Sermon de Mgr Lefebvre – Sitientes – Ordres mineurs – 31 mars 1979

Mes bien chers amis,

Vous qui, sur­tout, dans quelques ins­tants, allez rece­voir les deux der­niers ordres mineurs, je ne doute pas que vous ayez déjà médi­té sur les paroles du Rituel que l’Église nous demande d’employer pour confé­rer ces ordi­na­tions. Et au cours de cette récol­lec­tion qui vous a été don­née ces jours der­niers, vous avez pu à nou­veau lire ces belles paroles de l’Église, ces belles orai­sons qui vous donnent toute la signi­fi­ca­tion des ordres que vous allez recevoir.

Aussi je n’insisterai pas par­ti­cu­liè­re­ment sur la grâce per­son­nelle que vous rece­vrez par cette ordi­na­tion. Mais vous savez que chaque ordi­na­tion a un double aspect. Essentiellement chaque ordre donne dans une mesure plus ou moins grande, la grâce par­ti­cu­lière d’approcher du Corps de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et dans ces ordi­na­tions, en par­ti­cu­lier sur­tout pour celle de l’acolytat, vous vous appro­chez de l’autel pour en allu­mer les cierges et pour appor­ter à l’autel ce qui sera la matière du Précieux Sang, le vin et la goutte d’eau que le prêtre va ajou­ter au vin, pour la consé­cra­tion du Précieux Sang. C’est donc déjà une approche toute par­ti­cu­lière de la consé­cra­tion qui est le but même du Saint Sacrifice de la messe.

Vous devez donc vous pré­pa­rer à rece­voir cette grâce, avec un grand res­pect, une grande dévo­tion, une recon­nais­sance infi­nie à Notre Seigneur Jésus-​Christ, qui vous admet à par­ti­ci­per d’une manière plus pro­fonde, plus intime, au Saint Sacrifice de la messe.

Je vou­drais plu­tôt insis­ter aus­si sur la grâce qui est don­née d’une manière toute par­ti­cu­lière par chaque ordi­na­tion et par le fait que vous avez un pou­voir plus grand sur le Corps de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Cette grâce vous confère éga­le­ment une grâce sur le Corps mys­tique de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Pas seule­ment sur le Corps même de Notre Seigneur Jésus-​Christ et sur son âme, mais sur le Corps mys­tique de Notre Seigneur. C’est-à-dire sur les fidèles, sur tous ceux que vous aurez à édi­fier par le fait que vous avez reçu cette ordi­na­tion. Et par consé­quent, vous devez vous deman­der et vous poser cette ques­tion ; vous devez le faire et vous devez le faire au cours de votre sémi­naire et par­ti­cu­liè­re­ment le jour de votre ordi­na­tion : Que demande de moi le Corps mys­tique de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Que demandent de moi les fidèles vers les­quels je vais être envoyé. Que demandent de moi tous ceux qui sont des­ti­nés à être membres du Corps mys­tique de Notre Seigneur Jésus-Christ.

C’est une ques­tion qui doit – je dirai – mettre tou­jours en éveil votre conscience de futur prêtre et à plus forte rai­son de prêtre . Vous devriez, tout au long de votre sémi­naire vous poser cette question.

À mesure que je reçois les ordi­na­tions, je suis res­pon­sable du Corps mys­tique de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Mais com­ment faire pour ani­mer de la vie divine ce Corps mys­tique, tou­jours davan­tage ? Comment faire pour atti­rer les âmes au Corps mys­tique de Notre Seigneur Jésus-Christ ?

Et là, je vou­drais insis­ter sur deux moyens par­ti­cu­liers pour vous pré­pa­rer à cet apos­to­lat qui sera le vôtre – où que vous soyez – il me semble que s’il y a dans la fonc­tion sacer­do­tale, dans la fonc­tion du pas­teur, une chose impor­tante, une chose capi­tale, c’est l’enseignement du caté­chisme. L’enseignement de la doc­trine chré­tienne. Car, enfin, c’est bien cela que vous demandent les fidèles et que vous demandent éga­le­ment les caté­chu­mènes, ceux qui dési­rent faire par­tie du Corps mys­tique de Notre Seigneur ; ou ceux qui vou­dront se conver­tir à la reli­gion catho­lique, à la vraie reli­gion. Ils vous deman­de­ront la doc­trine ; ils vous deman­de­ront la foi. Et alors, vous devez vous pré­pa­rer à com­mu­ni­quer cette foi ; à la don­ner cette foi, à la don­ner comme Notre Seigneur Jésus-​Christ l’a donnée.

Et là, je vou­drais atti­rer votre atten­tion, sur la néces­si­té lorsque vous ferez cet ensei­gne­ment de la foi, lorsque vous don­ne­rez, vous com­mu­ni­que­rez cette foi, d’affirmer la foi.

Ne cher­chez pas tant à la prou­ver cette foi – l’apologétique est néces­saire et il est même utile d’en par­ler, de par­ler de l’apologétique, des preuves de la divi­ni­té de notre foi aux âmes qui demandent cette foi – mais il est bien plus néces­saire et bien plus effi­cace d’affirmer notre foi.

Car cette foi nous vient de l’autorité de Notre Seigneur, de l’autorité de Dieu. Et par consé­quent, ceux qui veulent et qui ont le désir de se sou­mettre à l’autorité de Dieu par le fait même qu’ils viennent deman­der cette doc­trine, par le fait même qu’ils viennent s’adresser à vous, qu’ils viennent s’adresser à l’Église pour deman­der la foi, ils ont déjà cette convic­tion par consé­quent, que la foi que vous devez leur don­ner, elle vient de Dieu et si donc ils se sou­mettent déjà à l’autorité de Dieu, ils ne demandent plus qu’une chose : Dites-​nous, apprenez-​nous ce que Dieu a dit, ce que Notre Seigneur a dit, ce qu’il a révé­lé. Voilà ce que nous venons cher­cher auprès de vous.

Alors il fau­dra affir­mer ; affir­mer les véri­tés de la foi. Ils attendent cela ; les fidèles attendent cela. Parce que dans cette affir­ma­tion, c’est toute l’autorité de Dieu, l’autorité de Notre Seigneur qui passe à tra­vers vous, pour ensei­gner cette foi. Et vous avez rai­son d’affirmer cette foi. Ce n’est pas gra­tuit. Ce n’est pas votre auto­ri­té que vous met­tez en jeu, c’est l’autorité de Dieu, l’autorité de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Par consé­quent vous avez le droit et le devoir d’affirmer cette foi et de dire : Vous devez croire. Vous devez croire les véri­tés du Credo ; vous devez croire les véri­tés qui vous sont ensei­gnées dans le caté­chisme que nous vous enseignons.

Ainsi vous don­ne­rez véri­ta­ble­ment le lait de la doc­trine à ceux qui en ont besoin. Ainsi vous nour­ri­rez véri­ta­ble­ment les âmes, les cœurs, les esprits qui ont soif, qui ont faim de cette doc­trine ; qui ont besoin de cette doc­trine pour vivre. Il fau­dra dans votre cœur de prêtre et dans votre esprit mis­sion­naire, il fau­dra recher­cher tous les moyens pos­sibles qui peuvent faire en sorte que ces enfants, que ces per­sonnes que vous ensei­gnez dans votre caté­chisme, soient impré­gnés de ces véri­tés de la foi. Vous les aurez peut-​être pour un an, vous les aurez peut-​être pour deux ans, et après, et après…

Combien de ceux que vous aurez ensei­gnés dans vos caté­chismes vont peut-​être, non pas aban­don­ner l’Église, mais ne pra­ti­que­ront plus, oublie­ront pra­ti­que­ment ce que vous leur aurez ensei­gné. Mais s’ils ont été impré­gnés, ne serait-​ce que pen­dant deux ans, de cette doc­trine que vous leur aurez ensei­gnée par tous les moyens pos­sibles afin que vrai­ment, ils vivent de cette foi, ils vivent de cette conscience que Notre Seigneur Jésus-​Christ les a sau­vés, les a rache­tées, qu’ils vivent dans ce milieu céleste, dans lequel nous devons vivre, milieu qui nous fait vivre avec la très Sainte Trinité, avec Notre Seigneur Jésus-​Christ, avec la très Sainte Vierge Marie, avec les anges, avec les âmes du Purgatoire, qui nous fait croire à l’enfer et au démon.

Tout cela, s’ils ont été vrai­ment convain­cus de ces choses-​là pen­dant deux ans, trois ans, ils ne l’oublieront plus. Et un jour vien­dra, où, s’ils ont aban­don­né pen­dant quelque temps la pra­tique chré­tienne et la fré­quen­ta­tion de l’Église, et la com­pa­gnie des prêtres, un jour vien­dra où le Bon Dieu leur don­ne­ra une grâce par­ti­cu­lière qui les fera reve­nir et peut-​être à l’heure de leur mort penseront-​ils à ces caté­chismes que vous leur aurez faits. Et ain­si avec la grâce de Dieu, ils pour­ront peut-​être être sauvés.

Il faut donc vous pré­pa­rer à ces caté­chismes. Et au fond ; c’est ce que vous faites ici. Toute cette théo­lo­gie, c’est le caté­chisme que vous étudiez.

Mais ne demeu­rez pas seule­ment dans la spé­cu­la­tion. Vivez votre théo­lo­gie, vivez ce caté­chisme que vous appre­nez aujourd’hui. Et faites en sorte que déjà main­te­nant, vous appre­niez à le don­ner aux autres.

N’hésitez pas à recher­cher dans la vie des saints, ceux qui ont été par­ti­cu­liè­re­ment des pas­teurs et qui ont ensei­gné le caté­chisme. Ce n’est pas facile d’enseigner avec fruit et effi­ca­ci­té le caté­chisme aux enfants. C’est un art dif­fi­cile, un art qui ne s’improvise pas. Et par consé­quent au cours de votre sémi­naire déjà, vous devez avoir cette pas­sion, ce désir d’être prêt lorsque l’on vous dira : allez faire le caté­chisme à tant d’enfants, ou à tel groupe d’enfants, dans tel endroit, que vous soyez prêt, prêt à leur don­ner cette doctrine.

Deuxième moyen très effi­cace de faire pas­ser cette Lumière que vous, chers Acolytes, vous allez rece­voir d’une manière par­ti­cu­lière dans quelques ins­tants – car enfin, c’est sur­tout l’idée de lumière qui est l’idée prin­ci­pale de cette ordi­na­tion qui vous est don­née – Lumière, lumière maté­rielle ? Certes non. Mais lumière spi­ri­tuelle. Par consé­quent, lumière de la doc­trine, lumière de la foi. C’est cela dont vous allez être revê­tus d’une manière par­ti­cu­lière . Cette lumière de la foi, vous la don­ne­rez par le caté­chisme plus tard.

Et vous la don­ne­rez aus­si par les retraites. Comment ensei­gner en effet la foi ou faire revivre la foi dans les âmes qui se sont éloi­gnées de l’Église ou qui ne vivent plus vrai­ment la vie de l’Église, la vie de la foi ? Le juste vit de la foi. Si ces âmes ne sont pas impré­gnées de cette foi, elles mourront.

Alors, par ces exer­cices spi­ri­tuels, vous pou­vez, hélas pen­dant seule­ment trois jours, cinq jours, dix jours, per­mettre à ces âmes de res­sus­ci­ter en elles la grâce de la foi. De res­sus­ci­ter en elles, cette vie divine, qui doit les illu­mi­ner et qui doit les faire vivre ; les remettre pen­dant quelque temps, au contact des réa­li­tés divines, alors qu’elles sont plon­gées dans les réa­li­tés ter­restres, qui ne sont qu’éphémères ; qui sont sou­vent mor­telles pour nos âmes. Il faut les remettre dans les réa­li­tés éter­nelles, dans les réa­li­tés véri­tables, dans celles qui sont pour toujours.

Ces per­sonnes ont une âme, c’est cette âme qu’il faut sau­ver ; ce sont donc ces âmes qu’il faut entre­te­nir dans la foi ; qu’il faut entre­te­nir dans la ver­tu, dans la charité.

Alors préparez-​vous aus­si à don­ner des retraites. Soyez heu­reux de pou­voir par­ti­ci­per à don­ner des exer­cices spi­ri­tuels. Ce sont des grâces incom­pa­rables. Que d’âmes ont retrou­vé le che­min de la Vérité et le che­min de la ver­tu par l’intermédiaire de ces retraites et l’ont conser­vé. Que de vocations !

Vous-​mêmes pen­dant votre propre expé­rience, pour la plu­part d’entre vous, c’est à l’occasion d’une retraite que vous avez reçu la grâce de la voca­tion, ou du moins vous l’avez décou­verte cette grâce de la voca­tion. Alors préparez-​vous aus­si à don­ner ces exer­cices spi­ri­tuels, à don­ner ces retraites.

Et dès à pré­sent, au cours de votre vie de sémi­naire, essayez vous-​même de vivre cette foi, de vivre cette foi par l’application des prin­cipes de la foi à votre vie quotidienne.

Comment cela se fait ? Comment cela peut-​il se faire ? Eh bien, par la grâce de Notre Seigneur Jésus-​Christ, par la cha­ri­té, la cha­ri­té envers Dieu, la cha­ri­té envers le prochain.

La cha­ri­té envers Dieu, eh bien vous l’accomplissez ici dans cette cha­pelle, dans la cha­pelle de Notre-​Dame des champs, à l’occasion des messes aux­quelles vous par­ti­ci­pez. Vous ado­rez Dieu, vous Le révé­rez ; vous Lui mani­fes­tez votre amour, votre union, votre révé­rence, votre dévo­tion. Voilà la cha­ri­té envers Dieu.

Et cette cha­ri­té envers Dieu, alors se répan­dra sur le pro­chain. Et vous devez ici, être des modèles de cha­ri­té les uns pour les autres, répandre cette cha­ri­té autour de vous.

Répandant cette cha­ri­té autour de vous, ce sera déjà une magni­fique pré­pa­ra­tion pour cette cha­ri­té que les âmes attendent de vous aus­si. Car elles n’attendent pas seule­ment la doc­trine ; elles attendent aus­si l’exemple. Car si don­nant la doc­trine vous ne don­nez pas l’exemple, quelle convic­tion, les âmes pourront-​elles avoir ? À quoi bon la doc­trine, si cette doc­trine ne sert à rien ? Il faut que cette doc­trine soir pra­ti­quée. Et c’est ce que disent toutes les orai­sons que dans quelques ins­tants l’évêque va réci­ter pour confé­rer les ordi­na­tions tant de l’exorcistat que de l’acolytat.

Alors, tous ensemble, nous allons deman­der à Notre Seigneur, deman­der à la très Sainte Vierge Marie, que ceux qui seront ordon­nés dans quelques ins­tants, reçoivent en abon­dance les grâces dont ils auront besoin pour s’édifier eux-​mêmes et pour édi­fier le Corps mystique.

Dans la cha­pelle de Zaitzkofen en Allemagne, il y a un magni­fique tableau qui repré­sente la très Sainte Vierge ouvrant les Écritures – on peut du moins sup­po­ser qu’il s’agit du livre des Écritures – sur les genoux de sainte Anne, sa mère. Et elle pointe du doigt un pas­sage. On peut pen­ser que ce pas­sage la concerne. Et l’on voit sainte Anne épa­nouie de voir que sa fille recherche l’explication des Écritures. Est-​ce qu’à ce moment-​là le Bon Dieu a per­mis à sainte Anne d’avoir déjà des lumières sur ce que serait plus tard sa fille ? Est-​ce que la très Sainte Vierge lisant les Écritures, a‑t-​elle déjà décou­vert un peu la grande voca­tion que le Bon Dieu lui don­nait ? Nous ne savons pas. Mais en tout cas ce tableau est admi­rable et montre com­bien, dans la famille de la Vierge Marie, l’enseignement de la parole divine était déjà en usage et en pra­tique. C’était du moins la foi et nous devons pen­ser, la croyance de tous les chrétiens.

Alors deman­dons à la très Sainte Vierge Marie de nous don­ner l’intelligence de l’Écriture, l’intelligence de notre foi, afin de pou­voir la com­mu­ni­quer aux autres.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.