16 avril 1783

Saint Benoît-​Joseph Labre

Gisant de saint Benoît-Joseph Labre dans l'église Santa Maria ai Monti à Rome

Né le 26 mars 1748 à Amettes en Artois, et mort le 16 avril 1783 à Rome.

Premier((Le second est Louis-​Marie Grignion dont on fête le tri­cen­te­naire ce 28 avril.)) fran­çais du XVIIIème siècle cano­ni­sé, Benoît-​Joseph Labre, né le 26 mars 1748 à Amettes en Artois, est bap­ti­sé le len­de­main par un oncle prêtre.

Un autre oncle lui inculque la ver­tu et la mor­ti­fi­ca­tion. Un jour de mar­ché, sa mère l’emmène ; Benoît entend sa mère lési­ner sur les prix, et l’avise de trai­ter sim­ple­ment, « de crainte, dit-​il, que le mar­chand ne gagnât pas autant qu’il était juste, ou ne prît occa­sion de men­tir ». Aux éco­liers, il dit : « On com­mence à voler du fil, puis des aiguilles, puis des ciseaux, enfin l’argent, ensuite on va en enfer ! ».

Ses parents le confient à l’oncle qui l’avait bap­ti­sé, pour le pré­pa­rer à la prê­trise. L’évêque de Boulogne le confirme. Benoît fait des aumônes aux pauvres qui frappent au pres­by­tère. Dans sa quin­zième année, il aspire à la vie cloî­trée. Un prêtre de pas­sage ayant loué la Grande-​Trappe, Benoît fixe son choix sur cette abbaye cis­ter­cienne du Perche. En 1766, la peste atteint le vil­lage d’Erin ; le curé et son filleul secourent les mori­bonds. François Labre décède de la peste en sep­tembre, après avoir per­mis à son filleul d’entrer à la Trappe.

Benoît dis­tri­bue l’héritage aux pauvres, et ses parents le confient en décembre à cet oncle prêtre((Jacques-Joseph Vincent, réfrac­taire, décè­de­ra en exil.)) qui lui avait insuf­flé l’ascétisme. Il sug­gère à Benoît de viser plu­tôt la Chartreuse ; les parents acquiescent. Un autre oncle prêtre l’introduit à la char­treuse de Neuville-​sous-​Montreuil où le prieur ren­voie Benoît pour révi­ser la rhé­to­rique et le chant. Ses parents le confient à l’abbé Adrien Dufour jusqu’à l’automne 1767 quand il est pris à l’essai à la char­treuse de Neuville d’où il sort, quelques semaines après, acca­blé par l’ambiance claus­trale ! Fin 1767, Benoît frappe à la Grande-​Trappe où, jugé trop frêle, s’en revient en Artois… Benoît voit « les âmes des­cendre vers les abîmes, aus­si nom­breuses, aus­si pres­sées que les flo­cons de neige par­mi les brouillards de l’hiver ». Ce sou­ci l’engage à rejoindre la Grande-​Trappe, voire Septfonts, dans le Bourbonnais. Sa mère lui presse de res­ter et d’être le par­rain du quin­zième enfant qui allait naître, Benoît étant l’aîné. Il cède. L’été 1769, il consulte l’évêque de Boulogne qui approuve la pré­fé­rence des parents pour la char­treuse de Neuville. Le 16 août, Benoît quitte sa famille pour Neuville. Le 2 octobre, jugé inapte, il res­sort et se dirige vers la Grande-​Trappe où encore il est refu­sé. Du Perche il s’oriente vers Septfonts.

Au bord de la Loire, un vigne­ron le reçoit. En remer­cie­ment, Benoît trace un signe de croix sur les ceps dépouillés ; cette vigne, dit-​on, devint la plus féconde et les gelées ces­sèrent de lui nuire. Le 30 octobre, Benoît-​Joseph entre à Septfonts. Le 11 novembre, revê­tu de l’habit trap­piste, il reçoit le nom de Frère Urbain. Fin avril 1770, le Père-​Abbé décide de pla­cer Benoît, fié­vreux et scru­pu­leux, dans l’hospice voi­sin et ne plus l’admettre à l’abbaye. Le 2 juillet, un peu gué­ri, muni d’un cer­ti­fi­cat louant ce céno­bite exact, Benoît-​Joseph s’en va errant dans le Bourbonnais, ayant en sa besace Bible et livres spi­ri­tuels. A Paray-​le-​Monial, une visi­tan­dine le voyant si épui­sé, le mène à l’hospice. Rétabli, il lui vient l’idée de péré­gri­ner à Rome. En route, un direc­teur de sémi­naire approuve son pro­jet. Blessé par un pre­mier caillou, lan­cé par un enfant cruel, il se réjouit d’être mépri­sé avec le Christ. A Dardilly, le grand-​père du Curé d’Ars le reçoit. De sanc­tuaire en sanc­tuaire, il atteint Assise, Lorette, puis Rome où il demeure quelques mois.

Pèlerin à la petite barbe blonde, il vaga­bonde en quête de couvent. D’abord, il enle­vait la ver­mine avec soin, plus tard il la garde par mor­ti­fi­ca­tion. En juin 1771, orage à Fabriano, une veuve le recueille et l’invite à visi­ter une malade voi­sine à qui il dit une chose qu’elle seule savait. Parti de là, la veuve trou­va un mari, et une fille qui l’avait consul­té devint capu­cine. A Bari, il chante les Litanies de la Vierge pour recueillir de l’argent et l’offrir aux pri­son­niers. On lui lance une pierre qui lui blesse la che­ville. Début 1772, Naples… A Cossignano, un curé le reçoit, Benoît-​Joseph craint de pro­pa­ger les dégoû­tants insectes qu’il traîne avec lui et d’incommoder ses ouailles, et pré­fère aller à l’hospice local. Benoît plaide en faveur des Jésuites expulsés.

Fin 1772, au hameau des Bellon, près d’Artigues, un soir d’hiver, reve­nant de la Sainte-​Baume, s’enfonçant dans la neige qui tom­bait à lourds flo­cons, haras­sé, s’appuyant sur son cou­drier, le che­mi­neau dégue­nillé frappe aux portes, per­sonne ne répond, le froid gla­cial tra­verse ses vête­ments usés. Un chien de ber­ger accourt, lèche le nez du pèle­rin, repart vers la bas­tide de son maître, gratte la porte… Estienne Bellon le reçoit. Réchauffé et nour­ri au pauvre foyer des Bellon, Benoît, avant de repar­tir au petit jour, dit au père : « Jete confère le don de gué­rir. Ce don pas­se­ra à l’aîné de tes des­cen­dants mâles jusqu’à la 7ème géné­ra­tion. » Depuis lors, les rebou­teux Bellon fai­saient mer­veille de père en fils. Etienne Bellon, 7ème des­cen­dant, décède en 1959 sans héri­tier ! Le Jeudi-​saint 1773 à Moulins, il invite 12 men­diants chez un hôte et leur montre des croûtes de pain et deux sous de pois, les élève, et ils se mul­ti­plient. Il gué­rit son hôte malade. Soupçonné de vol de vase sacré par le vicaire, Benoît s’enfuit. Près de St-​Bertrand-​de-​Comminges, il secourt un homme bles­sé qu’il soigne tant qu’il peut mais des cava­liers en ronde le prirent pour l’agresseur et le mirent au cachot ; l’agressé ira prou­ver l’innocence de son sau­ve­teur… Montserrat, Saragosse, Burgos, Santiago, Bilbao, La Louvesc, Carpentras, Arles, Aix. Marseille où il pré­dit à ses hôtes le nombre de prêtres et de reli­gieux qui sor­tirent de leur pos­té­ri­té. L’Isle-sur-Sorgues, Valréas. Roué de coups par des bri­gands sur une mon­tagne pro­ven­çale. Vers des jeunes pro­ven­çales qui se moquent de lui, Benoît se tourne d’un air grave, annon­çant à la plus folâtre qu’elle entre­rait au couvent (ce qu’elle fera). Selon une tra­di­tion, Benoît ser­vit comme manœuvre dans un vil­lage pro­ven­çal. Les pro­ven­çales voyant un enfant aux habits déchi­rés disaient : « Tu sembles le pauvre Labre ».

Un soir, Benoît sort de la cathé­drale de Fréjus, répan­dant une odeur fétide, épui­sé, les jambes ban­dées de linges. Le bar­bier de la place l’aperçut, le por­ta dans ses bras, le fit asseoir, et, chi­rur­gien de son état, selon l’u­sage d’a­lors, visi­ta les plaies du men­diant. Il les lava, en net­toya la pour­ri­ture et les pan­sa. Sans se sou­cier des insectes qui pul­lu­laient, il lui pro­po­sa de lui faire la barbe. En retour, Benoît pro­met de prier pour sa famille lui assu­rant que la béné­dic­tion de Dieu afflue­rait sur ses entre­prises. En effet, sa famille se trou­va bien­tôt des plus opu­lentes de la cité, rece­vant des man­dats hono­rables. Le bar­bier trou­vait au sou­ve­nir du saint une conso­la­tion for­ti­fiante, res­sen­tant une confiance chaque jour plus grande dans les mérites puis­sants de son pauvre hôte. Aussi, quand, quelques mois après la mort de Benoît-​Joseph, un membre de la famille vint à tom­ber malade et que les méde­cins eurent décla­ré leur impuis­sance, le bar­bier n’hé­si­ta pas à recou­rir à son ami du ciel. Ce ne fut pas en vain. Un ex-​voto pla­cé dans une église de Fréjus rap­pelle cette gué­ri­son sur­ve­nue en 1785.

En bord de Saône, un enfant se noie ; Benoît ne sait nager, se jette à l’eau, sauve l’enfant, et fut pour une fois lavé !

Besançon, St-​Claude, Einsiedeln ; Constance en 1774 ; Lucerne, Coblence en 1775, Mariastein ; incar­cé­ré un temps à Soleure ; sou­vent il remue la cla­quette par­mi les pèle­rins des sanc­tuaires afin que les sou­cieux de pro­pre­té s’éloignent.

En 1777, fixé à Rome, il n’en sort que pour gagner Lorette. Surnommé le « Pauvre du Colisée », où la nuit, il priait les bras éten­dus. Il com­mu­niait chaque semaine aux messes les plus mati­nales. Souvent en extase dans des églises, on le vit trans­fi­gu­ré un matin, à la Madone-​des-​Monts. … Bilocation, une nuit de Noël, on le vit prier à la Madone-​des-​Monts, tan­dis qu’il dor­mait dans l’Hospice évan­gé­lique aux portes ver­rouillées. Il chas­sait des églises les chiens sen­tant moins mau­vais que lui, leurs pro­prié­taires le ros­saient… Quand il pas­sait le Corso, on le vili­pen­dait, on le lapi­dait. Il lisait dans les âmes : « Mon fils, chas­sez cette pen­sée », « Ma fille, vous subis­sez à pré­sent une ten­ta­tion grave ; Dieu ne vous aban­don­ne­ra pas. ». Il pro­phé­ti­sa la Révolution : « je vois un grand feu qui tra­verse mon pays ». Il pro­di­guait des conseils : « Si l’on offense Dieu, c’est qu’on ne connaît pas sa bon­té… Qui connaît Dieu ne pèche pas », « Dieu ne nous éprouve que parce qu’il nous aime ; il lui plaît que nous nous aban­don­nions sur son cœur pater­nel. », Un confes­seur lui dit : « Que feriez-​vous si un ange vous annon­çait votre répro­ba­tion » – « J’aurais confiance ». « La jeu­nesse est mau­vaise, il faut bien la mater », disait-​il à ceux qui lui repro­chaient ses mortifications.

Les jambes enflées, il loge en 1779 à l’hospice de l’abbé Mancini auquel, le ven­dre­di de la Passion 1783, il déclare qu’il était libé­ré des ten­ta­tions. Le mercredi-​saint 16 avril, il se traîne à la Madone-​des-​Monts, assiste à la messe, et au sor­tir, s’effondre. Zaccarelli, son ami bou­cher, le porte dans sa bou­tique ; un prêtre lui demande s’il avait com­mu­nié, il répond : « Peu ». Il avait com­mu­nié l’avant-veille. Il reçoit l’Extrême-Onction. Tandis que les cloches de Rome sonnent une der­nière fois avant le Triduum, il tré­passe. La frêle dépouille fut por­tée à ND-​des-​Monts, où l’afflux fut tel pour véné­rer ce corps non-​corrompu et flexible, qu’il ne put y avoir de messe à Pâques… On l’ensevelit devant l’ancienne image de la Madone. Bientôt les miracles : 63 au 3 mai : incu­rables, muets, aveugles, para­ly­sés, hydro­piques. Jean Thayer, pas­teur pro­tes­tant à Boston, voya­geur ému par ces scènes, abjure sa secte le 25 mai. En juillet, 136 miracles.

Béatifié le 20 mai 1860, Benoît-​Joseph est cano­ni­sé le 8 décembre 1883.

Abbé Laurent Serres-Ponthieu