Le commun de la nouvelle messe a fait l’objet de nombreux articles. La présente étude de Dom Guillou[1], commandée par Mgr Lefebvre, porte cette fois sur le propre des messes de l’année. On y voit un aperçu – loin d’être loin d’être exhaustif – des nombreuses modifications intentionnelles qui révèlent l’esprit des artisans de la nouvelle messe, et insinue insensiblement un nouvel état d’esprit chez les fidèles.
La Porte Latine
1979 – « Quelques notes pour Mgr Lefebvre »
Une chose n’est plus à prouver, d’abord, c’est l’écart entre le missale romanum et le missel romain » ; il va quelquefois jusqu’à la traduction-trahison : pour l’orate fratres et le Suscipiat, seul le texte latin nouveau maintient la distinction du sacerdoce du prêtre et du sacerdoce des fidèles [2], Or les gens, même quand la nouvelle messe est dite en latin, ne la comprennent que par la traduction obligatoire, fautive et approuvée. Cela devrait suffire à condamner le nouvel Ordo et le nouveau missel.
Mais la mentalité des traducteurs se trouve bel et bien inaugurée par le « missale romanum » nouveau latin. Qu’il s’agisse de la distinction du sacerdoce des prêtres et de celui des fidèles, car on est allé jusqu’à fausser le sens de la prière d’Hippolyte (seconde Prex eucharistica) en faisant au nom de tous ce qui, dans le texte, était dit de la dignité propre du prêtre. – Qu’il s’agisse de la prière consécratoire, qui tend à devenir un simple récit de l’institution, car les paroles proprement consécratoires ne se dégagent pas, ni par la musique, ni par les caractères d’imprimerie, de celles qui, prononcées aussi en ce lieu, ne sont pas proprement consécratoires : le accipe et manducate… accipite et bibite et le hoc facite…
Enfin, à ces graves orientations, ou plutôt désorientations, s’ajoutent toute une série de choses qui expriment une nouvelle orientation de toute la liturgie, si bien que se vérifie la parole d’Annibale Bugnini, déjà en 1967 : « L’image de la liturgie donnée par le Concile est totalement différente de ce qu’elle était auparavant » [3]. C’est une « nouvelle création », dixit encore Bugnini.
Ceci est suggéré par les précisions qui suivent : concernant le pacifisme irréaliste des nombreux textes, leur faux œcuménisme, leur nouvelle ascèse, leur allergie aux miracles et à l’extraordinaire voire à la poésie elle-même et aux images consacrées par la tradition, leur souci d’éviter certains mots précis et nécessaires, enfin la transformation caractéristique de la messe et de l’office du Christ-Roi.
Les exemples suivent.
1. Plus de lutte
Plus de païens
• Supprimée, l’oraison contre les païens (pro Ecclesiæ defensione).
« …Ut gentes paganorum, quæ in sua feritate confidunt, dexteræ tuæ potentia conterantur. »
« … afin que les nations des païens, qui se confient en leur cruauté, soient écrasées par la puissance de votre droite. »
– Oraison supprimée tout entière.
Plus de persécuteurs
• Supprimée, l’oraison contre les persécuteurs (contra persecutores et male agentes), devenue sous Jean XXIII pro defensione ab hostibus (pour la défense contre les ennemis) :
« Hostium nostrorum… elide superbiam : et eorum contumaciam dexteræ tuæ virtute prosterne. »
« De nos ennemis… brisez la superbe ; et par la vertu de votre droite abattez leur opiniâtreté. »
– Oraison supprimée tout entière.
Plus d’ennemis
• Édulcorées, les oraisons de la fête de saint Irénée (28 juin), secrète :
« … Ut pax a tua pietate concessa, christianorum fines ab omni hoste faciat esse securos. »
« … afin que la paix que nous concède votre piété rende les frontières des chrétiens sûres contre tout ennemi. »
– Remplacée par une autre.
Postcommunion de la fête :
« … Ut qui in defensione tua confidimus, beati Irenæi Martyris tui atque Pontificis intercessione, nullius hostilitatis arma timeamus. »
« … afin que nous qui avons confiance en votre protection n’ayons à redouter les armes d’aucune hostilité. »
Plus de lutte et de triomphe sur les ennemis
• Collecte de saint Jean de Capistran (28 mai) :
« … de crucis inimicis triumphare fecisti, præsta quæsumus ut spiritualium hostium ejus intercessione superatis insidiis… »
« … vous qui nous avez fait triompher des ennemis de la croix, faites qu’ayant par son intercession surmonté les embûches des ennemis spirituels… »
– Remplacée par une autre.
• Collecte de saint Pie V (5 mai) :
« Deus qui ad conterendos Ecclesiæ tuæ hostes…, ut omnium hostium superatis insidiis, perpétua pace lætemur. »
« Dieu qui, pour terrasser les ennemis de votre Église… avez daigné choisir le bienheureux pontife Pie…, afin qu’ayant triomphé des embûches de tous les ennemis, nous jouissions d’une paix perpétuelle. »
– Expurgée de ces passages.
• Collecte de saint Grégoire VII (25 mai) :
« … pro tuenda Ecclesiæ libertate…, omnia adversantia fortiter superare. »
« … indomptable fermeté pour la défense de la liberté de l’Église…, accordez-nous de triompher énergiquement de toutes les adversités. »
– Transformée aussi pour éviter ces expressions.
• Communion de l’Exaltation de la sainte Croix (14 septembre) :
« Per signum Crucis de inimicis nostris libera nos, Deus noster… »
« Par le signe de la Croix, délivrez-nous de nos ennemis, ô notre Dieu. »
– Remplacée par :
« Et moi, quand j’aurai été exalté de terre, j’attirerai tout à moi. »
À rapprocher de la réforme parallèle de l’office divin, notamment :
Plus de psaumes imprécatoires :
Suppression des psaumes d’imprécations : PS. 37, 77, 82, 104, 105, 108 : six.
Psaumes amputés de versets jugés inadmissibles : PS. 5, 20, 27, 30, 34, 39, 53, 54, 55, 136, 138, 139, 142 : treize. Sans compter les coupures, aussi, dans les cantiques bibliques. Or la raison de telles imprécations, c’est pourtant la haine de Dieu chez ses ennemis [4].
Pas d’Église militante
• Fête de saint Ignace de Loyola (31 juillet) :
L’« Ecclesiam militantem » de la collecte a disparu : « per beatum Ignatium..militantem Ecclesiam roborasti » (vous qui avez fortifié l’Église militante par le bienheureux Ignace)
Mais reste par miracle le : « concede ut ejus auxilio et imitatione certantes in terris, coronari cum ipso mereamur in cœlis » – « faites que combattant sur terre par son aide et à son exemple, nous méritions d’être couronnés avec lui dans le ciel. »
• Fête du Christ-Roi, postcommunion (dernier dimanche d’octobre, transporté au dernier dimanche de l’année liturgique pour élider le règne du Christ sur les choses même temporelles) :
« … Ut qui sub Christi Regis vexillis militare gloriamur… »
« … afin que nous qui nous glorifions de militer sous les étendards du Christ Roi… »
– Devient :
« … Ut qui Christi Regis universorum gloriamur obœdire mandatis. »
« … afin que nous qui nous glorifions d’obéir aux commandements du Christ, Roi de toutes choses… »
Plus de démon ni de contagion diabolique à éviter, plus d’enfer ni de condamnation à craindre
• De la prière d’Hippolyte (Prex secunda, deuxième prière eucharistique), on a rayé la mention du Christ mort « pour rompre la chaîne des démons, fouler aux pieds l’enfer. »
• La collecte du XVIIe dimanche après la Pentecôte ne se retrouve plus, à ma connaissance, dans la valse des oraisons des « dimanches ordinaires », elle disait :
« Da quæsumus. Domine, populo tuo diabolica vitare contagia et te solum Deum pura mente sectari. »
« Donnez à votre peuple, Seigneur, d’éviter la contagion du diable et de s’attacher d’un cœur pur à vous, le seul Dieu. »
• De même, dans la prière (supprimée totalement) pour les hérétiques et les schismatiques, le Vendredi saint, se trouvaient les « animas diabolica fraude deceptas » « les âmes trompées par la fraude diabolique », qui sont donc éliminées.
• Suppression de la séquence « Dies iræ » « jour de colère » de la messe des défunts, qui nous faisait dire entre autres :
« Quantus tremor est futurus Quando judex est venturus Cuncta stricte discussurus. »
« Confutatis maledictis Flammis acribus addictis Voca me cum benedictis. »
« Ah ! quelle terreur régnera, Lorsque le Juge apparaîtra Pour tout trancher avec rigueur. »
« Les maudits par vous confondus, Aux âpres flammes condamnés, Mandez-moi parmi les élus. »
• La collecte de saint Nicolas (6 décembre)
« … Ut ejus mentis et precibus a gehennæ incendiis liberemur. »
« … afin que par ses mérites et ses prières nous soyons libérés des flammes de l’enfer. »
– Devient :
« nos in omnibus custodi periculis, et via salutis nobis pateat expedita. »
« Gardez-nous en tous périls et que nous soit librement ouverte la voie du salut. »
Plus d’agonie ou de combat à l’heure de la mort
• Collecte de saint Camille de Lellis (18 juillet)
« Deus qui sanctum Camillum ad animarum in extremo agone luctantium subsidium,… ut in hora exitus nostri hostem vincere… mereamur. »
« … décoré saint Camille d’une prérogative singulière de charité pour soutenir les âmes dans la lutte suprême de l’agonie… afin que nous méritions à l’heure de la mort de vaincre l’ennemi… »
– Est devenue :
« Dieu, qui avez décoré saint Camille de la grâce singulière de charité envers les infirmes, par ses mérites infusez en nous l’esprit de dilection, afin que vous servant en nos frères, nous puissions à l’heure de notre décès passer à vous en sécurité. »
Disparue, de même, la secrète où il était encore mention de l’agonie ; et la postcommunion où il était question du réconfort des sacrements à l’heure de la mort.
2. Plus d’hérétiques – Plus d’errants
Faux œcuménisme
« Dans le climat œcuménique du I concile œcuménique du Vatican, on a fait remarquer de divers côtés que certaines expressions des orationes solennelles du Vendredi saint sonnent assez mal aux oreilles d’aujourd’hui. C’est pourquoi on a demandé avec insistance s’il n’était pas possible au moins d’atténuer certaines phrases. Il est toujours dur de devoir toucher à des textes vénérables qui pendant des siècles ont alimenté la mentalité chrétienne avec tant d’efficacité et ont encore aujourd’hui le parfum des temps héroïques de l’Église primitive. On a malgré tout considéré qu’il était nécessaire d’affronter ce travail afin que la prière de l’Église ne soit un motif de malaise spirituel pour personne » (Annibale Bugnini, DC. 1445, 4 avril 1965, col 603–604).
• Saint Pierre Canisius (27 avril), collecte :
« … errantes ad salutem resipiscant, et fideles in veritatis confessione perseverent. »
« … que ceux qui sont dans l’erreur [les errants] se repentent et que les fidèles persévèrent dans la confession de la vérité. »
– Devenue :
« … Ut qui veritatem quærunt, te Deum gaudentes inveniant et in tua confessione populus credentium perseverat. »
« … que ceux qui cherchent la vérité vous trouvent, ô Dieu, avec joie, et que le peuple des fidèles persévère dans votre confession. »
• Saint Robert Bellarmin (13 mai), collecte :
« Deus qui ad errorum insidias repellendas et Apostolicæ Sedis jura propugnanda, ut nos in veritatis amore crescamus et errantium corda ad Ecclesiæ tuæ redeant unitatem… »
« Dieu qui, pour repousser les pièges des erreurs et défendre les droits du Siège Apostolique… que nous croissions en l’amour de la vérité et que les cœurs des errants reviennent à l’unité de votre Église. »
– Devenue :
« Deus qui ad tuæ fidem Ecclesiæ vindicandam beatum Robertum… ut populus tuus ejusdem fidei semper integritate lætetur. »
« Dieu qui, pour défendre la foi de votre Église… afin que votre peuple se réjouisse toujours de l’intégrité de la même foi. »
• Saint Augustin de Cantorbéry (28 mai), collecte :
« … Veræ fidei luce illustrare dignatus es,… errantium corda ad veritatis tuæ redeant unitatem,… »
« … vous avez daigné éclairer de la vraie foi [les peuples de l’Angleterre], que les cœurs des errants reviennent à l’unité de votre vérité… ».
– Complètement changée ; il n’est plus question que de ce que :
… les « Anglorum gentes… in Ecclesia tua perenni fecunditate persistant. »
« … les peuples d’Angleterre… persistent dans votre Église en une fécondité permanente. »
• Saint lrénée (28 juin), collecte :
« … beato Irenæo… tribuisti ut et veritate doctrinæ expugnaret hæreses… »
« … vous avez donné au bienheureux lrénée d’être victorieux des hérésies par la vérité de la doctrine… »
– Transformée : plus d’hérésie nommément parlant.
• Vendredi saint, les grandes oraisons, « pour l’unité de l’Église » (le titre de cette oraison a été ajouté sous Pie XII)
« Oremus et pro hæreticis, et schismaticis : ut Deus et Dominus noster eruat eos ab erroribus universis ; et ad sanctam matrem Ecclesiam Catholicam, atque Apostolicam revocare dignetur. »
« Prions aussi pour les hérétiques et les schismatiques : afin que Dieu notre Seigneur les arrache à toutes leurs erreurs et daigne les ramener à notre sainte mère l’Église catholique et apostolique. »
– Devenue :
« pour l’unité des chrétiens » : « Oremus et pro universis fratribus in Christum credentibus ; ut Deus et Dominus noster, eos, veritatem facientes, in una Ecclesia sua congregare et custodire dignetur. »
« Prions aussi pour tous les frères qui croient en le Christ ; afin que faisant la vérité, ils soient rassemblés et gardés par la miséricorde de Dieu Notre Seigneur, dans son Église une. »
– De même :
« pour l’unité des chrétiens » : « Oremus et pro universis fratribus in Christum credentibus ; ut Deus et Dominus noster, eos, veritatem facientes, in una Ecclesia sua congregare et custodire dignetur. »
« Dieu tout-puissant et éternel, qui sauvez tous les hommes et voulez que nul ne se perde, jetez un regard sur les âmes trompées par la fraude diabolique, afin que, déposant la perversité hérétique, les cœurs des errants se repentent et fassent retour à l’unité de votre vérité. »
– Devenue :
« Omnipotens sempiterne Deus, qui dispersa congregas et congregata conservas, ad gregem Filii tui placatus intende, ut quos unum baptisma sacravit, eos et fidei jungat integritas et vinculum sociat caritatis. »
« Dieu tout-puissant et éternel, qui rassemblez ce qui est dispersé et conservez ce qui est rassemblé, regardez avec complaisance le troupeau de votre Fils, afin que ceux qu’un seul baptême a sanctifiés soient unis par l’intégrité de la foi et assemblés par le lien de la charité. »
• Épiclèse (ajoutée) à la prière d’Hippolyte (2e Prex eucharistica) : l’unité y apparaît comme une intercommunion eucharistique si elle est dite (et elle est dite) par les protestants comme par les catholiques :
« Et supplices deprecamur ut Corporis et Sanguinis Christi participes a Spiritu Sancto congregemur in unam. »
« Et nous demandons en suppliant, qu’ayant part au Corps et au Sang du Christ, nous soyons réunis par l’Esprit Saint en un seul corps. »
• De la prière d’Hippolyte, on a rayé : AD CONFIRMATIONEM FIDEI. Pourquoi ?
3. Nouvelle « ascèse »
À partir du Concile s’est propagée dans l’Église une onde de sérénité et d’optimisme, un christianisme stimulant et positif, ami de la vie, des valeurs terrestres… Une intention de rendre le christianisme acceptable et aimable, indulgent et ouvert, débarrassé de tout rigorisme moyenâgeux, de toute interprétation pessimiste des hommes, de leurs mœurs.
Documentation catholique, 20 octobre 1969, n° 1538, col 1372
Plus de vices, plus de culpabilité et donc plus de mépris des choses terrestres, plus de pénitence, de satisfaction, de conversion.
Du propre des saints, tout d’abord.
• Saint Raymond de Pegnafort (23 janvier), collecte :
« …dignos pœnitentiæ fructus facere… »
« … faire de dignes fruits de pénitence. »
– Changée : nouvelle oraison.
• Saint Curé d’Ars (saint Jean-Marie Vianney, 8 août) collecte :
«…sanctum Joannem Mariam pastorali studio et jugi orationis ac pœnitentiæ ardore mirabilem effecisti… »
« … Vous avez fait de saint Jean-Marie un admirable exemple de constante ardeur pour la prière et la pénitence… »
– devenue simplement :
« pastorali studio mirabilem effecisti… »
« … Vous avez fait de saint Jean-Marie un exemple admirable de zèle pastoral… »
• Saint Laurent (10 août), collecte :
« Da nobis quæsumus omnipotens Deus : vitiorum nostrorum flammas exstinguere ; qui beato Laurentio tribuisti tormentorum suorum incendia superare. »
« Donnez-nous… d’éteindre les flammes de nos vices, vous qui avez donné au bienheureux Laurent de surmonter les flammes de son supplice. »
– Autre oraison [il est question du « fidèle serviteur embrasé de charité » et de son « glorieux martyre »].
• Saint François d’Assise (4 octobre), collecte :
« …terrena despicere, et cœlestium donorum semper participatione gaudere. »
« … mépriser les choses terrestres et jouir toujours de la participation aux dons célestes. »
– Autre oraison :
«…Filium tuum sequi et tibi conjungi læta valeamus caritate. »
« … suivre votre Fils et vous être uni par une joyeuse charité. »
Du propre du temps :
• Ier dimanche de l’Avent, Postcommunion :
« … doceas nos terrena despicere et amare cœlestia. »
« … nous apprendre à mépriser les choses terrestres et à aimer les célestes. »
– Oraison intentionnellement formulée autrement :
« … doceas nos terrena sapienter perpendere et cælestibus inhærere. »
« … nous apprendre à évaluer sagement les choses terrestres et adhérer aux célestes. »
•Jeudi après les Cendres, collecte :
« Deus qui culpa offenderis, pænitentia placaris… flagella tuæ iracundiæ, quæ pro peccatis nostris meremur, averte. »
« Dieu, qui êtes offensé par la faute et apaisé par la pénitence… détournez les fléaux de votre colère, que nous méritons pour nos péchés. »
– Remplacée par une autre oraison.
• Ier dimanche après Pâques, collecte :
« Deus, qui in Filii tui humilitate jacentem mundum erexisti… »
« Dieu qui par l’abaissement de votre Fils avez relevé le monde abattu… »
– Remplacée par une autre oraison.
• IIIe dimanche après Pâques, collecte :
« Deus, qui errantibus, ut in viam possint redire justitiæ… »
« Dieu qui montrez aux égarés la lumière de notre vérité pour qu’ils puissent rentrer dans la voie de la justice… »
– Remplacée par une autre oraison.
• Même dimanche, secrète :
« …terrena desideria mitigantes, discamus amare cælestia. »
« … apaisant en nous les désirs terrestres, nous apprenions à aimer les choses célestes. »
– Remplacée par une autre oraison.
• Fête-Dieu, antienne de communion :
« Quotiescumque… itaque quicumque manducaverit panem, vel biberit calicem Domini indigne, reus erit Corporis et Sanguinis Domini, alleluia. »
« … Chaque fois que… c’est pourquoi quiconque mangera le pain ou boira le calice du Seigneur indignement, sera coupable du Corps et du Sang du Seigneur, alléluia. »
– Remplacée par une autre antienne.
De même, ce jour-là, on se contente de la fin de la Prose de saint Thomas d’Aquin, et le « Mors est malis, vita bonis : Il est une mort pour le mauvais, une vie pour les bons » passe au bleu.
• Fête du Sacré-Cœur, collecte :
« … in Corde Filii lui nostris vulnerato peccatis… dignæ quoque satisfactionis exhibeamus officiant. »
« … le Cœur de votre Fils, blessé par nos péchés… nous lui offrions nos devoirs de juste satisfaction (ou réparation). »
– Oraison nouvelle [pas de mention de la satisfaction justement voulue par Pie XI dans cet office].
4. Allergie aux miracles et à l’extraordinaire, voire à la poésie et aux images
L’image de la liturgie donnée par le Concile est totalement différente de ce qu’elle était auparavant.
Annibale Bugnini, D.C. n° 1493, 7 mai 1967, col. 829.
• Saint Nicolas (6 décembre), collecte :
« Deus qui beatum Nicolaum innumeris miraculis decorasti… »
« Dieu qui avez honoré le bienheureux Nicolas d’innombrables miracles… »
– Oraison autre. Et plus de miracles !
• Saint François Xavier (3 décembre)
« Deus, qui Indiarum gentes beati Francisci prædicatione et miraculis Ecclesiæ tuæ aggregare voluisti… »
« Dieu qui avez voulu réunir à votre Église les nations des Indes par la prédication et les miracles du bienheureux Xavier… »
– Nouvelle oraison : plus de miracles ni d’agrégation des Indiens à l’Église :
« Deus qui beati Francisci predicatione multos tibi populos acquisisti… »
« Dieu qui vous êtes acquis de nombreux peuples par la prédication du bienheureux François… »
• Saint Raymond de Pegnafort (23 janvier), collecte :
«…per maris undas mirabiliter traduxisti »
« … lui avez fait miraculeusement traverser la mer. »
– Oraison complètement changée. Légende !
• Sainte Scholastique (10 février), collecte :
« Deus qui animam beatæ Scholasticæ… in columbæ specie cælum penetrare fecisti… »
« Dieu qui… avez fait pénétrer au ciel l’âme de la bienheureuse Scholastique sous la forme d’une colombe… »
– Nouvelle oraison d’où la colombe s’est envolée. Légende !
• Apparition de la Bienheureuse Vierge Marie Immaculée (11 février) (Notre-Dame de Lourdes), collecte :
« … ut ejusdem Virginis Apparitionem celebrantes »
« … célébrant l’apparition de cette même Vierge… »
– Plus question de l’« apparition » dans l’oraison, ni d’ailleurs dans le titre de la fête.
• Chaire de saint Pierre (22 février), collecte :
« … collatis clavibus regni cælestis… »
« Dieu qui en remettant au bienheureux Pierre Apôtre les clefs du royaume des cieux lui avez donné le pouvoir de lier et de délier… »
– Changé : plus de clefs ! Malgré l’expression évangélique.
• Saint Jean de Dieu (8 mars), collecte :
«…inter flammas innoxium incedere fecisti. »
« Dieu qui avez donné au bienheureux Jean de s’avancer indemne à travers les flammes… »
– Oraison complètement changée. Légende !
• Sainte Françoise Romaine (9 mars), collecte :
« … familiari Angeli consuetudine decorasti »
« Dieu qui… avez honoré la bienheureuse Françoise… de la familière présence de son Ange gardien… »
– Oraison complètement changée. Légende !
• Transfiguration du Seigneur (6 août), collecte :
«… voce delapsa in nube lucida »
« Dieu qui… avez annoncé miraculeusement l’adoption parfaite du Fils par la voix tombée de la nuée lumineuse… »
– Oraison corrigée et amputée notamment de la voix tombée de la nuée lumineuse, trait pourtant évangélique.
• Notre-Dame des Sept-Douleurs (15 septembre), collecte :
« … doloris gladius pertransivit… »
« Dieu dont la Passion a plongé dans l’âme si tendre de la glorieuse Vierge Marie, votre mère, le glaive de douleurs… »
– Nouvelle oraison. Plus de glaive, image pourtant évangélique.
• Sainte Marguerite-Marie (17 octobre), collecte :
« … investigabiles divitias Cordis tui beatæ Margaritæ Mariæ Virgini mirabiliter revelasti… »
« … qui avez admirablement révélé à la bienheureuse Marguerite Marie les richesses insondables de votre Cœur… »
– Oraison autre. Plus de richesses insondables du Sacré-Cœur de Jésus, ni de révélation admirable de celles-ci.
• Saint Sylvestre, abbé (26 novembre), collecte :
«…sæculi vanitatem in aperto tumulo pie meditantem… »
« Dieu très clément, qui après avoir attiré au désert le saint abbé Sylvestre, méditant pieusement devant un tombeau ouvert… »
– Oraison nouvelle. Est-ce que le fait est légendaire ? Etc.
N.B. Ils n’ont pas eu à changer l’oraison de la messe octave de saint Pierre [elle n’existe plus]. Sans doute le « cujus dextera beatum Petrum ambulantem in fluctibus » [« dont la droite a saisi le bienheureux Pierre marchant sur les eaux »] ne leur eût pas plu.
5. Quelques autres allergies du nouveau missel
La Très Sainte Trinité
Allergie au mot « Trinitas » : les deux prières de l’Ordo Missæ « Suscipe Sancta Trinitas » et « Placeat tibi Sancta Trinitas » ont disparu, ainsi que la préface de la Sainte Trinité, conservée seulement pour le jour de la fête de la Sainte Trinité.
Les saints Anges
Des nouvelles préfaces, ont été éliminés complètement les « chérubins. »
La très sainte Vierge Marie
Le « semper Virgo » [toujours vierge] maintenu dans le « ideo precor beatam Mariam semper virginem » du confiteor latin a disparu dans la traduction française. « C’est pourquoi je supplie la Vierge Marie… » [traduction, trahison].
L’Église catholique
Pas une seule fois il n’est fait mention de « Ecclesia catholica » proprement dite [sauf dans le Credo].
Supprimée, la mention des « saints apôtres Pierre et Paul » [ils sont noyés parmi les autres apôtres] des preces eucharisticæ, du Confiteor, et les oraisons de l’ordinaire de la messe ancienne qui comportaient leurs noms ont disparu.
Rayée aussi, l’expression « Souverain Pontife », comme d’ailleurs le propre des Souverains Pontifes.
Le péché originel
Le péché originel disparaît presque jusque dans les expressions aussi discrètes que le « mirabilius reformasti » de l’offertoire qui parlait de la dignité de l’humaine substance « merveilleusement réformée », et dans l’oraison collecte du Christ Roi qui parlait des nations « peccati vulnere disgregatæ », « désagrégées » ou « déchirées par la blessure du péché. »
Le saint Sacrifice de la Messe
Le mot « propitiabile » pour le sacrifice disparaît avec l’oraison « Placeat » qui exprimait le sacrifice « propitiatoire », c’est-à-dire l’expiation des péchés et notre réconciliation avec Dieu, qui nous redevient « propice. »
La distinction du sacerdoce du prêtre et de celui des fidèles est exténuée, sauf dans « Orate fratres » et le « Suscipiat », mais la traduction-trahison se charge encore ici du travail… et c’est dans l’esprit du reste.
Les fins dernières
Disparition de ce qui est considéré comme traumatisant, par exemple le « Libéra me » des morts, et bien sûr le « Dies iræ. »
On peut dire qu’en latin même [pour les rares personnes qui le connaissent], le nouveau missel inaugure une pente glissante dans le même sens que les traductions, qui ont d’ailleurs été approuvées. Certes, il reste ici et là, surtout en ce qui a été conservé, ce qu’il faut pour contredire tout mécontent, mais c’est le cas de dire avec Dom Guéranger : les novateurs prennent soin de conserver des phrases et des mots « à produire en cas d’attaques. » Ils aiment « mieux profiter d’une expression vague qui n’exprime point clairement le dogme, que le traduire dans un style précis et surtout catholique. »
6. Le Christ-Roi
La fête du Christ-Roi manifeste les changements les plus caractéristiques de la réforme, dans le propre de la messe et l’office divin, correspondants à la liberté religieuse introduite par le Concile.
Oraison collecte
Plus de « ut cunctæ familiæ gentium peccati vulnere disgregatæ, ejus suavissimo subdantur imperio. »
[« afin que toutes les familles des nations divisées par la blessure du péché, se soumettent à votre très doux empire »].
– Elle est corrigée :
« ut tota creatura, a servitute liberata, tuæ majestati deserviat ac te sine fine collaudet. »
[« pour que toute la création, libérée de la servitude, serve votre majesté et vous loue sans fin »].
Les termes vagues de « servitude », « création », « deserviat » sont ainsi substitués aux expressions claires et surtout catholiques : blessure du péché, nations divisées, leur soumission sociale à l’empire du règne de Jésus-Christ.
Postcommunion
Elle claque au vent comme le Vexilla régis » :
« … ut qui sub Christi Regis vexillis militare gloriamur ; cum ipso in cælesti sede, jugiter regnare possimus. »
[« … afin que fiers de combattre sous l’étendard du Christ-Roi, nous puissions régner à jamais avec lui dans le ciel »].
– Corrigée comme suit :
« … ut qui Christi Regis universorum gloriamur obœdire mandatis, cum ipso in cælesti regno sine fine vivere valeamus. »
[« … afin que fiers d’obéir aux commandements du Christ, Roi de toutes choses, nous puissions avec lui sans fin vivre dans le royaume céleste »].
On ne veut plus « d’Église militante », comme nous l’avons déjà noté.
Hymne des Vêpres
Strophes supprimées ou amputées ou trafiquées :
* 2e strophe : « Scelesta turba clamitat Regnare Christum nolumus, Te nos ovantes omnium Regem supremum dicimus. »
« Une foule scélérate vocifère : Du règne du Christ ne voulons, Mais nos ovations te disent Souverain Roi de tous. »
– corrigée en :
« … Quem prôna adorant agmina laudant cœlitum, te nos ovantes.… etc. »
« Les armées célestes t’adorent prosternées et te louent les habitants des cieux, Mais nos ovations te disent… »
* 6e strophe : « Te nationum præsides Honore tollant publico, Colant magistri, judices, Leges et artes exprimant. »
« Qu’à Toi les chefs des nations Apportent public hommage, Que T’honorent maîtres et juges Que lois et arts te manifestent ! »
– Strophe simplement supprimée.
* 7e strophe : « Submissa regum fulgeant Tibi dicata insignia : Mitique sceptro patriam Domosque subde civium. » – Strophe simplement supprimée.
« Que brillent par leur soumission Des rois les étendards à toi consacrés, Et qu’à ton doux sceptre se soumettent Des citoyens la patrie et les foyers. »
– Strophe simplement supprimée.
* Doxologie : « Jesu tibi sit gloria Qui sceptra mundi temperas, Cum Patre… »
« À Toi Jésus, soit la gloire, Qui règles les sceptres du monde… »
Corrigée en :
« Jesu tibi sit gloria Qui cuncta amore temperas Cum Patre… »
« À Toi Jésus, soit la gloire, Qui refiles tout par ton amour… »
D’une manière générale, le Christ-Roi est considéré plutôt comme le pasteur, ou le roi des individus, ou le souverain de toutes choses, non comme le Roi et le législateur des nations. Le déplacement de la fête au dernier dimanche de l’année liturgique, ainsi que la leçon de Matines tirée de l’Apocalypse (Vision du Fils de l’homme dans sa majesté) évoquent le règne eschatologique du Christ revenant en juge à la fin des temps. Le commentaire d’Origène sur “adveniat regnum tuum : que votre règne arrive” expose le règne de Dieu en nous. Donc tout tend à élider l’idée du règne social et actuel du Christ qui doit être pourtant l’objet de notre proclamation, de notre combat et d’abord de notre prière liturgique.