Les sacres

A l’heure vou­lue de Dieu, et fixée par la pru­dence du Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, de nou­veaux sacres sont pos­sibles, et néces­saires pour le bien com­mun de l’Eglise.

Une échéance à venir ?

Les consé­cra­tions épis­co­pales du 30 juin 1988 eurent lieu à Ecône il y aura bien­tôt qua­rante ans. Quarante ans d’épiscopat : ce fut le moment où Mgr Lefebvre fit publi­que­ment part de son inten­tion de se don­ner des suc­ces­seurs en consa­crant des évêques. Aujourd’hui, nombre de cir­cons­tances semblent indi­quer que serait à nou­veau venu le moment favo­rable à de nou­velles consé­cra­tions. Dans un entre­tien du 1er novembre 2024, paru dans la revue des Etats-​Unis The Angelus de novembre-​décembre 2024, Don Davide Pagliarani, Supérieur Général de la Fraternité Saint Pie X décla­rait en effet, en évo­quant le récent rap­pel à Dieu de Mgr Tissier de Mallerais :

« Alors bien évi­dem­ment, la Providence nous parle à tra­vers cet évé­ne­ment. Il est très clair que ce décès sou­lève la ques­tion de la conti­nui­té de l’œuvre de la Fraternité, qui ne compte plus que deux évêques désor­mais, et dont la mis­sion auprès des âmes appa­raît tou­jours aus­si néces­saire, dans les temps de ter­rible confu­sion que vit l’Église aujourd’hui » [1]

2. Si cette conti­nui­té de l’œuvre de la Fraternité réclame de nou­velles consé­cra­tions épis­co­pales, il appar­tient au Supérieur Général de la Fraternité d’en déci­der l’exécution, au moment qui sera sans doute vou­lu par la divine Providence, mais qui aura néan­moins été fixé par lui, tant il est vrai que la Providence agit à l’ordinaire par le moyen des causes secondes, au nombre des­quelles l’autorité suprême, dans une socié­té comme la nôtre, se doit d’assumer les res­pon­sa­bi­li­tés les plus graves. « Le moment venu », déclare Don Davide Pagliarani, « nous sau­rons prendre nos res­pon­sa­bi­li­tés, en conscience ». Et ce sera bien sûr le moment qui vien­dra à l’heure qu’il aura fixée lui-​même, en bon arti­san de la divine Providence.

Reprise d’un argumentaire

3. Pour l’heure pré­sente, nous vou­drions indi­quer les rai­sons pro­pre­ment théo­lo­giques qui doivent conduire les fidèles catho­liques à ne pas hési­ter lorsque le moment sera venu, à l’heure fixée par le Supérieur Général. Ces rai­sons n’ont pas chan­gé, depuis le 30 juin 1988. Pour lors, elles furent expo­sées et déve­lop­pées dans dif­fé­rentes publi­ca­tions, dont la plus abou­tie fut incon­tes­ta­ble­ment l’article paru dans le numé­ro 285 de sep­tembre 1988 du Courrier de Rome, inti­tu­lé « Ni schis­ma­tiques, ni excom­mu­niés »[2]. D’autres, appa­rem­ment plus modestes, eurent cepen­dant le grand mérite de mettre plus immé­dia­te­ment à la por­tée des simples fidèles les argu­ments des­ti­nés à paci­fier leur conscience éven­tuel­le­ment hési­tante ou trou­blée[3]. De l’une à l’autre de ces deux espèces d’explications, la théo­lo­gique et la pas­to­rale, nous pou­vons rete­nir et appro­fon­dir le cane­vas sui­vant : comme celles d’hier, les éven­tuelles consé­cra­tions épis­co­pales de demain, même accom­plies contre la volon­té expli­cite du Souverain Pontife, seront a) pos­sibles ; b) néces­saires ; c) sans détri­ment grave.

Possibles.

4. La pos­si­bi­li­té doit s’entendre sur le plan qui est le sien, qui est celui de la nature même des choses, et qui concerne l’acte consé­cra­teur pris comme tel, indé­pen­dam­ment de sa confor­mi­té ou non-​conformité aux règles fixées par le droit – qu’il s’agisse du droit divin ou du droit ecclé­sias­tique. Est pos­sible un acte dont la réa­li­sa­tion ne répugne pas, n’implique pas de contra­dic­tion intrin­sèque. En ce sens il est pos­sible (même si cela est gra­ve­ment illi­cite, ce qui est une tout autre ques­tion) qu’un prêtre réduit à l’état laïque célèbre vali­de­ment la messe, car la mesure cano­nique dont il a fait l’objet ne lui a pas ôté le carac­tère sacer­do­tal ; en revanche, il est impos­sible qu’un prêtre célèbre vali­de­ment la messe en consa­crant une galette de maïs ou un calice rem­pli de bière, car le droit divin posi­tif fait dépendre la réa­li­sa­tion du sacre­ment d’une matière stric­te­ment déter­mi­née, quoi qu’il en soit des déci­sions du droit ecclé­sias­tique qui regarde comme illi­cite une telle célébration.

5. Il est donc pos­sible de consa­crer des évêques, même à l’encontre de la volon­té expli­cite du Souverain Pontife. Cela signi­fie ni plus ni moins qu’une telle consé­cra­tion est valide, quoiqu’il en soit de sa licéi­té ou de sa qua­li­fi­ca­tion sur le plan de la morale. Et il importe ici de sai­sir les rai­sons de cette vali­di­té. Certes oui, et c’est à une pre­mière rai­son qui explique cette pos­si­bi­li­té, les deux évêques désor­mais sur­vi­vants de la Fraternité Saint Pie X, Mgr de Galarreta et Mgr Fellay, sont revê­tus de la plé­ni­tude du sacer­doce et jouissent du pou­voir de confé­rer le sacer­doce et l’épiscopat, tout autant que tout autre évêque vali­de­ment consa­cré dans la sainte Eglise de Dieu. Mais aujourd’hui, il importe de sou­li­gner une deuxième rai­son qui doit prendre toute son importance.

6. L’épiscopat cor­res­pond en réa­li­té à un double pou­voir : d’une part, le pou­voir épis­co­pal d’ordre, qui est le pou­voir d’ordonner des prêtres, d’administrer le sacre­ment de confir­ma­tion et de consa­crer des évêques ; d’autre part, le pou­voir de juri­dic­tion, qui est le pou­voir de gou­ver­ner une par­tie de l’Eglise (un dio­cèse)[4]. Il est pos­sible à un évêque de confé­rer à un prêtre, par le sacre épis­co­pal, le pou­voir d’ordre épis­co­pal, même si cette consé­cra­tion est accom­plie à l’encontre de la volon­té expli­cite du Souverain Pontife. En effet, même gra­ve­ment illi­cite car contraire à la volon­té du Pape, cette consé­cra­tion reste néces­sai­re­ment valide, du fait que le pou­voir d’ordre épis­co­pal peut être com­mu­ni­qué par tout évêque, et pas seule­ment par le Pape, au moyen d’un acte de nature rituelle[5], c’est-à-dire moyen­nant un acte pro­dui­sant son effet par lui-​même ou ex opere ope­ra­to, indé­pen­dam­ment de toute volon­té du Pape. En revanche, il est impos­sible à un évêque de confé­rer à qui que ce soit le pou­voir épis­co­pal de juri­dic­tion, dès lors que cette com­mu­ni­ca­tion serait envi­sa­gée à l’encontre de la volon­té du Pape, car c’est pré­ci­sé­ment un acte de la volon­té du Pape qui est au fon­de­ment néces­saire de cette com­mu­ni­ca­tion. Seul le Pape peut com­mu­ni­quer à un évêque le pou­voir de juri­dic­tion, soit immé­dia­te­ment par lui-​même, soit média­te­ment et par l’intermédiaire d’un autre évêque délé­gué à cet effet. La com­mu­ni­ca­tion d’un pou­voir épis­co­pal de juri­dic­tion accom­plie à l’encontre de la volon­té du Pape serait donc pure­ment et sim­ple­ment inva­lide, alors que la com­mu­ni­ca­tion d’un pou­voir épis­co­pal d’ordre, accom­plie elle aus­si à l’encontre de la volon­té du Pape, serait, certes, gra­ve­ment illi­cite, mais par­fai­te­ment valide.

7. Il en va ain­si si l’on admet la dis­tinc­tion for­melle et radi­cale qui sépare le pou­voir d’ordre et le pou­voir de juri­dic­tion, dis­tinc­tion qui a tou­jours été ensei­gnée dans l’Eglise[6]. Nier cette dis­tinc­tion, revient à affir­mer que le pou­voir épis­co­pal de juri­dic­tion est com­mu­ni­qué, lui aus­si, par un rite pro­dui­sant son effet par lui-​même, ex opere ope­ra­to : la com­mu­ni­ca­tion simul­ta­née des deux pou­voirs serait alors valide, mais telle qu’accomplie contre la volon­té expli­cite du Souverain Pontife elle serait néces­sai­re­ment schis­ma­tique. Mais elle reste tou­jours possible.

Nécessaires.

8. Dans l’homélie qu’il pro­non­ça le 30 juin 1988, Mgr Lefebvre explique en détail pour­quoi les consé­cra­tions épis­co­pales, même accom­plies à l’encontre de la volon­té expli­cite du Pape, sont néces­saires. « Nous nous trou­vons », disait-​il, « dans un cas de néces­si­té. »[7] Cette expli­ca­tion se trou­vait déjà syn­thé­ti­sée, un peu moins d’un an aupa­ra­vant, dans une lettre datée du 8 juillet 1987, que le pré­lat d’Ecône avait adres­sée au car­di­nal Ratzinger : « Une volon­té per­ma­nente d’anéantissement de la Tradition est une volon­té sui­ci­daire qui auto­rise, par le fait même, les vrais et fidèles catho­liques à prendre toutes les ini­tia­tives néces­saires à la sur­vie et au salut des âmes »[8].

9. L’état de néces­si­té est une situa­tion extra­or­di­naire dans laquelle les biens abso­lu­ment néces­saires à la vie natu­relle ou sur­na­tu­relle se trouvent gra­ve­ment com­pro­mis en rai­son des cir­cons­tances. Cela peut se pro­duire – entre autres cir­cons­tances – parce que ceux aux­quels il incombe d’appliquer la loi l’appliquent de manière injuste et à l’encontre de la volon­té du légis­la­teur. De la sorte, les sujets se trouvent habi­tuel­le­ment obli­gés, s’ils veulent sau­ve­gar­der les biens qui leur sont néces­saires de néces­si­té vitale, de pas­ser outre la mise en appli­ca­tion abu­sive et tyran­nique de la loi. La loi est en effet essen­tiel­le­ment des­ti­née, dans l’intention du légis­la­teur, à pro­cu­rer aux sujets ces biens néces­saires et dans l’Eglise, tout l’ensemble de la loi ecclé­sias­tique est ordon­née, par sa défi­ni­tion même, à la pré­di­ca­tion de la doc­trine de la foi et à l’administration des sacre­ments [9]. Si l’application de la loi en vient à s’opposer à la fin de la loi, vou­lue par le légis­la­teur, elle n’est plus légi­time, car elle se met en contra­dic­tion avec elle-​même. Les sujets peuvent et doivent pas­ser outre, afin d’obtenir la fin de la loi, en dépit des auto­ri­tés qui appliquent la loi au rebours de la loi.

10. Or, il est clair que depuis le concile Vatican II, les fidèles de l’Eglise catho­lique se trouvent confron­tés à une telle situa­tion. Depuis 1965, les auto­ri­tés de l’Eglise leur imposent un nou­veau Credo en trois articles, avec la liber­té reli­gieuse, l’œcuménisme et la col­lé­gia­li­té ; et depuis 1969, ils leur imposent aus­si une litur­gie réfor­mée, avec une nou­velle messe d’esprit pro­tes­tant et des sacre­ments réno­vés dans un sens œcu­mé­nique. Ces Papes imposent de la sorte aux fidèles les erreurs graves du néo moder­nisme, déjà condam­nées par leurs pré­dé­ces­seurs. Face à cette pro­tes­tan­ti­sa­tion géné­ra­li­sée, tout fidèle catho­lique, dans l’Eglise, doit réagir. Ce point cor­res­pond à ce que l’on dénomme com­mu­né­ment « la crise de l’Eglise » et « l’état de néces­si­té ». Celui-​ci rend légi­time la résis­tance : c’est cette résis­tance qui explique l’œuvre de Mgr Lefebvre et de la Fraternité Saint-​Pie X.

11. Jusqu’où doit-​elle aller ? Aussi loin que s’étend la menace de cette pro­tes­tan­ti­sa­tion. Or celle-​ci menace sinon l’existence même (comme en 1988) du moins la liber­té de parole et d’action (comme aujourd’hui) du sacer­doce catho­lique. Les consé­cra­tions épis­co­pales accom­plies à l’encontre de la volon­té expli­cite du Pape en deviennent néces­saires. En effet, La trans­mis­sion de la foi requiert la pré­di­ca­tion de la vraie doc­trine et elle réclame des évêques et des prêtres indemnes de toutes les erreurs oppo­sées à cette doc­trine et déci­dés non seule­ment à prê­cher clai­re­ment celle-​ci mais encore à dénon­cer tout aus­si clai­re­ment et libre­ment celles-​là. La sanc­ti­fi­ca­tion des âmes requiert l’administration des vrais sacre­ments et celle-​ci réclame pareille­ment des prêtres vali­de­ment ordon­nés et déci­dés non seule­ment à demeu­rer fidèles aux rites tra­di­tion­nels de la sainte Eglise, mais encore à dénon­cer haut et fort la déna­tu­ra­tion de ces mêmes rites, dans un sens pro­tes­tant, accom­plie par la réforme de Paul VI. Or, s’il ne sau­rait y avoir de prêtres sans évêques pour les ordon­ner, il ne sau­rait y avoir non plus de prêtres fer­me­ment déci­dés à résis­ter comme cela est néces­saire sans évêques tout aus­si fer­me­ment déci­dés à les ordon­ner en vue de cette résis­tance ô com­bien néces­saire. Tout se tient.

12. Et notons-​le bien : tout se tient du début jusqu’à la fin car tout repose sur la juste appré­cia­tion de cet état de néces­si­té. La dif­fi­cul­té est que cet état de néces­si­té se constate – « Nous sommes bien obli­gés de consta­ter… » répé­tait Mgr Lefebvre – et ne se démontre pas. Et pour consta­ter, il faut sai­sir la gra­vi­té exces­sive des erreurs, et donc sai­sir l’importance abso­lue de la véri­té à laquelle elles s’opposent. Si l’on admet : 1) qu’il y a une crise dans la sainte Eglise de Dieu 2) et que sa gra­vi­té est telle qu’elle jus­ti­fie l’opération sur­vie de la Tradition, à tous les niveaux : d’abord le main­tien de l’ancienne dis­ci­pline et de l’ancienne for­ma­tion doc­tri­nale à l’encontre du moder­nisme ; puis les ordi­na­tions de 1976 pour assu­rer ce main­tien ; puis les sacres de 1988 pour assu­rer les ordi­na­tions, sui­vis d’autres sacres pour conti­nuer cette sur­vie du sacer­doce, alors l’attitude de Mgr Lefebvre et de la Fraternité est par­fai­te­ment jus­ti­fiée. Si 1) l’on n’admet pas qu’il y a une crise 2) ou si l’on n’admet pas que cette crise que l’on admet est grave au point de jus­ti­fier l’opération sur­vie de la Tradition en recou­rant à la mesure d’exception des consé­cra­tions épis­co­pales sans man­dat apos­to­lique, alors l’attitude de Mgr Lefebvre et de la Fraternité ne se jus­ti­fie pas, elle est extrême et exces­sive, au regard de ces erreurs qui ne paraissent pas graves au point de rendre néces­saire ces mesures d’exception.

Sans détriment grave[10]

13. Si les sacres sont néces­saires – de façon grave et urgente, pour sau­ve­gar­der le bien com­mun de l’Eglise, ils sont licites. Contre cela, aucune rai­son ne sau­rait valoir, car le bien com­mun est le prin­cipe même, prin­cipe pre­mier et suprême, de toute vie en socié­té, dans l’Eglise comme ailleurs. La licéi­té cano­nique et la légi­ti­mi­té morale des consé­cra­tions épis­co­pales accom­plies contre la volon­té expli­cite du Pape de l’heure pré­sente se tire de la défi­ni­tion même de l’Eglise, prise dans toute l’exigence de son bien com­mun, qui s’identifie au salut des âmes. Car si « c’est l’Eglise qui nous sauve », elle ne nous sauve pas sans nous, fut-​ce mal­gré le Pape de l’heure pré­sente, et, en cas de néces­si­té, elle ne sau­rait nous sau­ver indé­pen­dam­ment de cette action extra­or­di­naire de l’épiscopat, qui fera un jour aux yeux de toute la Chrétienté le titre de gloire de Mgr Lefebvre.

14. La consé­cra­tion épis­co­pale, si on l’entend comme nous l’avons fait plus haut “, comme la com­mu­ni­ca­tion rituelle du seul pou­voir épis­co­pal d’ordre, n’est pas, lorsqu’elle est accom­plie contre la volon­té expli­cite du Pape, un acte intrin­sè­que­ment mau­vais sur le plan moral et illi­cite. Elle peut l’être et elle l’est lorsqu’elle équi­vaut à un acte de déso­béis­sance – ce qui se pro­duit ordi­nai­re­ment et dans la plu­part des cir­cons­tances, qui ne sont pas celles d’un état de néces­si­té. Mais elle n’est pas de soi (ou intrin­sè­que­ment) un acte mau­vais et illi­cite ; elle peut équi­va­loir à un acte mora­le­ment bon, licite et salu­taire, en rai­son pré­ci­sé­ment de la cir­cons­tance d’un état de néces­si­té, où la consé­cra­tion est le moyen unique ou pri­vi­lé­gié de résis­ter à un abus de pou­voir, de la part du Pape de l’heure pré­sente.[11]

15. Il en va ain­si parce que l’acte de la consé­cra­tion épis­co­pale com­mu­nique de soi le seul pou­voir d’ordre, non le pou­voir de juri­dic­tion, que seul le Pape peut don­ner en rai­son d’un droit pro­pre­ment divin. Contre un tel droit, il n’y a aucune rai­son qui vaille en effet, et com­mu­ni­quer, contre la volon­té du Pape, à un évêque une auto­ri­té de juri­dic­tion sur une par­tie de l’Eglise équi­vaut à un acte schis­ma­tique, tout aus­si inva­lide qu’illicite. Mais la consé­cra­tion épis­co­pale qui se limite à com­mu­ni­quer le seul pou­voir d’ordre, même contre la volon­té du Pape, ne va pas de soi contre le droit divin. Celui-​ci réclame en l’occurrence ni plus ni moins que les condi­tions requises à la vali­di­té de la consé­cra­tion et qui sont l’ordination valide du pré­lat consé­cra­teur ain­si que le res­pect de la sub­stance du rite de la consé­cra­tion, avec l’intention qu’elle implique.

Les objections, anciennes et nouvelles.

16. A tout cela, qui pour­ra objec­ter ? Nous vou­drions exa­mi­ner ici d’hypothétiques pro­fils types, des pos­si­bi­li­tés pures de réac­tion, en res­tant bien sûr éloi­gnés de tout juge­ment à l’égard des personnes.

17. Les uns nie­ront tout sim­ple­ment la néces­si­té des sacres : ce sont ceux aux yeux des­quels il n’y a pas d’état de néces­si­té, du moins grave et urgente, dans l’Eglise, puisque le concile Vatican II fut un bon concile en tous points, ou, à tout le moins, ce fut le vrai et bon concile, dont la mise en pra­tique reste mal­heu­reu­se­ment encore para­ly­sée et para­si­tée par le faux et mau­vais « para concile », le fameux concile des médias. Ce sont les par­ti­sans de la thèse de Joseph Ratzinger, thèse que celui-​ci défen­dit avec une constance remar­quable, aus­si bien lorsqu’il fut Préfet de la ci-​devant Congrégation pour la Doctrine de la Foi que lorsqu’il fut le deux-​cent-​soixante-​cinquième suc­ces­seur de saint Pierre. Pour ceux-​là, de sur­croît, en confor­mi­té avec la nou­velle ecclé­sio­lo­gie de Lumen gen­tium, la consé­cra­tion épis­co­pale com­mu­nique uni­ment les deux pou­voirs d’ordre et de juri­dic­tion et c’est pour­quoi toute consé­cra­tion épis­co­pale, accom­plie contre la volon­té expli­cite du Pape, serait illi­cite et schis­ma­tique. Bref, pour tous ces néo conser­va­teurs, les sacres, quand bien même ils seraient pos­sibles, ne seront ni néces­saires, ni dénués de détri­ment grave. Où se situent de pareils objec­tants ? Assurément pas dans la mou­vance de la Fraternité, mais pas non plus seule­ment dans la mou­vance non tra­di­tion­na­liste (ou offi­cielle) de l’Eglise conci­liaire. Certains peuvent se ren­con­trer au sein même de la mou­vance Ecclesia Dei. Aux yeux de cer­tains d’entre ces sup­po­sés béné­fi­ciaires du Motu pro­prio de Jean-​Paul II, en effet, le concile Vatican II conserve toute la valeur d’une auto­ri­té magis­té­rielle (« à des degrés divers »…) la décla­ra­tion Dignitatis huma­nae sur la liber­té reli­gieuse n’est pas en contra­dic­tion avec la Royauté sociale du Christ, la nou­velle ecclé­sio­lo­gie de Lumen gen­tium s’harmonise avec la consti­tu­tion Pastor aeter­nus de Vatican I et la nou­velle messe de Paul VI est au pire seule­ment « moins bonne » que la messe de saint Pie V. Et tant Amoris lae­ti­tia que Fiducia sup­pli­cans peuvent faire l’objet d’une lec­ture sinon encou­ra­geante du moins bien­veillante, et, en tous les cas, disculpante.

18. Les autres accor­de­ront jusqu’à un cer­tain point l’état de néces­si­té. Parmi ceux-​ci, les uns n’iront pas jusqu’à en faire décou­ler la néces­si­té des sacres, faute d’apprécier comme il le faut toute la gra­vi­té et toute l’urgence de la situa­tion, et met­tront leur espé­rance en l’intervention jugée suf­fi­sante de « bons évêques » et de « bon prêtres », en réa­li­té gagnés eux-​mêmes aux prin­cipes faux, mais recu­lant devant toutes leurs consé­quences, en matière pas­to­rale et litur­gique. D’autres iraient jusqu’à accor­der la néces­si­té de consé­cra­tions épis­co­pales au sein de la Tradition, mais capi­tulent devant l’idée fausse de la nature intrin­sè­que­ment mau­vaise et schis­ma­tique d’une consé­cra­tion épis­co­pale accom­plie contre la volon­té expli­cite du Pape – la com­mu­ni­ca­tion du pou­voir de juri­dic­tion étant, selon eux, intrin­sè­que­ment liée, d’une manière ou d’une autre, à celle du pou­voir d’ordre. Même idéa­le­ment néces­saires, les sacres seront à leurs yeux tou­jours illi­cites, et même schis­ma­tiques. Leur résis­tance se contente de prê­cher la bonne doc­trine, de célé­brer la bonne messe et de se taire sur les erreurs. Fiducia sup­pli­cans n’a sus­ci­té chez eux que l’écho d’un conster­nant silence.

19. Quoi qu’il en soit de ces réac­tions, diverses, les sacres, eux, pro­fi­te­ront à tous, en don­nant à la sainte Eglise de Dieu le moyen de son indé­fec­ti­bi­li­té, pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes. A l’heure vou­lue de Dieu, et fixée par la pru­dence du Supérieur Général de la Fraternité.

Source : Courrier de Rome n° 682 – jan­vier 2025

Notes de bas de page
  1. https://​fsspx​.ch/​f​r​/​p​u​b​l​i​c​a​t​i​o​n​s​/​e​n​t​r​e​t​i​e​n​-​a​v​e​c​-​l​e​-​s​u​p​e​r​i​e​u​r​-​g​e​n​e​r​a​l​-​l​a​-​f​r​a​t​e​r​n​i​t​e​-​s​a​c​e​r​d​o​t​a​l​e​-​s​a​i​n​t​-​p​i​e​-​x​-​4​8​730[]
  2. https://​fsspx​.org/​f​r​/​n​i​-​s​c​h​i​s​m​a​t​i​q​u​e​s​-​n​i​-​e​x​c​o​m​m​u​n​i​e​s​-​3​3​260[]
  3. Par exemple, « Des sacres d’évêques : pour­quoi ? », Editorial du Chardonnet de juillet-​août 1987 dans Abbé Philippe Laguérie, Avec ma béné­dic­tion. Quatorze ans au Chardonnet, Certitudes, 1997, p. 96–99[]

  4. Voir le numé­ro de juillet-​août 2022 du Courrier de Rome, en par­ti­cu­lier l’article « L’opinion com­mune des théo­lo­giens sur l’épiscopat ».[]
  5. Nous évi­tons d’écrire « de nature sacra­men­telle » car la ques­tion de savoir si la consé­cra­tion épis­co­pale est un sacre­ment est dis­pu­tée. Cf l’article « L’épiscopat est-​il un sacre­ment ? » dans le numé­ro de sep­tembre 2019 du Courrier de Rome.[]
  6. Voir dans le numé­ro de juillet-​août 2022 du Courrier de Rome, l’article « L’opinion com­mune des théo­lo­giens sur l’épiscopat ».[]
  7. Mgr Lefebvre, « Homélie à Ecône le 30 juin 1988 à l’occasion des consé­cra­tions épis­co­pales » dans Vu de haut n° 13 (automne 2006), p. 64.[]
  8. Voir le numé­ro de juillet-​août 2008 du Courrier de Rome[]
  9. Code de Droit cano­nique de 1917, canon 682 et Nouveau Code de 1983, canon 213[]
  10. Sur tous les points sou­le­vés dans ce para­graphe, le lec­teur pour­ra se repor­ter aux numé­ros de juillet-​août et novembre 2022 du Courrier de Rome, où se trouvent toutes les jus­ti­fi­ca­tions emprun­tées à la Tradition magis­té­rielle et théo­lo­gique.[]
  11. Cf. les n° 6–7[]

FSSPX

M. l’ab­bé Jean-​Michel Gleize est pro­fes­seur d’a­po­lo­gé­tique, d’ec­clé­sio­lo­gie et de dogme au Séminaire Saint-​Pie X d’Écône. Il est le prin­ci­pal contri­bu­teur du Courrier de Rome. Il a par­ti­ci­pé aux dis­cus­sions doc­tri­nales entre Rome et la FSSPX entre 2009 et 2011.