Sermon de Mgr Lefebvre – Epiphanie – 7 janvier 1979

Mes chers chers frères,
Mes bien chers amis,

En cette fête de l’Épiphanie, com­ment ne pas pen­ser à vous sur­tout, mes chers amis, qui reve­nez pour ce tri­mestre à Écône, qu’une grâce par­ti­cu­lière vous a été don­née, comme l’Étoile qui a conduit les Mages jusqu’à Bethléem, ain­si cette lumière inté­rieure qui éclaire vos âmes, vous a recon­duits ici à Écône. Toute pro­por­tion gar­dée, mes bien chers frères, il en est de même pour vous. Vous pou­vez éga­le­ment vous deman­der pour­quoi, le Bon Dieu vous pousse, par une grâce par­ti­cu­lière, à venir à Écône. Je pense qu’en toute véri­té, vous répon­dez dans vos cœurs : Nous reve­nons à Écône pour trou­ver Jésus.

Comme les Rois Mages, gui­dés par cette grâce par­ti­cu­lière, par cette Étoile qui les a gui­dés jusqu’à Notre Seigneur, jusqu’à l’Enfant-Jésus et sa mère, vous aus­si, pous­sés par la grâce de Dieu, vous venez à Écône pour cher­cher Jésus, pour trou­ver Jésus.

Au cours de ces vacances, mes très chers amis, vous avez cer­tai­ne­ment lu l’office du Saint-​Nom de Jésus. Cet office admi­rable qui est une médi­ta­tion, une véri­table contem­pla­tion de ce Nom qui a été don­né par Dieu, choi­si par Dieu, pour nom­mer notre Sauveur : le Saint Nom de Jésus. Et rien que le nom de Jésus pro­voque dans nos âmes, cause dans nos âmes, une joie, une conso­la­tion profonde.

Si donc le seul nom de Jésus peut nous atti­rer, qu’est-ce que sera la réa­li­té même de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et c’est cela que vous devrez cher­cher ici. Vous venez cher­cher Notre Seigneur, sa connais­sance, son inti­mi­té, ses grâces, sa Lumière pour vos intel­li­gences, sa force pour vos cœurs, son rayon­ne­ment pour pra­ti­quer les com­man­de­ments de Dieu ; pour vivre avec Notre Seigneur Jésus-​Christ, dans son inti­mi­té, avec sa Mère la très Sainte Vierge Marie.

La joie qui fut celle des Mages, lorsqu’ils virent l’Enfant et sa Mère, est la vôtre quand vous reve­nez dans votre cha­pelle, auprès du taber­nacle où se trouve éga­le­ment Jésus. Et tout au cours de ces mois, vous allez conti­nuer dans vos études, dans vos prières, dans votre médi­ta­tion, dans le silence de cette mai­son, vous allez cher­cher Notre Seigneur Jésus-​Christ, le connaître davan­tage, être tou­jours plus intime avec Lui. Et vous vien­drez Lui por­ter ces dons, les dons que les Rois Mages ont por­tés : l’or, l’encens et la myrrhe.

L’or comme à votre Roi. C’est ce que dit l’Écriture : l’or comme à votre Roi, car Jésus est votre Roi ; Jésus est notre Roi. Et nous venons lui appor­ter de l’or, l’or de notre amour, l’or de son règne. Il faut que Notre Seigneur Jésus-​Christ règne : opor­tet autem regnum, regnare (1 Co 11,25). Car il faut qu’il ; règne. Il faut qu’il règne dans nos cœurs, dans nos âmes, dans nos esprits, dans nos intel­li­gences ; que Jésus soit tout pour nous. Tout.

Il faut qu’il règne en nous. Il faut qu’il règne aus­si dans nos familles ; il faut qu’il règne dans nos sociétés.

Nous Le prie­rons ; nous prie­rons Notre Seigneur afin que son règne arrive. Ce sera le pre­mier don que vous ferez. Don de vos cœurs, de vos intel­li­gences, à Notre Seigneur Jésus-​Christ, afin qu’il soit le Roi de vos âmes.

Et vous y par­vien­drez par le règne de Marie. Comme il vous est bon, comme il vous est agréable, mes très chers amis, de prier la très Sainte Vierge Marie. Avec quelle dévo­tion vous vous age­nouillez devant la Vierge Marie, Reine de la mai­son. Elle vous accueille ; elle demeure avec vous. Vous l’aimez et c’est par elle, par le règne de Marie, que vous arri­ve­rez au règne de Jésus.

Vous lui appor­te­rez aus­si l’encens. L’encens comme à votre Dieu. C’est encore l’Écriture qui nous le dit : comme à Dieu. Encens qui est votre offrande, vos prières, vos louanges et par­ti­cu­liè­re­ment l’offrande du Saint Sacrifice de la messe. Réunis ici dans cette cha­pelle, fré­quem­ment pour y prier, pour réci­ter les psaumes, pour chan­ter ces psaumes et pour accom­plir cette belle litur­gie de l’Église catho­lique romaine. Vous chan­tez les louanges de Dieu comme un encens qui monte vers le Ciel, car vous ado­rez Notre Seigneur Jésus-​Christ. Vous croyez que Notre Seigneur Jésus-​Christ est votre Dieu.

Alors cette prière mon­te­ra tou­jours avec plus de fer­veur, avec plus de conscience : vous prie­rez tou­jours davan­tage Notre Seigneur Jésus-​Christ, comme l’ont fait les Rois Mages.

Et vous offri­rez éga­le­ment à Notre Seigneur, à Jésus, vous offri­rez éga­le­ment la myrrhe. La myrrhe jette nos regards, notre contem­pla­tion, notre consi­dé­ra­tion sur la Croix. La myrrhe repré­sente la sépul­ture de Notre Seigneur Jésus-​Christ. La myrrhe est employée pour la sépul­ture des corps. Et com­ment se fait-​il que Celui que vous ado­rez comme votre Roi et comme votre Dieu, com­ment peut-​Il être sujet à la mort ?

Cet Enfant-​Dieu que les Mages ont ado­ré et que vous ado­rez aus­si dans la Sainte Eucharistie, com­ment a‑t-​il pu être sujet à la mort ? Alors, hélas, dans nos pen­sées, à cette mort est lié le péché : notre péché. Nous sommes pécheurs ; nous avons péché et voi­là pour­quoi l’Enfant-Dieu est venu mou­rir, mou­rir pour nous rache­ter ; mou­rir pour ver­ser son Sang, pour le rachat de nos péchés.

Et là, c’est toute la spi­ri­tua­li­té de la Croix qui se dresse devant nos yeux. Cette Croix vous l’aimerez, mes chers amis. Elle ne nous quitte pas. Elle ne nous quit­te­ra jamais. Elle ne doit pas nous quit­ter, parce qu’elle est le che­min du salut et le che­min de la Rédemption. Elle est le che­min du Ciel. Elle est la voie royale ; elle est la voie que Notre Seigneur Jésus-​Christ a prise. Nous, ses dis­ciples, nous ne pou­vons pas prendre d’autre che­min. Il faut que nous por­tions la Croix avec Notre Seigneur Jésus-Christ.

Il faut que nous la por­tions tous les jours ; que nous l’aimions ; que nous l’embrassions comme saint André, qui disait : Ô bona Crux (…) diu desi­de­ra­ta, sol­li­cite ama­ta : Ô bonne croix (…) croix long­temps dési­rée (Saint André, IIe noc­turne) tota ama­bi­lis : tout entière aimable – quan­tam deinde desi­de­ra­ta : tant dési­rée ; parce quelle est vrai­ment le che­min du Ciel.

Alors vous offri­rez vos souf­frances ; vous offri­rez vos épreuves ; vous offri­rez vos dif­fi­cul­tés, vous vous mor­ti­fie­rez ; vous mor­ti­fie­rez vos péchés, vos ten­dances au péché, afin d’être tout entier à Notre Seigneur Jésus-Christ.

Voilà le pro­gramme que vous devez vous don­ner pour ce tri­mestre et en cela vous imi­te­rez les Rois Mages. Et vous imi­te­rez les Rois Mages, non seule­ment par les dons que vous don­ne­rez à Notre Seigneur, l’or et la myrrhe, mais vous les imi­te­rez aus­si en ne reve­nant pas dans le monde.

Vous êtes pas­sés par le monde. Ô certes, je ne veux pas signa­ler par là que vos familles avaient l’esprit du monde ; Ô non, je suis bien per­sua­dé que vos familles étaient pro­fon­dé­ment chré­tiennes et n’avaient pas l’esprit du monde, mais hélas, même les familles chré­tiennes se trouvent dans le monde, au milieu du monde et par consé­quent péné­trées plus ou moins par l’esprit du monde.

Eh bien, comme les Rois Mages qui eux aus­si étaient allés s’adresser aux Princes de ce monde à Jérusalem, pour trou­ver Notre Seigneur Jésus-​Christ, ils ne sont pas repas­sés par Jérusalem. Ils ont aban­don­né ce che­min du monde, car ce che­min était celui des per­sé­cu­teurs de Notre Seigneur Jésus-​Christ ; de ceux qui vou­laient le mettre à mort. En assas­si­nant ces enfants de Bethléem, ils croyaient mettre à mort Notre Seigneur Jésus-Christ.

Eh bien le monde n’a pas chan­gé d’esprit. Le monde est tou­jours le même ; le monde veut tou­jours tuer Notre Seigneur Jésus-​Christ, assas­si­ner Notre Seigneur. Alors, vous, ne ren­tre­rez pas dans ce monde. Vous pren­drez un autre che­min. Vous pren­drez désor­mais le che­min de la ver­tu, le che­min de la Croix, le che­min que Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même a vou­lu tra­cer et qui est votre guide. Voilà le che­min que vous prendrez :

Par aliam viam rever­si sunt in regio­nem suam (Mt 2,12) : « Par une autre voie ils sont ren­trés chez eux ».

Et vous aus­si, par une autre voie vous irez vers la vie éter­nelle, prendre le che­min du Ciel. Voilà la grande leçon que nous donne l’Épiphanie.

Nous deman­de­rons à la très Sainte Vierge Marie, qui a écou­té les confi­dences des Mages, nous deman­de­rons à la très Sainte Vierge qui a si bien com­pris le mys­tère qui s’est accom­pli alors, lorsque les mages ont dû lui confier qu’ils ne ren­tre­raient pas à Jérusalem, mais qu’ils ren­tre­raient par un autre che­min, la Vierge Marie a bien compris.

Demandons à la très Sainte Vierge Marie de nous aider dans ce che­min qui doit nous conduire à la vie éternelle.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.