-​nous une anec­dote qui s’est dérou­lée en l’an 12 après J.-C., dans le temple de Jérusalem. 

A chaque fois que Notre-​Seigneur affirme sa divi­ni­té, les pha­ri­siens le traitent de blas­phé­ma­teur. Les juifs refusent de recon­naître la divi­ni­té du Messie. Jésus, pour eux, n’est qu’un homme. En cela, les juifs com­mettent une des erreurs les plus graves de toute l’histoire de l’intelligence humaine. Ils se trompent sur l’une des véri­tés les plus fon­da­men­tales de la religion.

Pour bien le com­prendre, rappelons-​nous une anec­dote qui s’est dérou­lée en l’an 12 après J.-C., à Jérusalem, dans le temple, quelques jours après la fête de Pâques. Tous les pèle­rins sont ren­trés chez eux après les fes­ti­vi­tés. Tous, sauf un enfant de 12 ans. Il est assis au milieu des doc­teurs de la loi et leur pose des questions.

- Maîtres, leur demande-​t-​il, lorsque le Messie vien­dra, sera-​t-​il l’égal de Dieu ?

- Bien sûr que non, mon petit, répond un scribe. Lorsqu’un simple homme se pré­tend Dieu, il se rend cou­pable du plus grave blas­phème et mérite d’être lapi­dé. Le Messie n’aura pas la témé­ri­té de se pré­tendre Dieu.

- Mais alors, demande l’enfant avec can­deur, com­ment faut-​il com­prendre ce pas­sage du pro­phète Isaïe au sujet de Messie : « un petit enfant nous est né, un fils nous est don­né, Dieu fort ». Le Messie sera donc Dieu ? 

Les doc­teurs de la loi se regardent, per­plexes.
- Il est vrai, dit l’un d’eux, que le texte d’Isaïe est clair, sans équi­voque. Cependant, il y a peut-​être une autre inter­pré­ta­tion possible…

L’enfant reprend :
- Et le 2e psaume de David, com­ment faut-​il le com­prendre ? On y entend Dieu dire au Messie : « tu es mon Fils, aujourd’hui je t’ai engen­dré ». Est-​ce que cela veut dire que le Messie est le Fils de Dieu ?

Un silence embar­ras­sé règne dans le temple. L’enfant en pro­fite pour insis­ter :
- Si le Messie est vrai­ment fils de Dieu, alors il est Dieu lui-​même, parce qu’un fils a même nature que son père. Cela vien­drait confir­mer ce que dit Isaïe. Autrement dit, le mes­sie aura la nature divine. Nul ne réplique. L’un des scribes, humi­lié, se dit alors en lui-​même : nous sommes doc­teurs en Israël et nous sommes inca­pables de répondre à un gamin !

L’enfant pour­suit :
- Le Messie est-​il le fils de David ?

- Oui, répondent les doc­teurs avec assu­rance. C’est cer­tain, c’est annon­cé par les pro­phètes, le mes­sie sera un des­cen­dant du roi David.

- Alors pour­quoi, dans le psaume 109, David appelle-​t-​il le Messie Seigneur ? on n’appelle pas Seigneur son fils. On appelle Seigneur quelqu’un de plus digne que soi. Le Messie aura-​t-​il donc une nature plus digne que celle du roi David ?

Dans le silence du temple de Jérusalem, l’enfant inter­roge à nou­veau :
- Comment Dieu peut-​il pro­mettre au sujet du roi Salomon : « j’établirai à jamais le trône de son royaume » ? Le royaume de Salomon n’a‑t-il pas connu une fin ?

Les doc­teurs de la loi répondent :
- D’après toute notre tra­di­tion, ce pas­sage est mes­sia­nique. Cette pro­messe ne se réa­li­se­ra par­fai­te­ment que dans le messie.

- Mais alors, reprend l’enfant, cela veut dire que le mes­sie sera un roi dont le règne n’aura pas de fin ?

- Exactement, répondent les docteurs.

- Or, ajoute l’enfant, Dieu est le seul roi éter­nel. Tous les règnes humains ont une fin. Mais si le Messie est éter­nel, c’est qu’il est Dieu, n’est-ce pas ? Et dans le psaume 44, pour­quoi l’auteur s’adresse-t-il au Messie en disant : « O Dieu, votre Dieu vous a oint d’une huile d’allégresse » ? Y aurait-​il deux per­sonnes divines, l’une qui envoie le mes­sie, et l’autre qui est le Messie lui-même ?

- Non mon petit, c’est impos­sible, réplique un doc­teur. Il n’y a qu’un seul Dieu, c’est une cer­ti­tude abso­lue. Dieu a suf­fi­sam­ment puni nos ancêtres pour avoir som­bré dans le poly­théisme. L’unité de Dieu ne se dis­cute pas. Deux dieux, ce n’est pas possible !

- D’accord, répond l’enfant, mais toutes ces pro­phé­ties annon­çant la divi­ni­té du Messie, ne faut-​il pas les inter­pré­ter en disant qu’il y a un seul Dieu en plu­sieurs personnes ?

Les doc­teurs de la loi sont per­plexes. Ils ne savent que répondre. Soudain, une dame arrive, accom­pa­gnée de son mari. Ils viennent cher­cher leur fils. Une fois l’enfant par­ti, les savants juifs se demandent les uns aux autres : mais qui est donc ce petit si intel­li­gent, si pro­fond et si savant ? D’où lui vient cette connais­sance si pré­cise des textes sacrés ?

Les doc­teurs ne savaient pas qu’ils avaient en face d’eux la Sagesse incar­née, le Fils de Dieu et le Messie en per­sonne, celui qui pour­ra affir­mer vingt ans plus tard, en toute véri­té : « Avant qu’Abraham fut, je suis ». « Le Père et moi, nous sommes un ». Et donc la dame qui, après trois jours d’angoisse, a retrou­vé son fils dans le temple, c’est en toute véri­té la mère de Dieu.

A toutes les ques­tions posées aux doc­teurs de la loi, il n’y a qu’une réponse pos­sible, mys­té­rieuse mais cer­taine : le Messie est le Fils de Dieu, il pos­sède la plé­ni­tude de la divi­ni­té, il est non seule­ment vrai homme, mais aus­si vrai Dieu. Voilà la véri­té que les juifs du temps de Jésus ont refu­sée. Voilà la véri­té que les juifs du 21e siècle refusent tou­jours, de même que les musul­mans, les témoins de Jéhovah, cer­tains pro­tes­tants et plu­sieurs modernistes.

Seigneur Jésus, nous croyons que vous êtes vrai homme et vrai Dieu. Nous croyons que dans votre unique per­sonne sont unies la nature divine et la nature humaine.

Abbé Bernard de Lacoste

FSSPX

M. l’ab­bé Bernard de Lacoste est direc­teur du Séminaire International Saint Pie X d’Écône (Suisse). Il est éga­le­ment le direc­teur du Courrier de Rome.