Alors que depuis quatre ans ont commencé les cinquantenaires dans la Fraternité Saint-Pie X, avec récemment celui de la fondation de nos sœurs, arrivent ce mois-ci les 50 ans de la déclaration du 21 novembre 1974. Empruntant à l’histoire de la Fraternité telle que rédigée par Monseigneur Tissier de Mallerais dans ses ouvrages Un combat pour l’Eglise, la Fraternité Saint-Pie X 1970–1995 et sa biographie Marcel Lefebvre, une vie, arrêtons-nous sur ce qui est comme l’ADN de la FSSPX.
Même si nous pourrions relater bien des événements qui ont conduit Monseigneur Lefebvre dans ses choix depuis sa fondation de la Toussaint 1970, prenons des faits plus proches de cette déclaration. Laissons parler Mgr Tissier : « Pendant l’été 1974, un vacancier passe à Ecône et demande à voir Mgr Lefebvre, qui ne le reconnaît pas sous le clergyman.
– Comment, s’exclame l’évêque de Strasbourg (car c’est lui), tu ne connais pas Arthur ?
– Ah ! Mgr Elchinger, dit Monseigneur, qui reconnaît enfin son ancien confrère de séminaire Léon-Arthur Elchinger.
Mais « Arthur » demande :
– Tu as du monde, à ce qu’il paraît ? A Strasbourg, ce n’est pas fameux. Comment fais-tu ?
Comment fait-il ? Mais aussi comment l’arrêter ? Telle est la question qui agite la France, Fribourg, Sion, Rome.
L’orage éclate brusquement le 11 novembre 1974 : après le petit-déjeuner, Monseigneur réunit toute la communauté d’Ecône pour lui annoncer la venue, ce jour même, de deux visiteurs apostoliques venant enquêter de la part des trois Congrégations romaines, par disposition de Paul VI lui-même.
Dans le couloir du cloître, en attendant les visiteurs, Mgr Lefebvre confie à l’abbé Aulagnier : « Je me doutais bien que notre refus de la nouvelle messe serait tôt ou tard une pierre d’achoppement, mais j’aurais préféré mourir plutôt que d’avoir à m’affronter à Rome, au pape ! » A 9 heures arrivent Mgr Albert Descamps, secrétaire de la Commission biblique, et Mgr Guillaume Onclin, secrétaire adjoint de la Commission pour la révision du Code de droit canonique. Pendant trois jours, les deux prélats belges vont interroger pères et séminaristes, auxquels ils tiennent des propos théologiques aberrants, trouvant normale et fatale l’ordination des gens mariés, n’admettant pas une vérité immuable et émettant un doute sur la réalité physique de la Résurrection du Christ. Ils ne se rendent jamais à la chapelle et ne présentent, en partant, aucun protocole de leur visite à la signature de Mgr Lefebvre.
A l’abbé Gottlieb, ils ont pourtant dit : « Le séminaire est bon à 99 %. » Et l’abbé de se dire : « 99 % ? Cela ne fait que 1 % pour la messe, ce n’est pas beaucoup ! » [1]
Quelques jours plus tard, le 16 novembre, Mgr se rend à Rome. Alors qu’il passe un cordon de grades suisses en sortant de l’une des Congrégations romaines, le prélat a la surprise d’entendre un des gardes rompre le silence protocolaire à son passage : « Monseigneur, vous attendez encore quelque chose de ces gens-là ? »
Monseigneur reste stupéfait par une telle remarque et, sans répondre, prend le chemin de notre maison d’Albano. Ses réflexions lui font se remémorer la visite canonique et il comprend qu’il n’y a plus rien à attendre des Congrégations romaines. Et c’est « dans un mouvement d’indignation », comme il le racontera par la suite, que Monseigneur rédige d’un seul trait de plume, sans rature, ce même jour du 21 novembre 1974, sa fameuse déclaration. C’est quelques jours plus tard, le 2 décembre, qu’il présente à la communauté d’Ecône cette admirable position de principe : « C’est, dit-il, la position du séminaire et de la Fraternité depuis le début, mais en termes plus nets et définitifs, en raison de l’amplification de la crise. »
« Toute la réforme « se tient » explique l’archevêque : à messe nouvelle, catéchismes nouveaux, séminaires nouveaux. Tout cela vient du libéralisme, du protestantisme et du modernisme qui se sont manifestés dans le concile et qui conduisent l’Eglise à la ruine. Nous sommes au pied du mur, il s’agit de manifester notre choix. Sans aucune rébellion, nous choisissons ce qui a été cru et pratiqué par l’Eglise de toujours. Par conséquent :
Nous adhérons de tout cœur, de toute notre âme à la Rome catholique, gardienne de la foi catholique et des traditions nécessaires au maintien de cette foi, à la Rome éternelle, maîtresse de sagesse et de vérité.
Nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néoprotestante qui s’est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues.
Mgr Lefebvre n’a pas achevé la lecture de sa déclaration que tous les séminaristes applaudissent, conscients de vivre un instant capital. Le prélat, méprisant toute prudence humaine, a déclaré ouvertement la guerre, dans une vue de foi, à l’ensemble de la réforme post-conciliaire [2]. »
1975, Année Sainte, Monseigneur se rend à Rome en pèlerinage et parvient à célébrer la Messe de saint Pie V à Sainte-Marie-Majeure et Saint-Laurent- Hors-Les-Murs au nez et à la barbe du cérémoniaire qui tente pendant la messe de lui faire lire le nouveau missel !
Et nous irons l’été prochain, 50 ans après, manifester nous aussi notre fidélité à la Rome éternelle !
Source : Le Belvédère de Saint Nicolas n°150, novembre 2024
- Marcel Lefebvre, une vie, Bernard Tissier de Mallerais, Clovis, page 504[↩]
- Idem, page 506.[↩]